Quart de siècle
Il y a vingt-cinq ans naissait à Toulouse le choeur de chambre Les éléments. Un quart de siècle d’existence célébré lors de plusieurs événements, à Toulouse et ailleurs, tout au long de l’année 2023. En point d’orgue, le concert spécial 25e anniversaire du samedi 15 avril à la Halle aux Grains, une soirée à ne pas manquer pour tous les amoureux de la musique chorale. Retour sur une histoire riche de nombreuses rencontres, collaborations et créations avec Joël Suhubiette, fondateur et directeur artistique de l’ensemble vocal toulousain.
Quelles ont été les étapes les plus importantes de l’histoire des éléments ?
Elles ont été nombreuses mais certaines ont déterminé ce qu’allait devenir l’ensemble. Tout d’abord, il faut rendre hommage aux chanteurs de la formation d’origine qui ont beaucoup travaillé dès le départ sur le répertoire a cappella. Les premiers chefs d’orchestre ayant invité Les éléments ont également été très importants ; je vais en citer quatre. Dès 2002, nous avons collaboré avec Christophe Rousset et les Talens Lyriques pour la musique baroque. À peu près en même temps, Michel Plasson nous a invités pour un enregistrement de Carmen aux côtés de l’ONCT en 2003. Quelques années après, il nous a sollicités pour plusieurs concerts avec l’Orchestre du Capitole et pour les enregistrements d’un CD des œuvres chorales de Berlioz et d’un autre d’extraits d’opéras français aux côtés de Natalie Dessay. À ces deux grands chefs, il convient d’ajouter Philippe Herreweghe puisque nous avons chanté à plusieurs reprises des oratorios avec son Collegium Vocale Gent à Saintes. Je n’oublie pas non plus Emmanuel Krivine avec qui nous avons souvent travaillé aussi. Toutes ces collaborations ont eu lieu entre 2002 et 2008, chacune ayant été une étape essentielle dans l’histoire et le développement du choeur Les éléments.
Je dois signaler un autre événement lors de cette période, la « Victoire de la musique classique de l’ensemble de l’année » qui nous a été attribuée en 2006. Non pas que je sois très attaché aux récompenses mais il faut reconnaître que cette distinction nous a ouvert les portes de nombreuses salles françaises et même étrangères. L’année suivante, je dirigeais le Requiem de Brahms au Châtelet et nous étions programmés au Théâtre des Champs-Élysées. Autres étapes importantes, les rencontres avec des compositeurs, notamment le Libanais Zad Moultaka, le Français Patrick Burgan et le Grec Alexandros Markeas. Ces aventures continuent encore aujourd’hui avec quelques-uns d’entre eux. Enfin, une étape déterminante aussi, l’invitation à l’Opéra-Comique en 2008 où nous sommes régulièrement programmés depuis et qui nous a permis d’accéder à un autre répertoire choral. Bien sûr, nous ne chantons pas du Wagner ou du Verdi mais nous faisons de l’opéra baroque, classique et romantique français pour notre plus grand plaisir.
Est-ce qu’il y a eu au cours de ces vingt-cinq ans des créations et des concerts particulièrement marquants ?
Il y a eu avant tout des tournées marquantes. En 2005, nous avons été en résidence au Festival international de Baalbeck au Liban pour y faire uniquement de la création. Un moment très fort parce que nous chantions dans un magnifique site antique, devant le temple de Baalbeck et un public de 2 000 personnes. Nous étions en totale adéquation avec la musique que nous interprétions, celle de Zad Moultaka dont certaines pièces avaient été composées sur des textes anciens. Entre le lieu datant de plusieurs milliers d’années, le compositeur et ses oeuvres aux confins des musiques arabe et occidentale, l’osmose était parfaite, ce qui en fait un souvenir inoubliable. De manière générale, les tournées ont été des moments forts de l’histoire du choeur parce que partir à l’étranger avec un projet musical et se confronter à un autre public est toujours une expérience qui soude un ensemble. La tournée au Canada en 2013 fait partie de ces très bons souvenirs. Nous y avions créé le Concerto pour piano et choeur de Thierry Pécou aux côtés d’Alexandre Tharaud.
