Fondée par Anne-Sophie Delahaye en 2015, la compagnie Cléante se démarque dans la sphère théâtrale locale par sa double attribution. Elle produit en effet ses propres spectacles et chapeaute la programmation du théâtre Marc Sebbah, à Muret. À l’occasion de la nouvelle saison artistique, Culture 31 s’est entretenu avec Fabrice Molle, administrateur de la compagnie. Rencontre.
Culture 31 : La compagnie Cléante crée ses propres spectacles et les présente dans toute la France. Quelle est sa ligne artistique ?
Fabrice Molle : Proposer un théâtre grand public, ouvert à toutes et à tous. Des pièces faciles d’accès mais de qualité. Donc, typiquement, nous créons des comédies. Par exemple « Le Dîner de cons », en 2018. Nous avons aussi fait « Cuisine et dépendances », « L’étudiante et Mr Henri », « Mon meilleur copain », ou encore « Deux sur la balançoire », qui, pour le coup, avait un côté plus dramatique. En ce moment, nous sommes en train de monter « Le Prénom », très connu. Pour résumer, nous sommes vraiment axés sur des pièces grand public, sans pour autant produire du café-théâtre.
Vous gérez également la programmation du théâtre Marc Sebbah, situé à Muret, depuis 2015. Sur quels critères vous basez-vous pour établir le planning d’une saison théâtrale ?
Là encore nous essayons de choisir un théâtre accessible, avec beaucoup de comédies. Nous allons tenter de passer du café-théâtre, car ce créneau marche très bien, ainsi que des comédies un peu plus sociales comme « Les uns sur les autres », portrait d’une famille dysfonctionnelle. Et puis, bien sûr, quelques grands classiques. Nous avons notamment eu du Molière, avec « Dandin ». « Marius » et « Fanny », de Marcel Pagnol, sont également au programme de la saison.
Nous essayons de proposer du beau théâtre, avec parfois un peu de contemporain, ce qui reste tout de même plus rare. Pour établir notre programmation, nous nous basons aussi sur les retours du public. Le public de Muret aime venir en famille, entre amis, passer un bon moment. C’était avant un rendez-vous mensuel. Maintenant, il y a environ deux spectacles par mois.
Vous proposerez deux de vos créations au théâtre muretain cette saison, « Mon meilleur copain » et « Le Prénom ». Que pouvez-vous nous dire sur ces pièces ?
« Mon meilleur copain » est la création 2022 de la compagnie. C’est une comédie de boulevard écrite par Éric Assous. Quand nous avons décidé de produire cette pièce, passé le gros épisode de Covid-19, l’idée était de faire rire, de proposer quelque chose qui plaise au plus grand nombre. Nous avons fait appel à des comédiens avec qui nous n’avions encore jamais travaillé, mais qui avaient déjà été programmés au théâtre pour certains. Par exemple Adrien Benech et Marc Duranteau, qui se sont aussi chargés de la mise en scène. Angélique Infante, Philippe Canizarès, Indira Lacour et la jeune comédienne Mona Richard jouent également dans la pièce.
Concernant « Le prénom », Anne-Sophie Delahaye voulait produire cette pièce depuis un long moment. C’est une comédie très bien écrite, qui, en plus, a fait ses preuves. Elle a bien fonctionné et a tout de suite été adaptée en film. Il y a eu un hasard de calendrier puisque nous demandions les droits depuis plusieurs années, et nous avons fini par les avoir, tout simplement. Pour être tout à fait honnête, nous ne pensions pas faire de création cette année puisque « Mon meilleur copain » n’est pas encore amorti. Puis lesdits droits sont tombés. Ils étaient attendus depuis longtemps… Alors nous nous sommes lancés ! Nous sommes très contents de produire cette pièce, et je pense qu’elle va bien marcher.
Parmi les créations externes, quels sont vos coups de cœur ?
« Marius » et « Fanny » pour commencer. Nous avons eu « Marius » samedi 3 décembre. C’est du grand théâtre, avec, en plus, une mise en scène de Francis Azéma et une belle distribution. On retrouve Alain Dumas, Denis Rey et d’autres. En tous cas, c’est un gros coup de cœur, qui, je pense, est partagé par toute l’équipe.
Il y a aussi « L’Étranger », du Grenier de Toulouse, interprété par Laurent Collombert. Nous l’avions programmé l’an dernier. C’est une super pièce. Elle tient le public en haleine pendant 1h30. Et enfin, autre coup de cœur, que nous n’avons pas programmé mais que j’ai vu récemment : « L. », avec Joan Guilley. C’est une performance impressionnante, j’ai adoré. Nous pourrions éventuellement programmer la pièce l’année prochaine.
