Les diamants de la matriarche
Ce n’est pas sans une certaine impatience que nous attendions la suite, et la fin, de ce roman en deux tomes intitulé Le Rêve d’un autre monde. Le premier opus (La Tour de David) nous avait mis dans les pas d’une tribu composée de laissés pour compte de la société vénézuélienne, les Gracias. Nous avons alors fait connaissance avec la matriarche, cette femme seule, ayant perdu ses enfants.
Nous la rencontrons alors qu’elle habite dans la trop fameuse et bien réelle Tour de David, en plein cœur de Caracas, la ville la plus dangereuse du monde. Cet immeuble de 40 étages, inachevé, est devenu le plus grand squat du monde. Peuplé de miséreux mais également de salariés à très bas revenus, il abrite en fait une véritable communauté de plus de 3000 personnes. Solidarité et intelligence aidant, elles ont créé un monde à part, avec ses boutiques de première nécessité, son centre de soins, ses jardins, ses écoles. Bien sûr, il fait malgré tout des envieux et nombreux sont les assauts qu’il doit repousser pour tenter de demeurer viable.
Mais revenons à Mamaria, la matriarche qui a pris sous son aile maternelle de jeunes orphelins recueillis dans la rue : la petite Mila âgée seulement de 3 ans, mais aussi ses aînés d’une poignée d’années de plus, Helga, Vuk, Till et Pol, quatre ados aux tempéraments bien différents.
Nous les avons laissés en compagnie d’Alice, une infirmière française qui a rejoint cette famille improbable alors que la Tour vient de tomber aux mains de hordes prêtes à tout pour s’emparer de ce pseudo paradis. Nous les retrouvons dans un parc où se presse toute la misère d’un pays autrefois richissime.
Parallèlement les deux romancières nous font suivre les douloureuses pérégrinations de deux autres ados, français, obligés de quitter les Landes dévastées par des feux gigantesques et sous le risque d’une usine nucléaire en surchauffe.Leur but, s’éloigner le plus possible du périmètre d’un potentiel danger et rejoindre une ferme familiale en Alsace.
Tout en sachant qu’ils ne peuvent compter que sur leurs jambes et deux vélos. Shaun, le fils d’Alice, et Fany relèvent le challenge de traverser un pays en proie aux restrictions, aux bandes armées, aux pillages.
Le livre sous rubrique est donc les récits entrecroisés de ces deux fuites vers des terres plus hospitalières. En effet, les Gracias et Alice sont arrivés à monter à bord d’un super tanker reliant le Venezuela à Saint-Nazaire. Ces deux groupes vont rencontrer du tout monde, véritable panorama de notre société, ou du moins telle qu’elle pourrait se révéler dans ces conditions. Le constat est accablant, stressant et anxiogène. En creux, Anne Plichota et Cendrine Wolf pointent du doigt les désastres écologiques en cours/à venir sur notre planète. Le rêve d’un autre monde est-il encore permis ? Peut-être que pour une fois la réponse n’est pas dans la question… Dans tous les cas le récit est passionnant, plein de suspense, d’humour, d’émotion. Nous assistons là à deux véritables odyssées des temps modernes.