Si l’on ne peut réduire les filmographies d’Anthony Mann et de Gary Cooper au seul genre du western, il était inévitable que la route de l’interprète du Train sifflera trois fois croise un jour celle du réalisateur de Winchester 73, des Affameurs ou de L’Appât. Pour cela, il aura fallu que le metteur en scène fasse une infidélité à son acteur-fétiche James Stewart (huit films ensemble dont cinq westerns devenus des classiques) et que Gary Cooper écorne quelque peu son image de défenseur de la veuve et de l’orphelin.
Car il campe dans L’Homme de l’Ouest un personnage ayant tourné le dos à la violence depuis quinze ans et qui va devoir renouer avec son passé de tueur afin de sauver des innocents. Voici donc Link Jones ayant quitté son village et mandaté par la communauté pour recruter une institutrice en lui proposant un an de rémunération d’avance, mais le train devant l’amener dans la ville où l’attend la transaction est attaqué par un gang de braqueurs. Débarqué du train pendant l’attaque, Link se retrouve avec deux compagnons d’infortune – un joueur professionnel plutôt douteux et une chanteuse de saloon – en pleine nature le long de la voie. En quête d’un refuge, le trio se dirige vers une ferme abandonnée que Link dit connaître et où ils vont tomber sur le gang de braqueurs dirigé par un oncle de Link.
Horde sauvage
Débutant comme un western classique (héros apparemment sans tache, attaque de train, grands espaces verdoyants…), L’Homme de l’Ouest, réalisé en 1958, emprunte des voies plus inattendues, sombres, troubles, crues, où les lieux (nature, ferme, ville-fantôme) ne servent que de décor interchangeable à la révélation et l’expression de sentiments, de pulsions, d’actes répondant à un inexorable enchaînement tragique. Le film de Mann frappe aussi par son audace : du strip-tease imposé par les brigands au personnage féminin à la sauvagerie du combat à mains nues opposant Link à un membre du gang, affrontement se terminant par l’humiliation du vaincu contraint à son tour de se dévêtir… De façon plus explicite encore, le viol est une arme à laquelle les bandits ne rechignent pas.
Bien avant les westerns de Sam Peckinpah, de Sergio Leone ou de Clint Eastwood (le personnage de Will Munny dans Impitoyable n’est pas sans échos avec celui de Link Jones), Anthony Mann fait entrer le genre dans une noirceur et une dimension crépusculaire conférant à L’Homme de l’Ouest une modernité intacte.
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