Abdellah Taïa publie Le bastion des larmes aux éditions Julliard. Un récit troublant, intime et captivant de bout en bout.
Le narrateur, Youssef, vit en France depuis des années.
Bien installé, il est professeur et libre. Libre d’être lui-même, libre de toutes conventions et de toutes oppressions familiales ou sociétales. La France est à la fois sa terre d’exil et sa terre de choix.
Mais échappe-t-on tout à fait à son passé ? La distance géographique et culturelle est-elle suffisante ? Pas forcément. Et Youssef va le constater une nouvelle fois en retournant sur les terres de son enfance.
La circonstance cette fois-ci est encore plus particulière car sa mère, Malika, vient de mourir.
Un héritage difficile à porter
Retourner à Salé, au Maroc, c’est se confronter à ce deuil, mais aussi au reste de la fratrie. Surtout le clan des sœurs. Aussi différentes les unes que les autres, elles s’entraident autant qu’elles se déchirent. Chacune essayant de faire respecter des limites et des valeurs différentes. Youssef observe cela de l’extérieur, essaie de comprendre et de trouver sa place.
Puis les souvenirs d’enfance surgissent. Ainsi que l’image de Najib avec qui il partage un secret. Leur homosexualité. Ce secret, sous le règne de Hassan II et dans le quartier Hay Salam, est un poids. Pire une vie sans protection face à la violence sexuelle et perverse des adultes.
Youssef trouvera la force de fuir alors que Najib suivra un parcours chaotique.
Abdellah Taïa signe un roman majestueux. Puissant, intense. Parfois insoutenable – lorsque l’enfance est bafouée, méprisée – mais tellement nécessaire. Un cri de rage qui réveille, révolte.
Et à la fois une musique douce et nostalgique qui transcende le scandale et panse certaines blessures. Le roman est en lice pour de nombreux prix littéraires et c’est amplement mérité ! La voix d’Abdellah Taïa doit se faire entendre !