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Beate et Serge Klarsfeld – Musée départemental de la résistance & de la déportation

by Administrateur

Beate et Serge Klarsfeld, les combats de la mémoire

Ils ont joué un rôle majeur dans la reconnaissance de la Shoah. Ils se sont battus pour amener en justice les anciens responsables nazis. Ces deux personnes se sont le couple Beate et Serge Klarsfeld. Les époux sont à l’honneur jusqu’au 8 mai 2022 avec une exposition qui leur rend hommage au musée départemental de la Résistance & de la Déportation

Beate et Serge donnent une conférence de presse le 16 octobre 1979 à Bonn annonçant l’ouverture imminente du procès de Cologne. © SIPA Press

Cette belle exposition montre la difficulté de l’engagement civique au service d’une cause juste, la difficulté de rompre avec une vie normale pour mener une action qui fut d’abord incomprise. Cette action, nous pensons l’avoir plutôt bien menée pendant un demi-siècle. L’une de nos grandes victoires est d’avoir contribué à transformer l’Allemagne, devenue une grande démocratie, et d’avoir œuvré à la réconciliation franco-allemande. Aujourd’hui encore nous continuons à nous battre pour que les partis qui défendent les valeurs républicaines restent au pouvoir. Il faut rester vigilant, être toujours prêt à réagir, car l’avenir est imprévisible”, expliquent Serge et Beate Klarsfeld, lors du vernissage de l’exposition le 21 octobre 2021.  

Rares sont les femmes et les hommes qui incarnent à ce point une question, un noble combat, une volonté enracinée tel un véritable fil rouge tissé avec constance et opiniâtreté tout au long du parcours de la vie. Ce long engagement sans faille, personnifié par Beate et Serge Klarsfeld, est bien celui du refus de l’oubli, de ce combat pour la mémoire et la justice, pour la connaissance et la transmission de la vérité historique. Mais aussi et surtout, un combat qui doit nous engager, nous et les générations futures, afin que nos convictions humanistes se lèvent et triomphent de toutes les formes et expressions du barbarisme et de l’obscurantisme”, explique Georges Méric, président du Conseil départemental de la Haute-Garonne. Il poursuit : “L’exposition “Beate et Serge Klarsfeld, les combats de la mémoire (1968-1978)” nous fait vivre 10 années d’un parcours de plus de 40 ans. Un combat de la mémoire, commun et complice, pour faire savoir et admettre par le plus grand nombre, en France, en Allemagne et ailleurs à travers le monde, que les bourreaux nazis n’avaient pas tous été jugés lors du procès de Nuremberg, et que cela était moralement intolérable”. 

Au total, l’exposition comprend 10 panneaux qui reprennent les grandes étapes de la vie du couple. Par ailleurs, il est possible de voir 35 objets « originaux » ayant appartenu à Serge et Beate Klarsfeld parmi lesquels : « des portraits personnels et familiaux, des tickets de transports et des entrées utilisés lors de voyages mémoriels ou à l’occasion d’enquêtes, des lunettes et des habits iconiques, une partie du dossier constitué lors du voyage à Lima de Beate Klarsfeld sur les traces de Klaus Barbie », détaille le Conseil départemental de la Haute-Garonne. En outre, 3 films seront projetés : ««Le Combat d’une femme » (Journal Actualité Gaumont. 1973), « Beate et Serge Klarsfeld. Les combats de la mémoire, 1968-1978 », réalisé par Olivier Lalieu et Benoît Sourty, ainsi que la conférence de presse de Beate Klarsfeld, diffusée dans le Journal télévisé de 20 heures (Office national de radiodiffusion télévision française, 1972) .

