Frédéric Tellier n’est pas le seul à avoir voulu retracer la vie de l’Abbé Pierre, mais il est celui qui a le mieux réussi à nous en montrer la vigueur de l’engagement.
1939, Henri Grouès (1912-2007), futur Abbé Pierre, tente, en vain, pour raisons de santé, d’intégrer l’ordre des Capucins, connu pour son extrême rigueur. C’est la guerre. Militaire puis résistant, il fait face à l’horreur du conflit. C’est là aussi qu’il fait une rencontre décisive dans sa vie de combats, Lucie Coutaz (1899-1982). C’est avec elle qu’il va créer Emmaüs en 1949. Elle sera son assistante jusqu’à sa mort. Au travers de ces deux personnages exceptionnels, Frédéric Tellier trace le parcours de vies consacrées à combattre la misère en venant en aide aux plus démunis, aux mal logés et aux affamés. Bien sûr et comment pouvait-il en être autrement, nous sommes ici dans une option hagiographique. Et pourquoi pas tant l’action de l’Abbé Pierre en elle-même est un modèle unique d’empathie par rapport à l’Humanité défaillante.
Somptueusement filmé, ce film ne peut que nous émouvoir, voire nous faire réfléchir plus sereinement sur notre temps car il est clair que, sans prétendre que l’Abbé Pierre nous a quitté avant la fin de son projet, son travail est loin d’être achevé. Le sera-t-il jamais alors que 10% de la population se partagent la fortune planétaire et 90% les regardent frayer avec les puissants de ce monde afin d’épaissir leur fortune, sacrifiant parfois à un tapageur faux-nez caritatif ou culturel pour se donner une aura qu’ils n’auront jamais. C’était cela le combat de l’Abbé Pierre.
Si ce film est clairement porté par l’interprétation magistrale du pensionnaire de la Comédie Française Benjamin Lavernhe, dont nous suivons la silhouette des 25 ans de l’Abbé Pierre à sa disparition, il ne faut surtout pas oublier la performance non moins splendide d’Emmanuelle Bercot, Lucie Coutaz (1899-1982) indispensable au projet du saint homme. Soulignons également Michel Vuillermoz, très juste et terriblement émouvant Georges Legay, personnage emblématique du monde de la misère dans lequel s’est littéralement immergé l’Abbé Pierre.
Le scénario s’éloigne quelque peu de la littérature officielle concernant l’Abbé Pierre en cela qu’il est plutôt le vécu tel que l’a révélé à la production Lurent Desmard, secrétaire particulier de l’Abbé Pierre pendant 15 ans et Président de la Fondation Abbé Pierre. Un gage de vérité.