Pré-ouverture de la 48e édition à la Halle aux Grains le mardi 9 mai
Fondé en 1975 par le regretté Jean-Patrice Brosse dans le cadre majestueux et chargé d’histoire de la cathédrale de Saint-Bertrand, le Festival du Comminges se délocalise à Toulouse le 9 mai pour un concert à la Halle aux Grains en avant-première de l’édition 2023 (du 28 juillet au 9 septembre). Rencontre avec celui qui dirige cette prestigieuse manifestation depuis 2022, le violoncelliste Victor Julien-Laferrière.
Vous avez été nommé directeur artistique du Festival du Comminges l’an passé, après le décès de Jean-Patrice Brosse en 2021. Pour le jeune musicien que vous êtes, était-ce un véritable défi de reprendre la direction de ce festival à la longue histoire, où beaucoup de grands artistes se sont produits ?
C’est en effet un défi redoutable mais exaltant à relever. Je suis très admiratif du travail qui a été réalisé tout au long du presque demi-siècle d’existence du festival et je considère que les 46 programmations présentées par Jean-Patrice Brosse sont autant de sources d’inspiration pour concevoir les prochaines éditions de ce magnifique événement musical. De surcroît, la région est splendide et dotée de nombreux lieux patrimoniaux propices à l’accueil de concerts classiques et offrant une excellente acoustique.
À ce propos, avez-vous des attaches familiales dans la région commingeoise ?
Je n’ai pas d’attaches personnelles dans le Comminges et n’y ai jamais vécu, étant plutôt mi-bourguignon, mi-parisien. En revanche, je viens au festival depuis près d’une dizaine d’années en tant que musicien invité, ce qui m’a permis de connaître l’équipe, de découvrir le fonctionnement de l’association et les lieux où se tiennent les concerts. C’est la raison pour laquelle les organisateurs ont pensé à moi pour reprendre la direction du festival, dans les circonstances difficiles de la succession de Jean-Patrice Brosse.
Est-ce une première pour vous s’agissant de la programmation d’un événement comme le Festival du Comminges ?
Non, pas tout à fait, dans la mesure où j’ai créé il y a quelques années Les Sensationnelles, un festival qui se tient à Sens dans l’Yonne. Un événement certes plus court, plus modeste et de bien moindre ampleur, mais que j’ai bâti de toutes pièces en partant de rien. Cette première expérience s’est révélée très formatrice en termes de conception de programmation, de constitution d’une équipe, et pour la connaissance des rouages permettant de monter et faire vivre un festival.
Comment définiriez-vous l’esprit du Festival du Comminges et sa ligne artistique ?
L’esprit du festival est imprégné de l’esprit des lieux où nous donnons les concerts. Encore une fois, le Comminges est une superbe région, au riche patrimoine, en particulier Saint-Bertrand-de-Comminges, le berceau de la manifestation, avec son impressionnante cathédrale Notre-Dame presque surdimensionnée par rapport à la taille du village fortifié. Il faut rappeler que la naissance du festival au milieu des années 1970 est liée à la réfection du remarquable orgue de Saint-Bertrand. Les premières programmations ont été conçues autour de cet instrument, l’orgue et son répertoire étant constitutifs de l’identité du festival, des origines à nos jours. C’est une composante forte que nous entendons faire perdurer.
Cela étant, au cours de la longue histoire du Festival du Comminges, il y a eu beaucoup de variété dans la programmation. L’orgue est le point de départ mais il y a aussi une tradition ancienne de musique vocale et de musique religieuse, puisque nous nous trouvons sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Plus récemment, le festival s’est tourné vers la musique de chambre, entre autres lors de concerts à la très belle basilique Saint-Just de Valcabrère, sise un kilomètre en contrebas de Saint-Bertrand-de-Comminges.
En ce qui concerne la ligne artistique, j’ai la volonté d’aborder tous les genres à chaque édition. Cela relève pour moi d’une sorte de « service public » que nous voulons offrir aux spectateurs, qu’ils habitent la région ou y soient de passage, avec une programmation montrant toute la richesse, toutes les facettes de la musique savante.