J’intègre également aux événements marquants de notre histoire chaque œuvre commandée, chaque création contemporaine. Toutes ont eu leur importance parce que nous défendions une partition écrite pour nous. Parmi les temps forts, je tiens absolument à ce qu’on retienne les rencontres avec d’autres formations : Ars Nova, avec qui nous avons collaboré à plusieurs reprises, Les Percussions de Strasbourg, Les Talens Lyriques, La Chambre Philharmonique d’Emmanuel Krivine, et bien sûr, depuis la création des éléments, l’orchestre baroque de Montauban Les Passions de mon vieux complice Jean-Marc Andrieu. Il m’est arrivé de diriger cet ensemble ou de confier Les éléments à Jean-Marc et il y a toujours eu une collaboration en bonne intelligence, nourrie d’une longue amitié humaine et musicale. Nous avons travaillé ensemble dès 1999 et ce compagnonnage se poursuit puisqu’encore en octobre dernier, nous avons créé avec les Passions Daphnis et Alcimadure, l’opéra de Mondonville, au festival Passions Baroques de Montauban.
A contrario, avez-vous des regrets concernant des projets qui n’ont pu voir le jour ou être menés à bien ?
Non, même s’il y a des choses qui n’ont pu aboutir à un moment donné mais qui se sont faites plus tard. Certains projets ont été ajournés, soit parce que nous n’avions pas les moyens financiers pour les mener, soit parce que les programmateurs n’étaient pas prêts à nous suivre sur le nouveau répertoire que nous leur proposions à cet instant-là. Honnêtement, je ne ressens pas de frustrations liées à des envies qui n’ont pu se concrétiser. Cela n’empêche pas que j’ai encore des rêves, des pièces à inscrire au répertoire des éléments. Il n’y a pas de projets qui ne se feront pas, seulement des projets qui n’ont pas encore été réalisés.
De quoi êtes-vous le plus fier lorsque vous vous retournez sur ce quart de siècle d’existence du choeur ?
Je préfère parler de satisfaction plutôt que de fierté, terme qui me dérange un peu. La première satisfaction, c’est d’avoir fait en sorte que le choeur Les éléments soit un ensemble « moderne » dans le sens où il a été et reste au service de la musique des compositeurs d’aujourd’hui et donc contribue à renouveler le répertoire. Quand je découvre, dix ans après, qu’une œuvre que nous avons créée est reprise en Angleterre ou en Lettonie, c’est une immense joie pour moi. D’autre part, étant issu de la musique ancienne au sein de laquelle j’ai fait ma formation et mes premières armes de chanteur, j’ai voulu que Les éléments soit aussi un ensemble capable d’interpréter la musique du passé, le plus possible en accord avec les recherches musicologiques des cinquante dernières années. Pour résumer, ma principale satisfaction est que l’ensemble puisse aborder divers répertoires en essayant toujours d’être au plus proche du travail des musicologues actuels.
Si je vous demande ce qu’est le choeur Les éléments en 2023, que répondez-vous ?
C’est un ensemble structuré autour d’un noyau d’une vingtaine de chanteurs auxquels je suis fidèle et qui me sont fidèles. La composition de l’effectif a beaucoup évolué puisqu’il ne reste que deux personnes du choeur d’origine fondé en 1998. Le noyau dont je parle est constitué de gens qui nous accompagnent depuis dix ou quinze ans, qui font un grand travail et avec lesquels j’aborde tous les répertoires, que ce soit la Renaissance, le baroque, l’opéra ou la création contemporaine. Ces chanteurs possèdent bien sûr les qualités pour y parvenir mais surtout ils ont acquis suffisamment de temps de présence dans l’ensemble pour concevoir le son que je veux obtenir. Voilà la base, sachant que Les éléments, c’est également un instrument à géométrie variable. Nous pouvons faire aussi bien une partition à douze voix solistes qu’un oratorio à quarante chanteurs, voire plus, et donc aborder toutes les facettes de la musique vocale à travers les siècles.
