Pour avoir mené avec succès, par le passé, plusieurs projets avec l’Institut des Jeunes Aveugles (IJA) de Toulouse, le Club Rotary Toulouse Lauragais a décidé, cette année encore, de lui venir en aide et financer l’achat de claviers braille de dernière génération pour les jeunes et les adultes déficients visuels. A cette fin et en partenariat avec la Ville de Balma, le Rotary organise donc un concert caritatif intitulé Swing Brassens, tout un programme, le 8 juin à 20h Salle l’Odyssée à Balma.
Mais pour en savoir plus sur cette opération, nous avons rencontré Pauline Balmelle, cadre de direction à l’IJA et donné la parole à Daniel Rivière, enseignant spécialisé IJA-CESDV (Centre d’Education Spécialisée pour Déficients Visuels) et à Mathis Garcia, un jeune utilisateur de ce procédé.
Culture 31 : Expliquez-nous cette technologie appelée « plage braille »
Daniel Rivière : Une plage braille ou bloc-notes braille est une appareil électronique portable composé d’un clavier Perkins (8 touches), une plage comportant de 12 à 40 caractères selon les modèles, une mémoire et un “micro-processeur” pour les bloc-notes.
Une plage braille donne aux personnes atteintes de cécité ou très malvoyantes une autonomie importante en matière de communication écrite et accès aux nouvelles technologies (Supports numériques, pages Web, réseaux sociaux). Le Bloc-notes permet, entre autre, la prise de notes, la gestion de l’agenda, des contacts, des emails, un accès web, etc.
La plupart des bloc-notes peuvent se connecter également sur ordinateurs / smartphones et servent alors de clavier et d’écran pour ces derniers. Ils peuvent jouer alors un rôle de terminal en liaison avec des lecteurs d’écran comme NVDA (NonVisualDesktopAccess).
Qui est l’inventeur de cette technologie ?
Plusieurs sociétés françaises et étrangères ont mis au point ce type de technologie depuis 40 ans : Humanware (Canada), Hims Inc. (USA), Freedon Scientific (USA), Visiobraille – Baum Retec (Allemagne), Nippon Telesoft (Japon), HandyTech (Allemagne). Ce procédé est en évolution permanente.
En l’occurrence, le B-note a été conçu par la société Eurobraille (France).
Les Bloc-notes Braille, plages Braille et autres imprimantes Braille sont apparus depuis les année 1980. Il existe de nombreux modèles, de différentes tailles, capacités de stockages et proposant différentes applications.
« Fort de ses 40 ans d’expérience, Eurobraille a su se réinventer au fil du temps en proposant des gammes de plages braille de plus en plus innovantes et ergonomiques. La volonté première du fabricant est de renforcer l’autonomie des aveugles dans l’univers des voyants ».
A qui s’adresse-t-elle plus particulièrement ?
Aux collégiens et lycéens utilisant le braille dans leurs études (inclusion scolaire).
Quel est son coût unitaire ?
Pour le modèle le plus préconisé par l’IJA-CESDV: le b.note 40 cellules : 4 649,00€ TTC
La suite d’applications scolaires Esysuite coûte 700 euros (en option et incontournable si utilisation du braille mathématique).
A celui-ci il faut ajouter un ordinateur portable (13 pouces) d’environ 700/800 euros.
L’ordi région au lycée est parfois utilisé de manière transitoire.
Depuis quand existe cette technologie ?
Depuis les années 80.
Elle remplace l’utilisation d’une machine à écrire braille (Perkins : lourde et très bruyante mais toujours utilisée pour l’apprentissage du code braille et en classe les premières années à l’école élémentaire). Les blocs-notes réduisent la production parfois importante de supports en braille papier (embossage).
Combien de plages braille avez-vous déjà à disposition ?
A l’IJA-CESDV nous disposons d’un stock d’une trentaine de plages braille et bloc-notes de différentes tailles et degrés de performance et d’obsolescence; mais nous ne disposons pas encore du dernier modèle d’Eurobraille, de fabrication française.
Nous les tenons à disposition pour les élèves (en prêt ou matériel de secours pour les examens).
Quels effets avez-vous évalués chez les utilisateurs ?
Les élèves en inclusion scolaire munis d’un bloc-notes (le plus souvent relié à un ordinateur portable) gagnent énormément en autonomie dans les apprentissages : prise de notes en classe, relecture de leurs productions écrites ; la transmission des données écrites est plus rapide au format numérique (si tant est qu’il soit accessible et adapté).
L’utilisation d’un afficheur braille est complémentaire à l’approche audio par le biais d’une voix de synthèse (lecteur d’écran installé dans l’ordinateur).
La gestion des supports numériques est facilitée (moins de supports papier en braille). Les cartes et schémas en relief restent toutefois complémentaires.
L’élève apprécie de pouvoir montrer et/ou transmettre rapidement ses écrits lisibles et compréhensibles pour une personne non-brailliste (affichage sur écran, transfert par clé USB, impression encre).
Grâce au Bluetooth et au Wifi, l’élève peut accéder à certains outils numériques comme tout le monde : les environnements numériques de travail (ENT du lycée) et certaines plateformes d’échange (Vision, drive).
Mathis Garcia, 19 ans, est élève en terminale au Lycée Berthelot de Toulouse. Malvoyant, il utilise cette technologie et nous fait part de sa satisfaction.
Culture 31 : Depuis quand utilisez-vous une plage braille ?
Mathis Garcia : Dès le CM1 j’ai utilisais une autre technologie. En fait un ordinateur braille, l’Esytime. La plage braille actuelle est à ma disposition depuis deux ans.
Quel temps nécessite l’apprentissage d’une plage braille ?
Personnellement il m’a fallu 6 mois. Tout en sachant qu’il est indispensable de maîtriser le braille auparavant car la plage braille ne peut servir d’enseignement à ce système d’écriture.
Dans quelles circonstances utilisez-vous cette plage braille ?
En fait dans le cadre de mes études, entre 9 et 10h par jour.
Qu’est-ce que cette plage braille a changé pour vous ?
C’est tout d’abord un accès à un monde numérique plus global. A présent j’ai moins de difficulté pour me déplacer dans cet univers. Si je suis très peu sur les réseaux sociaux, par contre, j’utilise cette nouvelle technologie pour faire des recherches sur internet, via Google et Wikipédia en particulier. Avec cette plage braille j’ai la possibilité aussi de recevoir et d’envoyer des mails.
L’outil que vous avez en main est le dernier-né de cette technologie. En quoi est-elle différente des précédentes ?
Elle est plus fiable et présente beaucoup moins de bugs. Elle est également plus performante au niveau purement numérique et aussi beaucoup plus simple d’utilisation. Je peux l’amener en cours, reliée à un ordinateur portable simplement.
Quels sont vos projets professionnels ?
Je souhaite tout d’abord intégrer l’Université Champollion d’Albi dans la filière sociologie car j’envisage une carrière de psychologue.
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Propos recueillis par Robert Pénavayre