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Lise Laffont raconte le cancer du sein dans « Le chemin d’Émilie »

by Ines Desnot

L’Oncopole de Toulouse* a dévoilé la nouvelle saison de sa websérie « Le chemin d’Émilie », à l’occasion d’Octobre Rose. Une nouvelle saison dédiée au diagnostic du cancer du sein, et ce qui en suit. L’annonce de la maladie est alors vécue à travers l’expérience de l’héroïne, Émilie. Ce rôle-titre est de nouveau joué par Lise Laffont. Rencontre avec la comédienne.

Lise Laffont © Clément Bertani

Culture 31 : La première saison parlait de l’après-cancer. La deuxième revient sur le diagnostic. Y a-t-il eu une étape de la maladie plus dure à interpréter ?

Lise Laffont : J’ai peut-être plus appréhendé la deuxième saison en terme de jeu. Je n’avais pas envie de trahir les patientes qui regardent la série. Je voulais vraiment être au plus près de la réalité, la plus sincère possible. Donc je me suis un peu plus préparée. J’ai pris le temps d’imaginer et d’envisager ce que ces femmes pouvaient ressentir. Notamment au moment de l’annonce, qui est vraiment une étape cruciale et très symbolique pour la patiente et pour le lien qui va se créer avec son médecin référent.

Avec la première saison, j’ai aussi eu besoin, dans un premier temps, de collecter des informations très précises concernant l’après cancer du sein. C’est une étape que l’on connaît moins, que l’on connaît peu, que l’on n’envisage même pas. J’ai appris beaucoup de choses à ce moment-là.

L’Oncopole a travaillé avec un panel de médecins et de patientes pour préparer l’écriture, ce qui a été crucial pour le scénario. Ils ont créé une sorte de fiche de la « patiente type », avec des caractéristiques telles que la personnalité des malades, leurs états émotionnels et certains détails liés au traitement du cancer du sein. Ces informations m’ont été transmises et m’ont permis de construire le personnage. Avec des détails comme les pertes de mémoire, la maladresse…

Alors, pour se préparer à un tel rôle, le plus important est de se renseigner auprès des premiers concernés.

Complètement. En tous cas, sur la saison 1, c’était très clair. Il y a eu deux étapes distinctes. En amont, récolter des informations et échanger avec les médecins de l’Oncopole. Et ensuite, un travail de comédienne, d’imaginaire et de mise en situation. Pour la saison 2, j’ai aussi écouté des interviews de patientes.

Le premier épisode, « L’annonce », nous plonge, à proprement parler, sur le chemin d’ Émilie, qui apprend qu’elle a un cancer du sein. Notamment avec une scène dans une piscine. Le message est alors que l’entourage proche joue aussi un rôle tout au long du parcours de soin. C’est donc l’occasion de mieux comprendre les besoins émotionnels des malades envers leurs proches.

Oui, c’est vraiment une plongée dans l’intime de la patiente. Que ce soit effectivement une vision plus précise de ce qu’elle traverse, mais aussi un regard sur la manière dont réagissent les gens autour. Elle se retrouve acculée par beaucoup de questions, et son entourage aussi. Que ce soit sa meilleure amie, sa famille… Tout le monde n’a pas les clés et la compréhension médicale d’une telle nouvelle.

On a beaucoup échangé sur cette scène d’annonce avec Martin Le Gall, le réalisateur, parce que je ne voulais pas qu’Émilie soit tout de suite dans la fragilité ou dans les pleurs. Je l’ai envisagée comme un coup de massue. Elle est vraiment sous le choc et un temps de compréhension va être nécessaire pour elle.

Je trouve qu’à l’image, ce sentiment est bien traduit au moment où on lui montre un dessin pour lui expliquer ce qu’il va se passer. Elle entend les mots autour d’elle mais perd conscience de ce qu’il se passe autour, et tombe dans cette piscine. C’est une image à laquelle Martin Le Gall tenait beaucoup. C’est très onirique et très métaphorique de l’état dans lequel elle se trouve.

Le deuxième épisode, « Les premiers pas », montre Émilie angoissée, même si l’opération s’est bien passée. Le médecin lui explique son plan de soin personnalisé. Un plan qui comprend notamment de la chimiothérapie. Le spectateur comprend que RCP, anapath ou encore PPS – termes moins connus – ne sont pas des gros mots et que l’oncologie, c’est tout un monde. Comment la répartition entre les aspects émotionnels et pédagogiques s’est-elle faite ?

Les comédiens font vivre une histoire et racontent des émotions. À côté, il y a des apartés en face caméra qui se chargent de cet aspect pédagogique. Dans les deux saisons, des patientes interviennent également. J’ai pu discuter avec elles. C’était très émouvant de voir qu’elles ont vraiment traversé ce que nous sommes en train de jouer, et qu’elles soient elles-mêmes touchées par ce qu’elles voient.

Au début de ce même épisode, votre personnage s’inquiète de perdre ses cheveux. Que représente pour vous ce changement presque inévitable dans le cadre d’une chimiothérapie ?

