C’est la quarante-quatrième édition du Festival international Piano aux Jacobins, qui s’est imposé dans le Midi toulousain comme le rendez-vous incontournable du monde pianistique mais ce, bien au-delà encore de ces frontières régionales.
Le festival n’a pas attendu aujourd’hui pour afficher sa forte identité. Il la conforte par cette nouvelle édition, en rassemblant un éventail de jeunes talents en devenir, autour d’artistes que le talent a déjà placé au faîte de leur carrière, les Richard Goode, Anne-Marie Mc Dermott, Jean-Claude Pennetier, Vikingur Olafsson, sans oublier Elisabeth Leonskaja. Certains se remarquent par leur fidélité indéfectible au Festival. Ils sont régulièrement des compagnons de route et nous deviennent si familiers.
Mais, Piano aux Jacobins ose, innove et sait prendre aussi des risques pour que le génie de la musique s’exprime. C’est dans le cadre architectural et acoustique unique du Cloître des Jacobins, véritable trait d’union entre ciel et terre, que chaque artiste dispose des conditions optimales pour exprimer son art. Avec son grand cloître orné d’élégantes colonnettes, sa Salle capitulaire, la petite Chapelle funéraire, il est le pourquoi de la présence renouvelée de certains artistes plus que confirmés et le pourquoi de la venue sans cesse renouvelée de ces jeunes générations de talents passionnants.
Nul doute que cette année l’émotion sera encore au rendez-vous et donnera aux soirées programmées toute la magie et l’harmonie qui, à l’habitude, se conjuguent à chaque fois entre une œuvre, un artiste, un lieu et un public.
L’ouverture du Festival, c’est le mercredi 6 avec le géorgien Giorgi Gigashvili dans un programme dense. Placé sous la bonne étoile de Martha Argerich, il est maintenant chapeauté par Nelson Goerner. Éclectique, il a aussi un penchant pour la musique électronique et l’écriture de chansons. Une forte personnalité qu’il mettra ce mercredi soir au service de Schumann, Liszt, Brahms et Scriabine.
Trois soirées Jazz vous attendent avec le samedi 9, Fergus Mc Creadie, le samedi 23, Laurent Coulondre et, l’exception qui confirme la règle, au Metronum le samedi 16, Macha Gharibian.
Fergus captive par son mélange unique de jazz et de musique folk écossaise, l’artiste étant fortement imprégné par ses racines et déroulant en toute clarté une musique construite sur les traditions folkloriques qui ont baigné son enfance. Une musique captivante qui sait être délicate comme pleine d’énergie.
Avec le pianiste nîmois de naissance Laurent Coulondre, c’est tout un jazz du sud qui transpire, exulte, jaillit. On lit même, “un jazz latin, festif et chaleureux“. Rien d’étonnant quand son jeu pianistique, irréprochable, est qualifié de riche et percussif. Un piano loin des circonvolutions intellectuelles, à la limite mystiques. On note qu’en Trio, le pianiste a su rendre récemment un vibrant hommage à un certain Michel Petrucciani, une prestation couronnée d’un franc succès tout à son honneur.
Quant à Macha, c’est la pianiste multi-casquettes, en même temps chanteuse, compositrice, arrangeuse et réalisatrice, à la carrière internationale bien posée, au style très personnel, voguant sur des approches orientales, néoclassiques mais encore pop avant-gardistes.
Mercredi 13, c’est Anne-Marie McDermott. Née en 1963, c’est depuis ses dix-huit ans que la pianiste américaine au vaste répertoire joue des concertos, des récitals et de la musique de chambre qu’elle affectionne particulièrement, et ce, dans des centaines de villes à travers les États-Unis, l’Europe et l’Asie. Bach est souvent à son programme tout comme Prokofiev, son préféré, mais Schubert aussi et voilà justement deux Sonates de Franz, et pas des moindres, comme la Sonate en ré majeur D 850 et la dernière, en si bémol D 960, celle qui a acquis la valeur du mythe, le “chant du cygne“ du viennois dans le domaine instrumental, un véritable monument du répertoire pianistique. Ne l’aborde pas qui veut.