Avez-vous apporté une touche personnelle à la programmation ou vous êtes-vous glissé dans les pas de Jean-Patrice Brosse ?
Ma conviction est que la somme des choix que l’on doit faire en tant que directeur artistique, comme lorsqu’on conçoit un programme en tant qu’interprète, doit correspondre à nos goûts et à notre singularité. Dans la programmation, beaucoup de propositions « me ressemblent » si l’on peut dire, et sont le reflet de mes préférences personnelles. Pour illustrer cela, je crois que le fait le plus spectaculaire est le retour de l’orchestre. Je parle de retour puisqu’il y a déjà eu des concerts avec orchestre au Festival du Comminges par le passé, sans que cette dimension s’inscrive dans la durée. J’ai souhaité que ce soit désormais le cas, la chose me tenant particulièrement à cœur. J’y vois une manière généreuse de fédérer le public, en lui proposant des programmes qui intègrent de grandes oeuvres orchestrales.
Cette année, il y a une espèce d’avant-première du festival avec le concert que vous organisez mardi 9 mai à 20h30 à la Halle aux Grains de Toulouse, où vous allez vous produire avec le pianiste Adam Laloum et l’Orchestre Consuelo. Pourquoi ce choix d’un concert à Toulouse, deux mois et demi avant l’ouverture officielle de l’édition 2023, le 28 juillet à la Basilique Saint-Just de Valcabrère ?
Ce projet de concert à Toulouse, hors des dates habituelles de notre programmation, était dans les cartons depuis de nombreuses années. Il vient du constat qu’une grande partie du public toulousain, une « cible » naturelle pour le Festival du Comminges, ne connaît pas vraiment ou pas assez notre manifestation qui se tient pourtant à une petite heure de route de la ville rose. Pour les faire venir en terre commingeoise, il s’agit d’aller au devant des Toulousains afin de leur donner une idée de la qualité des musiciens et des œuvres que nous programmons dans le but de faire fonctionner le bouche-à-oreille.
Ce concert du 9 mai est donc à la fois une avant-première et une sorte de vitrine du festival, dans l’emblématique salle de la Halle aux Grains, temple de la musique classique à Toulouse. J’y ai invité Adam Laloum, un habitué et un fidèle du festival depuis près de quinze ans, véritable poète du clavier et musicien très connu, très apprécié du public toulousain. Accompagné par l’Orchestre Consuelo, il va donner le Concerto pour piano n°23 de Mozart, une œuvre qu’il joue à merveille. Pour ma part, également accompagné par l’orchestre, je vais interpréter et diriger au violoncelle les célèbres Variations sur un thème rococo de Tchaïkovsky. Enfin, la troisième partie de la soirée est dédiée à la Suite d’orchestre n°1 Op. 43 du même Tchaïkovsky, pièce de toute beauté hélas très rarement donnée en concert.
On ne présente plus votre ami Adam Laloum à Toulouse, sa ville de naissance, celle où il a fait ses premiers pas de musicien et où il est programmé chaque année en concert. En revanche, pouvez-vous présenter l’Orchestre Consuelo que nous allons découvrir le 9 mai à la Halle aux Grains ?
J’ai fondé cet orchestre il y a près de quatre ans, dans une période pour le moins délicate comme chacun sait. Pourtant, et c’est très encourageant, cette formation a réussi non seulement à survivre mais aussi à se développer malgré la crise sanitaire. Les débuts d’un orchestre sont toujours difficiles et ils l’ont été encore plus dans ce contexte très pertubé et perturbant. Cela nous a permis de resserrer les rangs et confortés dans notre volonté de poursuivre cette aventure collective. Nous avons actuellement de très beaux projets et venons de faire paraître un CD des Sérénades de Brahms sous le label Mirare. Je précise d’autre part que nous avons déjà joué au Festival du Comminges l’été dernier, en accompagnant Renaud Capuçon dans un programme Haydn/Mozart.