Un combat “précieux, essentiel et absolument remarquable”

L’action de Serge et Beate Klarsfeld pour la justice, dans l’écriture de l’histoire, dans la construction et la reconnaissance de la mémoire de la Shoah, a été précieuse, essentielle et absolument remarquable. Le Mémorial de la Shoah leur a consacré la première exposition au monde, retraçant à l’aide d’archives et de documents privés les grandes étapes de leur parcours sur de nombreux continents. Après Paris, Nice, Lyon, Montpellier, Saint-Raphaël, nous sommes heureux que le Conseil départemental de la HauteGaronne ait décidé de l’accueillir dans le cadre prestigieux du Musée départemental de la Résistance & de la Déportation”, relate Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah. Il ajoute : “Un public nombreux pourra ainsi découvrir ou redécouvrir les réalisations et les combats éminents de ce couple franco-allemand animé d’une indomptable volonté et d’un courage à toute épreuve, grâce aussi aux liens fusionnels qui les unissent. L’exposition retrace également l’engagement des Fils et Filles des déportés juifs de France autour d’eux, une famille élargie de militants de la mémoire”.

Mais qui sont Beate et Serge Klarsfeld ? La première est née en 1939 à Berlin , dans l’Allemagne d’Hilter. A l’âge de 21 ans, elle quitte le foyer familial et arrive à Paris quelques semaines plus tard , le 7 mars 1960. Quant à Serge  Klarsfeld, il voit le jour en 1935 à Bucarest en Roumanie. Un an après sa naissance, sa famille s’installe à Paris. Plus tard, ils résident à Nice et dans la nuit du 30 septembre 1943, “les nazis viennent les arrêter mais Arno (père de Serge) parvient à cacher sa femme et ses enfants, avant de se sacrifier et est alors interné à Drancy, puis déporté au camp d’Auschwitz-Birkenau où il sera sélectionné pour le travail avant de succomber au cours de l’été 1944”, évoque le Conseil départemental de la Haute-Garonne. Jusqu’à la Libération, la famille s’installe en Haute-Loire puis revient à Paris . En raison de difficultés matérielles, ils s’exilent en Roumanie et ne reviennent à Paris qu’en janvier 1947. Serge Klarsfeld va y poursuivre ses études. 

Béret et pancarte portés par Beate lors dune manifestation contre Kurt Waldheim. Mars 1988, Vienne Autriche. © Liliana Brel

Les premiers engagements

Tous deux sont sur dans la capitale française, l’un achève ses études quand à l’autre est fille au pair et apprend le français. Le 11 mai 1960, Serge et Beate se croisent sur le quai de la station de métro Porte de Saint-Cloud. C’est un coup de foudre. Serge révèle à Beate l’histoire du nazisme, de ses crimes et le parcours douloureux des siens. Le couple se marie le 7 novembre 1963. 

Vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il s’apprête à devenir père, Serge Klarsfeld entame un retour sur lui-même et l’histoire de son père durant la Shoah. Il décide de partir sur ses traces en Pologne à Auschwitz et à Birkenau, là où Arno a disparu. En décembre 1966, le Ministre-président du BadeWurtemberg, Kurt Georg Kiesinger, est élu chancelier au sein d’une coalition avec le SPD. L’arrivée au pouvoir d’un ancien nazi et d’un ancien résistant socialiste pousse Beate Klarsfeld à s’exprimer publiquement à travers une tribune dans la presse. Deux autres textes signés par Beate et Serge vont suivre. Ils s’engagent alors complètement dans un combat porté à la fois sur le plan politique, judiciaire et historique. 

Dans une volonté de dénoncer l’élection au poste de chancelier d’un ancien haut-fonctionnaire nazi le 2 avril 1968. En pleine séance du Parlement à Bonn, Beate se lève depuis la tribune du public et interrompt un discours du chancelier en criant « Kiesinger nazi, démissionne ! », avant d’être expulsée par le service de sécurité. Comme l’espéraient les époux Klarsfeld, la presse relaie l’incident. Ils deviennent les figures du mouvement de révolte sociale en effervescence en France comme en Allemagne. Lors de la séance de clôture du congrès de la CDU à Berlin-Ouest le 7 novembre 1968, Beate Klarsfeld parvient finalement à gifler le chancelier Kiesinger dans la stupeur générale. L’événement connaît un retentissement mondial. Beate Klarsfeld a 29 ans et devient un symbole. “Je ne tolère pas qu’un ancien nazi puisse devenir chancelier. Je l’ai giflé pour le marquer et pour faire savoir au monde entier qu’il y a des Allemands qui refusent cette honte”, écrit Beate Klarsfeld, dans son livre “Mémoires”.

