Richie Bravo (Michael Thomas) est un chanteur autrichien qui se produit devant son fidèle public en Italie. De quoi susciter l’enviosité ? Pas vraiment. Richie Bravo est un vieux crooner, qui ne ressemble plus au chanteur des affiches du temps de sa gloire. Son public est composé exclusivement de riches retraités qui séjournent dans des hôtels hors saison de Rimini, station balnéaire de la mer adriatique.
Sans équipe, ni ingé-son ou lumière, Richie organise lui-même la logistique de sa tournée de langoureuses chansons dans cette ville où la neige, le brouillard et le vent sont les seules choses qui animent les rues. Avec son manteau de Vikings et ses costumes kitsch, Richie rythme sa vie entre ses prestations scéniques sans scène, écumer les bars, et offrir à ses groupies ce qu’elles espèrent : des mots d’amour et une nuit avec leur idole, moyennant finances.
Point de vue vie personnelle, ce n’est pas la joie non plus. Sa villa, temple à sa gloire passée, est louée à des fans, tandis qu’il squatte des hôtels vides, afin de boucler ses fins de mois, et pouvoir aussi les commencer. Sa mère vient de mourir, et son père (Hans-Michael Rehberg), sénile, chante lui aussi, mais seul, des chants nazis dans sa chambre ou dans les couloirs de l’hospice.
Dans cette vie glauque, sa fille, dont il ne s’est jamais occupé, débarque un jour pour lui réclamer l’argent qu’il ne lui a jamais donné durant dix-huit ans, afin d’avoir une vie meilleure.
Les losers magnifiques ne manquent pas dans le Cinéma, et Ulrich Seidl nous offre un portrait particulièrement savoureux. Filmé comme ses documentaires. chaque cadre est un oxymore, amplifiant l’humour noir du quotidien du chanteur. Comme avec Sous-sols et Safari que nous avons eu la chance de voir en salles au Fifigrot, le réalisateur s’intéresse à des gens, que, a priori, je n’ai aucune envie de côtoyer, mais il ne les filme jamais de haut : il les montre tels qu’ils sont, sans les juger. Et avec sa dernière fiction Rimini, il réussit quelque chose de nouveau, du moins sur moi : envers ces êtres détestables, – Richie en magouilleur incapable de sincérité, ou son père nostalgique du Troisième Reich -, c’est une empathie que je ressens. Michael Thomas parvient à rendre attachant cet odieux chanteur, et Hans-Michael Rehberg, pour son dernier rôle, est tout aussi fabuleux. Rimini réussit à être une comédie grinçante qui instille délicatement une infinie tendresse.
Et comme Rimini était présenté en avant-première au Fifigrot 2022, je donne la parole à Maxime Lachaud, programmateur du festival :
Pour moi, « Rimini » est un des films les plus tendres d’Ulrich Seidl, connu pour son humour lugubre et grinçant. Pas qu’il s’éloigne de l’univers absurde et désespéré de ses précédents films qui m’ont tous séduit, mais on ressent un vrai attachement pour son anti-héros pathétique et irrécupérable. Michael Thomas l’incarne avec une vérité désarmante, puis le schlager allemand et les nostalgiques du Reich en maison de retraite, il y a forcément quelque chose de jubilatoire. On y retrouve tellement la force de ses documentaires. Formellement c’est toujours aussi impressionnant, et le décor de la ville touristique enneigée hors saison a définitivement fini de me séduire. C’est pourquoi j’ai insisté pour qu’il soit en compétition à Fifigrot.
Rimini d’Ulrich Seidl (Autriche / Allemagne / France), 1h55, interdit -12 ans
Festival de Berlin 2022 – compétition officielle
Fifigrot 2022 – compétition officielle
En salles le 23 novembre, à Toulouse à l’American Cosmograph. Toutes les séances en France ici.