L’utopique rédemption
Le dernier opus du réalisateur iranien a été tourné à Shiraz, lieu de culte des héros de ce pays multimillénaire. Etrange coïncidence car le personnage central du film va devenir malgré lui un héros bien particulier. Il s’agit de Rahim (Amir Jadidi somptueux…d’ambigüité).
En prison pour dettes, il est en permission pour deux jours. Rahim va tenter de convaincre son créancier de lever sa plainte en lui remboursant une partie de l’argent. Il faut dire que la compagne de Rahim vient de lui porter, miraculeusement dirons-nous, un sac qu’elle a trouvé dans la rue, rempli de pièces d’or. Stupeur, Rahim décide de rechercher la personne qui l’a perdu afin de le lui rendre. Révélé et derechef instrumentalisé, cet acte d’altruisme au-delà de tout soupçon projette Rahim sous les sunlights de la célébrité autant télévisuelle que numérique via les réseaux sociaux. La prison va même se servir du sujet pour en faire l’apologie et mettre sous le tapis au passage les multiples suicides dont elle est le lieu dramatique. Mais voilà, le sourire énigmatique de Rahim et des querelles familiales vont renverser la situation et faire tomber Rahim de son bien éphémère piédestal. Sur cette trame un brin alambiquée fait-il reconnaître, c’est la société iranienne qui est passée au crible de la caméra incisive d’Asghar Farhadi. Grand Prix du dernier festival de Cannes, le dernier film du réalisateur est une étouffante descente dans le banal univers d’un pays en proie à toutes les dérives, dont la peine de mort, ici à peine mais sûrement évoquée, n’est pas la moindre. De rebondissements en coups de théâtre, ce « héros », trop honnête pour l’être vraiment, nous laisse pantois au milieu d’un monde dans lequel les bons et les méchants s’entrecroisent jusqu’à se confondre, aussi peu nets les uns que les autres, pour finalement nous livrer une vision particulièrement sombre d’une société en perdition où le mensonge règne en maître absolu. Peu réjouissant certes, mais d’une implacable précision…et justesse !