Pour ces raisons et par sa longévité, je crois pouvoir dire sans prétention que le choeur est bien installé dans le paysage musical français et qu’il y tient une place importante par sa spécificité et sa capacité à se produire dans tous les répertoires. Les éléments est un des rares ensembles à interpréter la musique de la Renaissance a cappella tout en faisant de la création contemporaine. Là est sans doute sa marque de fabrique, sa signature, avec une couleur, héritage de ma formation avec Herreweghe, une recherche de la clarté des voix, de l’élocution, et un souci du rapport au texte qui le distinguent des autres choeurs actuels. Les critiques le relèvent d’ailleurs souvent dans leurs articles, de même que notre aisance à voyager dans les répertoires. Je pense que ce n’est pas pour rien que nous sommes régulièrement demandés à l’Opéra-Comique pour chanter de l’opéra français.
Quels sont les partenaires du choeur Les éléments, aujourd’hui ?
Parmi les partenariats qui durent, il y a notre résidence à Odyssud. Elle a été inaugurée il y a vingt ans, est toujours en cours et nous est très précieuse. Nous avons une autre résidence de choix à l’Abbaye-école de Sorèze depuis 2006, et au titre de laquelle j’assure la direction artistique du festival qui s’y tient l’été. Nous nous y réunissons quelques jours de temps en temps pour préparer nos programmes. Le choeur Les éléments, c’est aussi un centre d’art vocal en Occitanie. Cette appellation officieuse, de création récente et peu connue du grand public, s’inscrit dans un programme national placé sous l’égide du ministère de la Culture dans le cadre duquel quatre ensembles vocaux professionnels (Accentus en Île de France, Spirito pour la région Rhône-Alpes-Auvergne, Musicatreize en Provence-Côte d’Azur et Les éléments pour l’Occitanie) bénéficient de ce statut. Il existe un cinquième centre d’art vocal situé en région Bourgogne, confié non pas à un ensemble mais à une structure, la Cité de la Voix de Vézelay.
Ces ensembles ont été choisis parce qu’ils sont anciens et ont une longue expérience, notamment dans le domaine de la médiation, de l’action pédagogique, de la rencontre avec les scolaires, de la commande à des compositeurs et dans le partage des ressources. Les centres d’art vocal ont été créés pour développer toutes ces actions que nous menions déjà, en nous donnant plus de moyens pour les réaliser et pour les « labelliser » en quelque sorte. Nous oeuvrons ainsi à la formation de jeunes choeurs professionnels et à l’insertion de jeunes artistes. Par exemple en juin 2023, avec certaines de nos créations, Les éléments vont participer à un concert dirigé par trois jeunes chefs, tout juste diplômés et qui commencent leur carrière. Nous défendons aussi la pratique amateur à travers des stages d’été et des ateliers pour chanteurs non-professionnels tels que l’atelier Archipel qui existe de longue date à Toulouse.
Comment avez-vous conçu cette année du 25e anniversaire du choeur Les éléments ?
Nous avons souhaité célébrer cet anniversaire un peu tout au long de l’année 2023. Avant et après le concert « Spécial 25 ans » le 15 avril, il y a d’autres rendez-vous en Occitanie, à Toulouse ou ailleurs en France, proposant différents programmes. Le but premier est de montrer la diversité de nos répertoires. Nous voulons aussi mettre en valeur les commandes que nous avons pu faire à des compositeurs. J’en ai retenu dix, plutôt courtes, sur la quarantaine de pièces existantes et cette sélection n’a pas été facile. Plusieurs ont été enregistrées pour l’occasion et illustrées par des vidéos sur lesquelles, outre l’écoute de la pièce, on trouve des interviews du compositeur, du ou de la librettiste, de chanteurs de l’ensemble et de moi-même. Il était inconcevable à mes yeux que ces commandes d’oeuvres, les compositeurs et tous ceux qui ont participé à leur création, ne fassent pas l’objet d’un hommage spécial. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, aucune de ces pièces commandées ne figure au programme du concert-anniversaire du 15 avril. Celui-ci raconte une autre histoire.
Eh bien il est temps que nous parlions du grand événement entre tous au cours de l’année 2023, ce concert-anniversaire du 15 avril à la Halle aux Grains. Avez-vous construit son programme de manière originale pour en faire un moment unique ?