Je me suis imaginée que ça pouvait être le bon moment pour voir Émilie à travers une certaine fragilité. Car la maladie a été annoncée, le processus médical a été enclenché, et la chimiothérapie est très symbolique du traitement du cancer. Pour mon personnage, cela représente surtout une étape qui rend visible sa maladie.

C’est toujours troublant et angoissant de changer d’aspect physique. Et je crois que le rapport aux cheveux est depuis longtemps, pour la femme, très important. Tout comme se sentir vivante, désirable et jolie. Le fait qu’elle perde ses cheveux était donc, pour moi, quelque chose qu’il fallait mettre en exergue, par rapport à une éventuelle angoisse d’une patiente. C’est en tous cas ce qu’il m’a semblé important de faire.

Concernant le cancer à proprement parler, on a tous malheureusement quelqu’un de notre entourage plus ou moins proche qui a traversé ces étapes et qui a eu des séquelles perceptibles physiquement. La fatigue, le teint blafard et donc cette perte de cheveux, très significative de l’étape du soin. C’était important de le traiter avec justesse et respect.

Le troisième et dernier épisode de la saison, « L’espoir » débute sur un rendez-vous au cours duquel Émilie n’a justement plus de cheveux, mais arbore un large sourire. Elle a peut-être trouvé l’amour, et surtout la réponse à la question « est-ce que j’ai envie de participer à une étude clinique ?». Comment avez-vous envisagé ce moment de questionnement ?

C’est une phase qui s’approche de la fin. On sent que « le plus compliqué » est passé. Elle voit que son médecin est très encourageant et que sa famille et ses amis sont toujours à ses côtés. La traversée du désert semble en train de se terminer. Elle arrive donc à envisager cette dernière étape avec plus d’optimisme.

Elle continue de s’entourer de gens en qui elle a confiance, on le voit notamment à travers son rapport avec son médecin. Mais aussi avec sa voisine Solange, elle-même ayant vécu un parcours de guérison du cancer du sein, qui est en quelque sorte sa guide spirituelle et l’aide à traverser tout ça. C’est important de mettre en avant les accompagnants.

Les patientes vivent des choses très difficiles et il y a tout cet entourage qui est là pour les soutenir. Je pense que cet épisode atteste de ça, de comment cheminer dans tout ce parcours, à qui on peut faire confiance et qui peut nous aider à avancer.

(L’Oncopole traite plus de 10 000 nouveaux patients chaque année, et plus d’un patient sur huit est inscrit dans des études cliniques, ndlr).

La première saison a remporté plusieurs prix. Quel retentissement espérez-vous pour cette deuxième saison ?

On a été gâtés sur la saison 1 avec ces prix qui nous ont accompagnés tout au long de l’année. Ils nous ont vraiment encouragés à continuer, à faire cette saison 2. Les partenaires ont aussi renouvelé leur accompagnement. J’espère que cette deuxième saison va rayonner aussi bien, va être diffusée et vue. Que ce soit par des patientes, leur entourage, ou des personnes pouvant être sensibilisées à cette maladie, au cancer du sein.

Une série comme celle-ci a besoin d’être vue. Et pourquoi pas recevoir d’autres prix, avec plaisir. Mais je crois que le but premier est d’accompagner les patientes dans leur chemin à elles.

Peut-on s’attendre à une troisième saison en octobre 2023 ?

Je n’ai pas d’informations concrètes là-dessus. Je pense que tout le monde a très envie de travailler de nouveau ensemble. On a vraiment créé des liens affectifs très très forts avec ce projet. C’est un projet de cœur. Que ce soit au sein de la société de production toulousaine Pinkanova, le service de communication, les services médicaux de l’Oncolope, les patientes, l’équipe artistique et tous les comédiens, on a tous envie de se retrouver.

Ce sont des sujets très forts qui fédèrent et qui font que l’on se sent vraiment utiles. Tout le monde a envie d’une saison 3, mais c’est beaucoup de questionnements. Il faut savoir comment traiter le bon sujet de la bonne manière. Je n’ai pas ces réponses là.

Un message à faire passer ?

Ce projet nous a tous un peu dépassés. Quand j’ai démarré, je ne mesurais pas l’impact positif qu’il allait avoir. Que ce soit au niveau des spectateurs, des patientes, mais aussi au niveau professionnel. Toute l’équipe est très attachée à la série. Elle a été faite avec beaucoup d’amour, beaucoup d’envie, beaucoup de respect. J’espère que cette saison 2 sera au rendez-vous, sera aussi vue et aussi utile que la précédente.

*Spécialisé dans les pathologies rares et complexes, l’IUCT-Oncopole accueille tous les patients devant être soignés pour les pathologies suivantes : hématologie, cancers de la femme, cancers ORL, cancers de la peau (mélanomes), certains sarcomes, urologie (médicale, chirurgie innovante).

Inès Desnot

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