L’expulsion de Beate de la tribune de Bundestag. Berlin, 2 avril 1968. © Süddeutsche Zeitung

À la suite de l’enlèvement en Argentine d’Eichmann et de sa condamnation en Israël, la poursuite des criminels de guerre nazis à travers le monde suscite un intérêt croissant tout au long des années 60 et 70. Mengele, Bormann, Stangl, Barbie…

Le procès de Cologne 

Le procès contre Kurt Lischka, Herbert Hagen et Ernst Heinrichsohn, poursuivis pour complicité de meurtre, s’ouvre le mardi 23 octobre 1979 devant la cour d’assises de Cologne. C’est l’aboutissement d’une lutte engagée en 1971. L’instruction a duré trois ans et demi. Alors que Beate, Serge et leurs soutiens se sont retrouvés jusqu’alors seuls devant la justice, les anciens SS sont pour la première fois face à un tribunal en Allemagne. L’événement est couvert par la presse du monde entier. Tout au long des 32 audiences du procès, 3 000 Juifs de France, de tous âges et de toutes origines, se sont rendus à Cologne en train depuis Paris ou en autocars depuis des villes de province comme Lyon, Strasbourg ou Lille, répondant à l’appel des Fils et Filles des déportés juifs de France. Le verdict est rendu le 11 février 1980. Lischka est condamné à dix ans de détention, Hagen à douze ans et Heinrichsohn à six ans. Le verdict est un soulagement. Le 16 juillet 1981, 39 ans après la rafle du Vel d’Hiv’, la cour fédérale confirme le jugement. 

Serge et Beate Klarsfeld à Paris le 16 juillet 1974

La justice est passée. C’est la fin du contentieux judiciaire franco-allemand découlant de la Seconde Guerre mondiale. À la fin des années 70, Beate et Serge Klarsfeld sont désormais des figures connues des médias et des opinions publiques en Europe et bien au-delà. Ils ont été progressivement rejoints par un noyau de militants et d’organisations souvent issus du monde juif, tout en restant farouchement indépendants. La mémoire de la Shoah à laquelle ils ont consacré une grande partie de leur vie connait également une reconnaissance mondiale. L’association des Fils et Filles des déportés juifs de France se structure et compte rapidement 2000 membres. Soudés autour du couple Klarsfeld, les militants forment une famille passée par la même épreuve de la perte d’un ou de plusieurs parents durant la Shoah et vivant, dans une étroite complicité, une forme de « catharsis » collective à travers l’action militante.

Photo en mémoire des 168 enfants juifs déportés de la Haute-Garonne. © Liliana Brel

À partir des années 1980, le combat pour la mémoire de la Shoah mené par Serge Klarsfeld et appuyé par les militants des Fils et Filles des déportés juifs de France se développe intensément. Prolongeant ses recherches sur la persécution des Juifs en France, notamment la responsabilité des autorités françaises et la mise en œuvre de la Solution finale en Europe, Serge Klarsfeld écrit, publie et édite des dizaines d’ouvrages.

Pour le Conseil départemental de la Haute-Garonne : “Au terme d’une vie singulière et engagée, ils sont devenus des consciences pour l’humanité. Leurs combats personnels ont fini par trouver un écho considérable qui ne laisse pas indifférent. Ils sont entrés en résonance avec l’histoire du 20e siècle : sans jamais renoncer, le couple Klarsfeld a su trouver les moyens de l’influencer”.

Liliana Brel


Conseil Départemental de Haute-Garonne

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