Oui et non. Je m’explique. Une grande partie de ce programme que nous allons donner avec l’ensemble instrumental Les Ombres a déjà été créé l’été dernier lors du Festival Radio France Occitanie Montpellier. Ce festival, soutenu par la Région Occitanie, m’a proposé de réunir autour d’un projet des formations des deux capitales régionales avec les Ombres, un orchestre baroque de Montpellier, et les Éléments, un ensemble vocal de Toulouse. Un des thèmes de l’édition 2022 était la musique anglaise et j’avais conçu, à la demande des organisateurs, un programme baroque anglais que j’ai eu tout de suite envie de redonner à Toulouse à une occasion qui restait à déterminer. Il m’est rapidement apparu qu’il était idéal pour le concert des vingt-cinq ans du choeur. J’aime retrouver ce répertoire baroque et m’associer aux formations instrumentales de la région. Pour cette raison, je suis très heureux que les éléments aient pu chanter Daphnis et Alcimadure de Mondonville avec les Passions de Jean-Marc Andrieu lors de notre saison anniversaire. Célébrer nos vingt-cinq ans sans y associer les Passions aurait été un peu étrange pour moi après plus de deux décennies de collaboration et de complicité musicale.
Pour revenir à la conception du programme du concert-anniversaire, lorsque nous avons commencé à y réfléchir, plutôt que de mélanger un peu tout ce que nous avons fait depuis vingt-cinq ans et parce que j’aime bien qu’il y ait un thème à nos concerts, je me suis rappelé que la musique anglaise a considérablement compté dans notre parcours et qu’elle ne nous a en fait jamais quittés. Notre deuxième enregistrement en 2003 avait été le CD Shakespeare songs, distingué par un diapason d’or et dans lequel on trouvait entre autres des pièces de Vaughan Williams et de Britten. Le choeur a donné plusieurs fois en concert Le Messie de Haendel et il y a eu également Musiques pour la Reine Marie avec l’ensemble Concerto Soave dont le programme a aussi beaucoup tourné. En 2019, il y a eu le programme From New-York to London avec des pièces de compositeurs américains et anglais dont deux commandes aux contemporains britanniques Gavin Bryars et Graham Fitkin. Au-delà de ces exemples, nous avons souvent chanté du Britten, du Elgar, du Tallis, du Byrd sans parler d’opéras d’inspiration shakespearienne comme le Hamlet d’Ambroise Thomas et le Béatrice et Benedict de Berlioz. Tout au long de ces vingt-cinq années, la musique, la culture et la langue anglaises nous ont accompagnés. Pour prolonger cette longue histoire, Path of miracles du compositeur britannique contemporain Joby Talbot apparaît dans notre programme dédié aux Pyrénées avec la pièce Roncevalles, Roncevaux en français.
Il y a déjà là quelques premières explications à ce que j’ai opté pour un programme anglais à l’occasion de notre 25e anniversaire mais il y avait surtout le matériau du Dixit Dominus de Haendel qu’on avait créé à la cathédrale de Montpellier avec Les Ombres et qui pouvait constituer la base d’un concert. J’y ai adjoint des pièces de la Renaissance, qui ouvrent le concert d’ailleurs. En réponse à l’Ode à Sainte-Cécile et au Welcome to all the pleasures de Purcell, j’ai mis l’Ode à Sainte-Cécile de Benjamin Britten que nous n’avons jamais chantée. C’est une des très belles pièces a cappella du répertoire anglais du XXe siècle. J’ai ajouté deux pièces de Jonathan Harvey, composées en 2003 (Remember O Lord) et en 2011 (The Annonciation) parce que je tenais à ce qu’il y ait des pièces écrites au XXIe siècle. Le programme va donc du XVIe au XXIe siècle. Il illustre très bien ce qu’est l’ensemble Les éléments et la diversité de son répertoire depuis vingt-cinq ans en suivant ce fil conducteur de la musique anglaise à travers les âges.
Les deux plats de résistance au menu du concert-anniversaire restent tout de même Purcell et Haendel. Le Dixit Dominus du second… n’a d’anglais que le fait que les Anglais se le sont approprié. Il a été composé à Rome par le jeune Haendel, encore allemand à l’époque. Je considère que c’est une œuvre italienne, allemande et anglaise, bref, européenne. L’Europe de l’art et de la culture existait bien avant la seconde moitié du XXe siècle. Pièce majeure de Haendel, le Dixit Dominus est vraiment une composition « feu d’artifice » pour le choeur, une œuvre de fête tout indiquée pour un anniversaire. Il faut noter qu’elle est composée à cinq voix comme d’autres dans le programme du 15 avril dont Praise the Lord, O Jerusalem de Purcell et l’Ode à Sainte-Cécile de Britten, toujours avec deux parties de soprano, 1 et 2.