Le répertoire que nous couvrons est très large, allant des prémices de la période classique à la musique qui se compose aujourd’hui, avec un effectif à géométrie variable pouvant réunir de quinze à cinquante musiciens. Une profondeur de répertoire et une souplesse d’effectif qui nous donnent une grande liberté de programmation. Notre concert du 9 mai est le premier à Toulouse, étape d’une tournée qui va nous amener dans de nombreux endroits en France, au Festival de l’Epau, en région parisienne et dans d’autres festivals. C’est une grande joie pour nous de faire nos débuts devant le public toulousain.
D’où sont issus les musiciens qui composent l’Orchestre Consuelo ?
La plupart sont issus d’ensembles de musique de chambre, de trios, de quatuors, de quintettes constitués. Leur coeur de métier est donc de se produire dans les festivals ou les saisons de musique de chambre. Quelques-uns d’entre eux font partie des grandes phalanges symphoniques françaises, dont l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Ceux-ci, même s’ils font déjà de l’orchestre toute l’année, aiment en faire dans un cadre et un état d’esprit un peu différents, en bénéficiant de la souplesse qu’implique un plus petit effectif. Le 9 mai, l’Orchestre Consuelo se présente à la Halle aux Grains avec 45 musiciens.
Cet été, la programmation du festival 2023 s’étale du 28 juillet au 9 septembre, avec 13 concerts dans divers lieux de la région commingeoise : quels musiciens et formations va-t-on pouvoir y entendre ?
Ça va du duo violon/violoncelle, avec lequel nous allons ouvrir cette 48e édition, à l’ensemble vocal, voix de femmes, voix d’hommes, accompagné à l’orgue, en passant par le récital de piano, le quatuor et l’orchestre. Je donne le concert d’ouverture le 28 juillet à la basilique Saint-Just de Valcabère en compagnie de la violoniste Liya Petrova. Nous avons le privilège d’accueillir au même endroit pour la première fois au festival le merveilleux pianiste argentin Nelson Goerner, lors d’un récital le 5 août, puis pour un duo piano/violoncelle avec moi-même le 7. Autre première importante quelques jours avant, la venue de l’excellent quatuor catalan Cuarteto Casals le 2 août à l’Église Saint-Vidian de Martres-Tolosane. C’est une formation de stature internationale, très réputée, et qui vient en quasi-voisine au festival.
Nous avons aussi le bonheur de recevoir la grande mezzo-soprano Karine Deshayes que les Toulousains ont la chance de pouvoir entendre chaque année à l’Opéra national du Capitole. Une magnifique chanteuse, aujourd’hui au sommet de son art et à l’apogée d’une carrière qui la mène un peu partout en Europe. Elle va interpréter un programme de lieder et mélodies le 13 août à la basilique Saint-Just de Valcabère, accompagnée par le pianiste Jonas Vitaud. L’orgue n’est évidemment pas oublié puisque nous avons programmé Thierry Escaich le 17 août à la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges. Immense compositeur et organiste qui lui aussi vient un peu en voisin, ayant des attaches familiales dans le proche Couserans ariégeois. Il propose au public du festival un programme très varié allant du baroque à sa propre musique.
Comme je l’ai annoncé précédemment, nous présentons un concert d’orchestre le 20 août à la Collégiale de Saint-Gaudens avec l’Orchestre Consuelo. À noter aussi, le duo violon/orgue formé par le Toulousain Guillaume Chilemme et le Basque Thomas Ospital à découvrir le 24 août à la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges. Je ne peux pas citer tous les artistes de cette édition 2023 mais pour finir et donner une idée supplémentaire de la variété de notre programmation, je veux ajouter l’ensemble vocal La Sportelle, basé à Rocamadour dans le Lot, qui donne un très joli programme Bach/Mendelssohn le 28 août, également à la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges, accompagné à l’orgue par Emmeran Rollin.
Entretien réalisé par Éric Duprix
