Mères, je vous aime
Le réalisateur madrilène, septuagénaire aujourd’hui, n’en fournit pas moins tous les deux ans un nouvel opus, à vrai dira attendu par la planète cinématographique entière, un peu comme les Woody Allen, il fut un temps…
Fidèle à un fil rouge dont est reliée quasiment toute sa production, Pedro Almodóvar met au centre de son dernier film un personnage qui le fascine depuis toujours, celui de la mère. Sauf que cette fois, ce personnage principal est double. Il y a Janis (Pénélope Cruz, plus troublante que jamais et Coupe Volpi de la Meilleure actrice à la Mostra de Venise cette année pour ce rôle), célibataire bon teint, elle est sur le point d’accoucher dans la joie et la bonne humeur d’un enfant… accidentel. Dans la même chambre, Ana (Milena Smit, une formidable découverte), un brin plus jeune est dans la même situation, sauf que cette maternité la rend malheureuse. Les deux femmes vont s’épauler dans l’épreuve et finalement tisser un lien d’amitié très fort. Quelques mois après, leurs chemins se croisent à nouveau et vont leur révéler une étrange, terrible et inconcevable histoire. Follement romanesque et filmé avec un amour évident de ses artistes par un Pedro Almodovar en état de grâce, le film dévoile au cours de son récit un autre sillon que le réalisateur espagnol veut creuser à cette occasion. Ce sillon inattendu ici c’est celui de la mémoire. En effet, l’amant de Janis est anthropologue spécialiste de fouilles. Or Janis nourrit depuis de longues années le vœu de faire exhumer les corps empilés dans un charnier non loin de son village natal. Ces corps sont ceux des martyrs du franquisme. Et dans ce village il n’y a pas une seule famille qui ne souhaite donner une sépulture digne à un mari, un fils, un grand-père…
Subtilement les destins maternels de Janis et Ana vont percuter ce thème du souvenir et de la filiation. Le regard tendre, émouvant, débordant d’empathie que porte le réalisateur sur ces femmes extraordinairement courageuses dans leur quête mémorielle est totalement bouleversant. Un opus en demi-teinte par rapport aux précédents, mais qui nous montre un cinéaste au faîte de son art, un art dont il abandonne ici les extravagances, aussi fulgurantes soient-elles ! Une habile manière de parler à notre âme.