Maintenant que nous avons parlé du passé et du présent, pouvez-nous dire ce que vous nous préparez pour les vingt-cinq prochaines années avec le choeur Les éléments ?
Ah, ça ne sera pas pour les vingt-cinq ans à venir, je préfère l’annoncer d’emblée ! (Rires) Même si ça peut entrer dans mon espérance de vie, je ne pense pas repartir pour un si long bail… Blague à part, ce qu’est l’ensemble aujourd’hui, le portrait que je viens d’en faire, il n’est pas question de le renier. Nous allons conserver notre identité musicale, entretenir notre répertoire, notre style, et poursuivre notre contribution à la création musicale contemporaine. Je reste plus que jamais à l’affût de la musique de notre temps et je ne veux pas passer à côté des belles choses qui s’écrivent en ce moment. Cela dit, même si nous en avons chanté beaucoup, il y a encore des pièces de Bach que nous n’avons jamais interprétées. J’ai dirigé la Passion selon Saint Jean, l’Oratorio de Noël, la Messe en Si, de nombreuses cantates, tous les motets mais je n’ai jamais dirigé la Passion selon Saint Matthieu. Il reste bien des rêves à accomplir, parmi lesquels il faudra tout de même sélectionner. Plus généralement, un choeur ne doit jamais cesser de travailler et nous allons continuer de le faire. De même, il y a toujours des nouveaux qui arrivent dans l’ensemble ; il est important pour nous de bien intégrer ces jeunes talents et de les fidéliser.
Dans les rêves que je n’ai pas encore réalisés, j’aime l’idée d’un spectacle avec des danseurs, d’unir la voix et la danse avec un chorégraphe. Nous avons fait de nombreux opéras dont un contemporain assez récemment, Les Bains macabres de Guillaume Connesson. Dans le domaine lyrique, scénique, j’aimerais aussi aller plus vers la création contemporaine. J’ai rappelé les collaborations avec le Libanais Moultaka et le Grec Markéas. Ce sont des rencontres avec des compositeurs, bien sûr, mais aussi avec d’autres cultures. Elles nous amènent vers des terres inconnues, d’autres traditions vocales et musicales. J’espère qu’il y en aura de nouvelles dans le futur. Nous avons la chance de vivre à une époque où il y a moins de frontières entre les musiques. Il y a vingt ans, les choses étaient différentes. Les jazzmen et les musiciens classiques ne se mélangeaient guère, la musique contemporaine était enfermée dans des carcans qui n’existent plus de nos jours. Musiques du monde et musique écrite peuvent maintenant se rencontrer, et c’est une très bonne chose.
Nous vivons dans un univers plus ouvert et il existe des passerelles plus accessibles qu’à l’époque où j’ai fondé Les éléments. Les choses étant moins cloisonnées, je pense que nous avons là des terres où nous aventurer. Je peux déjà annoncer qu’il y aura une rencontre avec un jazzman l’année prochaine, je n’en dis pas plus. Voilà comment je vois l’avenir du choeur, tout en continuant évidemment à faire tourner notre répertoire. Nous allons chanter cette saison le programme Méditerranée sacrée pour la 60e fois depuis 2009… J’avais oublié de rappeler cet autre temps fort de l’histoire de l’ensemble, donné dans sept pays différents : la France, l’Espagne, le Portugal, les États-Unis, le Canada, la Tunisie et le Liban. Il marie plusieurs traditions, les trois religions monothéistes, la Grèce antique, l’arabe, l’hébreu, l’araméen, le grec, le latin… C’est un véritable programme porte-bonheur pour nous. Une des autres choses dont je suis fier, et là je n’hésite pas à utiliser le mot, c’est que si nous commandons une partie de notre répertoire, nous le faisons aussi vivre. Nous le défendons sur plusieurs années, un peu partout dans le monde. Et il n’y a aucune raison pour que cela s’arrête.
Entretien réalisé par Éric Duprix