Deux ans après son premier roman, Roman fleuve, couronné par le prix Interallié, Philibert Humm prouve qu’il a de la suite dans les idées en publiant Roman de gare.
Le premier racontait la dérive en canoë de trois amis sur la Seine, le nouveau met en scène deux copains décidés à vagabonder à travers l’Hexagone en s’introduisant dans des trains de gares de marchandises. Une vraie-fausse « Note de l’éditeur » nous prévient d’emblée qu’il ne s’agit « en aucun cas d’un roman inspirant sur le thème de la résilience ».
Précisons encore que l’on ne trouvera pas de nazis, d’enfants abusés, d’odeurs de clebs après la pluie, de prédateurs exerçant leur emprise sur d’innocentes créatures et autres clichés en cours dans les pages enlevées, fantaisistes, drolatiques de Philibert Humm.
Les bonnes idées naissent souvent au zinc d’un bistrot autour de quelques verres de muscadet. Ce fut le cas pour le narrateur de Roman de gare (Philibert Humm en personne) qui décida, après une discussion avec quelques piliers de comptoirs, de s’inscrire dans la grande tradition des « hobos », ces vagabonds nord-américains ayant donné naissance à une mythologie romantique.
Pour l’accompagner dans cette aventure, il fallait son ami Simon, « le compagnon de route idéal », en dépit de menus défauts (« menteur, voleur, hâbleur, fruste, goinfre, hirsute et volontiers malhonnête »). Voici donc les deux compères sur les rails…
Partir et rêver
Au-delà du récit truculent de cette dérive pleine de surprises, Roman de gare est riche d’enseignements. On découvre, par exemple, l’utilité et les limites « des gourdes technologiques et connectées » ou la meilleure façon de nommer « les gens du voyage » sans heurter les sensibilités.
Philibert Humm ponctue son roman de dessins et de notes de bas de page, s’adresse au lecteur (ce qui est une marque de confiance), ne dissimule pas les moments gênants du périple. Comme dans une chanson de Charles Trenet, des gendarmes s’invitent dans l’aventure, mais tout cela finira sans dommages.
Car notre homme est de ces anarchistes tranquilles, de ces irréguliers pacifiques préférant l’insouciance et la rêverie aux idées. S’il rejette les injonctions de l’époque et ses règles absurdes, c’est « sans revendications ni mots d’ordre ». Son réel programme apparaît entre les lignes : « Partir et rêver », « lancer des fusées dans les ciels gris », « se fabriquer des souvenirs ». Depuis au moins la plus haute Antiquité, on n’a pas trouvé mieux. Héritier d’Alexandre Vialatte, de René Fallet et de Jacques Perret, le jeune Philibert Humm, 32 ans au compteur, est l’une des meilleures nouvelles que la littérature française nous ait donnée ces dernières années. Faites passer.
Roman de gare • éditions des Equateurs