Revenons-en à l’activité de la compagnie. Comment a germé cette double casquette de compagnie de théâtre professionnelle et de programmateur du théâtre Marc Sebbah ?
La compagnie Cléante a été créée à travers ce partenariat qui l’unit à la ville de Muret. Nous avons une convention de partenariat qui est renouvelée tous les trois ans. Elle nous donne accès au théâtre municipal Marc Sebbah en échange de la programmation que nous y organisons.
Pour revenir aux origines, Anne-Sophie Delahaye, la fondatrice, était comédienne depuis des années et avait cette envie d’avoir son théâtre. Elle a donc prospecté à Muret et s’est adressée à ce qui est maintenant le Théâtre des Préambules. Un théâtre jeune public qui est un ancien cinéma. Elle avait pour idée de le rénover, ce qui n’était pas possible pour des questions de financement notamment. C’est là qu’un élu de la ville lui a parlé du théâtre Marc Sebbah, et lui a proposé un partenariat. À l’époque, la compagnie n’existait pas encore. Mais c’est parti de ça.
Anne-Sophie Delahaye avait en effet cette volonté de créer ses propres pièces pour les montrer au public de Muret puis en tournée. Donc les deux casquettes sont vraiment liées. Il y a eu une première saison test en 2015 avec, il me semble, cinq spectacles programmés. Ainsi que la production de « L’étudiante et Mr Henri », qui était donc la première création de la compagnie.
De quelle manière vous organisez-vous ?
Nous sommes trois aujourd’hui au niveau administratif. Il y a donc Anne-Sophie Delahaye à la direction artistique. Elle est aussi directrice de production pour nos créations. Me concernant, pour simplifier, je suis administrateur de la compagnie. Et puis nous avons Antoine Delahaye qui est chargé de diffusion. Il nous aide donc à diffuser nos productions. Par le passé, c’était un peu différent. Anne-Sophie Delahaye assumait beaucoup de rôles à la fois. Pendant deux saisons, la compagnie était aussi à la Grande Halle de L’Union. C’était le même genre de partenariat qu’avec Muret. Mais ça faisait trop à gérer. La compagnie a donc arrêté. J’ai rejoint l’équipe il y a deux ans, je n’ai donc pas vécu tout ça.
Maintenant que vous êtes dans le domaine, diriez-vous que le théâtre toulousain a une identité ? Si oui, quelles en sont les caractéristiques ?
Anne-Sophie Delahaye saurait sûrement mieux répondre à cette question, car elle est dans le milieu depuis plus longtemps, sans compter que je ne suis à Toulouse que depuis 2015. Mais de ce que j’en vois, je dirais tout de même que le milieu est assez actif, et à la fois relativement petit. Tout le monde se connaît plutôt bien. Les comédiens et comédiennes de Toulouse et alentours vont jouer avec une compagnie, puis après avec une autre. En terme purement artistique, je manque de points de comparaison pour répondre.
Soyons philosophiques. Le théâtre, c’est quoi ?
Comme je le vois, c’est le spectacle vivant. La rencontre entre le public et les comédiens. C’est la différence avec le cinéma, les plateformes de streaming, etc. C’est d’ailleurs ce que je dis au public. Nous n’avons pas du tout le même rapport lorsque l’on voit les gens jouer face à soi que lorsque l’on est sur son canapé en train de regarder une série. J’évoque ce point car les études ont tendance à montrer que l’on a perdu du public, notamment à cause de ces plateformes de diffusion, qui se sont développées davantage avec le Covid-19. Pourtant, le théâtre, c’est donc cette espèce d’alchimie qui se crée quand on joue. Le public est aussi acteur de la pièce.
Que diriez-vous au public toulousain pour le convaincre de se déplacer à Muret et ainsi découvrir votre programmation, de même que vos créations ?
Venez à Muret, car nous avons la chance d’avoir un magnifique théâtre, très intimiste, avec un super plateau. Il y a également une belle acoustique et les comédien(ne)s sont toujours ravis de venir jouer chez nous. Pour un théâtre en périphérie de Toulouse, avoir un tel équipement, ce n’est pas si fréquent. Surtout au Sud de la ville. En plus, il a été refait à neuf il y a trois ans. Le hall d’accueil est très agréable, le bistrot à l’étage est très chaleureux…
Les artistes et le public peuvent aussi se rencontrer après les pièces. Et comme je le disais, la mission d’Anne-Sophie Delahaye était, dès le départ, de proposer un théâtre grand public. Nous avons donc une belle programmation, susceptible de plaire au plus grand nombre.
Propos recueillis par Inès Desnot