D’En attendant le roi du mondeaux Lumières du ciel en passant par Les Evangiles du lac ou Petit monarque et catacombes, Olivier Maulin a déployé un univers romanesque aussi cohérent que singulier ne négligeant pas la satire ni le burlesque.
Né en 1969, l’écrivain aime mettre en scène des personnages inadaptés à notre époque et tentés par un retour à la nature, à la vie communautaire, à rebours de la civilisation techno-marchande. En témoigne Le bocage à la nage, cuvée 2013, qui vient d’être réédité en poche.
Philippe Berthelot, commercial chargé de vendre des monte-escaliers électriques à des retraités à travers la Mayenne, est licencié par son odieux patron. Rendu à la liberté de l’homme sans travail, il se lie en compagnie de son ami « Cro-Magnon » (un ancien soldat ayant servi en Afghanistan) à l’étrange population installée dans une vaste gentilhommière vivant quasiment en autarcie. Autour du maître des lieux, un élégant quinquagénaire à l’allure nobiliaire, s’ébroue une colonie de vagabonds, doux-dingues et autres anarchistes, nudistes, crudi-végétariens décidés à rompre avec « la vie hors nature que le capitalisme avait imposée aux hommes ». L’aspect grandiose du mélange garantit l’humeur vagabonde. Mais cette « avant-garde éclairée du grand retour en arrière », entre féodalité et communisme libertaire, va se heurter à quelques fâcheux, dont des agents de la DST…
La vue d’un bûcher rend modeste
Comme toujours, Maulin distille un souffle un vent anarchisant et joyeusement réactionnaire. Entre Michel Audiard et A.D.G. (on peut songer ici à La Nuit des grands chiens malades), il fait crépiter des dialogues irrésistibles. Par exemple, quand un nostalgique du Moyen Âge se voit opposer l’inévitable Inquisition : « Qu’est-ce qu’on en a à foutre de l’Inquisition… Tant qu’on disait pas de conneries, y avait pas de problème. » Imparable. Un autre renchérit : « maintenant, y en a même qui proposent de greffer des utérus aux hommes pour qu’ils soient enceintes, rapport à l’égalité ! Probable qu’avec l’Inquisition, ils auraient fermé leur gueule ! » Pas faux. Morale de l’histoire : « La vue d’un bûcher rend modeste. »
On aura compris qu’à l’instar de ses créatures, Olivier Maulin ne porte pas dans son cœur la bêtise orgueilleuse des temps modernes et le « vandalisme vendu sous le nom de progrès » : « l’époque est venue de ceux qui font le malin. De ceux qui considèrent qu’être né en dernier est un gage de supériorité. De ceux qui regardent le passé avec un petit sourire paternaliste. » Alors, c’était mieux avant ? Non, comme le disait Philippe Muray, « c’était mieux toujours ».