Cette fiction au cœur de la plus grande université sunnite du monde musulman est, en même temps qu’un thriller politico-religieux d’une extraordinaire originalité, une immersion dans l’univers qui régit la pratique religieuse de près de deux milliards d’individus. Passionnant !
L’université Al-Azhar, au Caire, est une institution qui remonte au Xe siècle. Shiite à l’origine, c’est sous le règne de Saladin au XIIe siècle qu’elle deviendra le cœur pensant de l’Islam sunnite. A sa tête le Grand Imam dont les pouvoirs sont considérables car il dirige la source même du savoir sur l’Islam la plus importante au monde. La scène liminaire du film nous met en présence d’Adam, un jeune homme pêchant avec son père et habitant un village. Surprise, une lettre lui annonce qu’il est admis dans la prestigieuse université Al-Azhar.
Avec l’autorisation paternelle, Adam part pour la capitale. Là, il va faire connaissance avec un mode de vie urbain qu’il ne connaissait pas du tout. Le jour de son arrivée à l’Université, un drame se produit : le Grand Imam meurt. Ce qu’ignore le jeune homme, c’est le monde secret et les fils plus ou moins conducteurs qui unissent le pouvoir politique et l’Université. L’Etat souhaite la nomination précise d’un cheik pour cette succession à haut risque pour lui. Pour cela il a besoin d’espions dans la place. Sans mesurer l’importance de cet enjeu, Adam va se transformer en « ange » pour la Police d’Etat. Il ne se doute pas une minute des dangers qu’il court. Démarre alors un thriller politico-religieux dont vous vous souviendrez longtemps.
Il faut dire que le réalisateur, persona non grata en Egypte depuis Le Caire confidentiel, sait de quoi il parle, son grand-père ayant étudié dans cette Université. Cette fiction lui a été inspirée par la lecture du Nom de la Rose d’Umberto Eco, dont le thème principal est le même sauf qu’il se passe dans un monastère. Mais ce n’est pas tout, le scandale de l’Académie des Sciences suédoise, celle qui attribue les Prix Nobel, l’a poussé, alors qu’il écrivait son film (il en est le scénariste), à creuser le thème du pouvoir au sein d’une institution. Tourné dans la Mosquée Süleymanie d’Istanbul, le dernier opus de Tarik Saleh est porté à l’écran par le jeune Tawfeek Barhom, Adam dont la véritable naïveté ne fera pas écran à une réflexion approfondie des paroles du Prophète, et par l’acteur fétiche du cinéaste, Fares Fares, déjà spectaculaire dans Le Caire confidentiel.
Un film superbe et certainement très…courageux ! A voir absolument.