Kamel Daoud publie Houris aux éditions Gallimard. Le récit interdit sur la guerre civile en Algérie dans les années 90.
Aude est une jeune femme moderne.
Elle vit avec sa mère d’adoption, une femme inspirante qui se bat contre l’injustice. Et première des injustices, celle subit par Aube lors de la guerre civile en Algérie.
Aube n’est alors qu’une enfant qui ne comprend pas la violence alentour. La violence qui débarque jusque dans la maison de ses parents. Ce jour-là, elle ne se rappelle que du regard froid et terrible de celui qui tient un couteau.
Puis la sensation horrible contre sa peau. Aube doit fermer les yeux, ne pas bouger, imiter la mort qui se loge si près. Ses parents sont morts et sa sœur sera égorgée. Même sort qui était réservé à Aube.
Mais Aube va survivre au chaos malgré de lourdes conséquences. La première entre toutes, cette cicatrice qui s’étend le long de son cou et qui la prive de parole. Dès lors, la vie devient pesante. L’existence de cette blessure rappelle un épisode que tous veulent oublier et dont il est interdit de parler. Mais Aube n’a pas dit son dernier mot.
Aux racines du mal
Le récit est intime, intérieur, enfermé. Aube parle à l’enfant qu’elle porte. Cette enfant qu’elle croit impossible de mettre au monde. Pas lorsque l’interdit est partout. Aube raconte le présent, le regard des gens qui fuient, les voisins qui s’épient et ceux qui se dénoncent. Elle étouffe, coincée entre le quotidien oppressant et les souvenirs passés. Vagues mais ancrés dans la mémoire. Le jour du basculement.
Alors Aube décide de repartir dans son village natal. Et de comprendre l’innommable.
Sur son chemin, elle rencontre un homme qui n’a rien oublié. Ni les événements massifs, ni les crimes du quotidien. Il porte en lui les chiffres, les dates, les lieux. Résistant de la dernière heure, il se fait le garant d’une histoire impossible à refermer.
Kamel Daoud redonne la voix à ceux qu’on a rendus muets. Il ne détourne pas les yeux lorsqu’il s’agit de raconter un pan de l’histoire de l’Algérie. Et, à travers ses personnages, il recrée l’humanité dans sa plus grande dignité. Un texte saisissant par sa force et à la fois sa simplicité. Car il n’existe pas mille manières de raconter l’horreur, mais Kamel Daoud utilise le ton juste. Houris est en lice pour plusieurs prix littéraires, dont le Goncourt. Ce ne serait que justice !
Kamel Daoud, Houris, Gallimard.