Mais, dès le mercredi 7, nous voilà avec le pianiste allemand Julius Asal dans un programme disons “décoiffant“ dans lequel on retrouve de Prokofiev, les Dix pièces de la transcription qu’il a consacré à son ballet Romeo et Juliette, un régal pianistique en récital avec cette succession de morceaux qui sonnent superbement. Et Julius n’a peur de rien et continue avec Debussy dans les Préludes duquel, source inépuisable, il a choisi quatre pièces. Nous voilà très agréablement dérouté puisqu’il continue avec des Préludes de Serge Rachmaninov qu’il saupoudre d’un Nocturne et d’un Moment musical. Un programme très étudié qu’il complète avec un Nocturne en ré bémol majeur d’un certain Louis Durey, une partition écrite en 1928.
Tout est dit sur Julius Asal en une phrase par cette sommité du piano : « Le jeu de piano de Julius Asal m’a tout de suite étonné. C’est un mystère pour moi comment il a pu trouver son son unique. L’instrument semblait lui dire un secret. » Menahem Pressler.
Le lundi 11, nous irons écouter la géorgienne Salomé Jordania, déjà accueillie au Festival Piano aux Jacobins en 2022. Serge Chauzy avait commenté sa prestation en concluant : « Son récital toulousain témoigne à la fois de son impressionnant accomplissement pianistique, mais également d’une grand originalité de son jeu et de sa musicalité. Dotée d’une technique irréprochable, la jeune artiste aborde chaque partition avec une liberté de ton et une spontanéité irrésistibles. Son toucher déploie en outre une belle palette de couleurs qui sait s’adapter à chaque style. » Nous voilà prêt pour suivre un programme très dense, éclectique à souhait, une preuve à nouveau renouvelée de sa formidable envie de jouer …du piano ! Des pièces de compositeurs aussi rares en récital comme Mel Bonis, compositrice née en 1858, Cécile Chaminade, née en 1857, Benjamin Godard né en 1849 devraient vous interpeller. Concert en partenariat avec le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française.
Programme tout aussi dense au Cloître le mardi 12 avec le jeune pianiste anglais Martin James Bartlett puisque nous irons de Rameau et Couperin et son Rondeau en ouverture de récital à Gershwin et sa transcription pour piano de Rhapsody in blue qui termine le concert, en passant par Debussy et son Arabesque n°1, Ravel et sa Pavane, Granados et son El Amor y la muerte et Ginastera et ses Danzas argentinas. On a écrit : « Intelligence, couleur, énergie : on ne résiste pas à la communicative musicalité de Martin James Bartlett ! Acclamé lors de sa première venue en 2019, le pianiste retrouve le Festival avec un programme entre Europe et Amériques, débordant de rythmes et d’images tel qu’il les affectionne. »
Une date tout Jean-Sébastien Bach sous les doigts de Vikingur Ólafsson. C’est le jeudi 14. Ce pianiste islandais, né à Reykjavick, ayant reçu de multiples récompenses, au talent significatif encensé affronte cette partition mythique du génie de la musique que constitue les Variations Goldberg BWV 988 . Concernant son approche de ce compositeur, Vikingsur Ólafsson n’a plus rien à prouver. Comme on dit, il a fait ses preuves.
Escapade Rive gauche jusqu’au Théâtre Garonne le vendredi 15 pour le récital du pianiste et compositeur français Melaine Dalibert. Son programme s’intitule Shimmering. Le musicien est activement engagé dans la diffusion du répertoire contemporain et mène parallèlement un travail de composition essentiellement centré sur son instrument. Il collabore alors régulièrement avec des musiciens comme Will Guthrie, son frère Elie, et autres. Passionné par les arts visuels, il s’est associé à des artistes comme Vera Molnar, François Morellet, aujourd’hui décédé, tout en se produisant dans de nombreux festivals et centres d’art. C’est un univers que l’on peut qualifier de résolument contemporain.
Nous aborderons la suite du Festival dans un prochain article avec le mardi 19, l’“immense“ artiste au piano qu’est Jean-Claude Pennetier jusqu’au dernier concert d’une autre pianiste iconique, la toujours jeune Elisabeth Leonskaja précédant une autre figure tutélaire, un certain Richard Goode.