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« Pandora » d’Albert Lewin

by Léa Vergès

Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.

Dans la brève et remarquable filmographie d’Albert Lewin constituée de six longs métrages, on pêche des merveilles parmi lesquelles un saisissant Portrait de Dorian Gray (où apparaît son acteur fétiche George Sanders) et l’inoubliable Pandora, réalisé en 1951, qui fit passer Ava Gardner du rang de vedette à celui de star iconique. 1930, à Esperanza, un petit port de Catalogne, des pêcheurs découvrent deux corps emmêlés dans leurs filets. Des flash-backs vont retracer l’incroyable passion entre la chanteuse américaine Pandora Reynolds et un mystérieux peintre hollandais, Hendrick Van der Zee (James Mason), reclus sur son yacht. Femme fatale, Pandora envoûte tous les hommes qu’elle croise à l’exception de ce marin solitaire, d’abord indifférent, qui a peint son portrait avant même de la rencontrer…

Revisitant le mythe du Hollandais volant, condamné à errer à travers les océans sur un vaisseau fantôme jusqu’à trouver une femme qui l’aime assez pour lui donner sa vie, Albert Lewin s’inspire aussi du mythe grec de la boîte de Pandore, filme une Espagne qui n’aurait pas déplu à Hemingway, cite Omar Khayyâm, fait des clins d’œil au gothique anglo-saxon, place des statues antiques sur la côte catalane, rend hommage au surréalisme, en particulier aux toiles de Magritte et de De Chirico tandis que Man Ray collabore au film.

Immortelle Pandora

De ce foisonnement d’influences et d’inspirations naît une œuvre totalement unique, traversée par un festival de couleurs avec pour décor la pureté d’une Costa Brava pas encore défigurée par le tourisme de masse. La photographie et les cadrages du chef opérateur Jack Cardiff sculptent Ava Gardner dans des plans devenus légendaires. Mariage entre le mélodrame et le conte fantastique, entre la sophistication européenne et la flamboyance hollywoodienne, entre le souffle romanesque et la confiance absolue dans le pouvoir du cinéma, Pandora demeure un film fascinant, à la limite du kitsch, habité de bout en bout par l’omniprésence de la mort.

Son tournage à Londres et surtout à Tossa de Mar, dans la province de Gérone, est également entré dans la légende. Des rumeurs de romance entre Ava Gardner et l’acteur torero Mario Cabré provoquent l’arrivée de Frank Sinatra. La presse se rue sur le petit village. A Gérone, un musée est aujourd’hui consacré au film. Finalement, Pandora était immortelle.

Christian Authier

Cinéma

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