Lors de la conférence de presse nous présentant la prochaine saison du Théâtre du Capitole, Kader Belarbi, Directeur du Ballet du Capitole n’avait pu être présent à cause… encore une fois, des méfaits du Covid. Préparant la tournée de Giselle, il s’avéra que l’un des danseurs était cas contact. Le chorégraphe a dû faire face à un dilemme : annuler ou retravailler la chorégraphie. C’est ainsi que le pas de quatre du premier acte est devenu… un pas de trois. Travail si bien réussi que le pas de quatre restera peut-être un pas de trois !
Nous avons donc souhaité nous entretenir avec lui pour découvrir un peu plus profondément la saison prochaine du Ballet.
ClassicToulouse : Kader Belarbi, vous abordez votre 10ème saison à la Direction du Ballet du Capitole, et la prochaine saison fait la part belle à différents styles de danse. Quatre programmes vont se succéder sur la scène du Capitole avec de grands ballets de style classique ou néoclassique et d’autres qui présentent des pièces plus courtes et plus contemporaines.
Kader Belarbi : Je tiens à présenter au moins un grand ballet par saison, car j’estime que nous avons un devoir de transmission face au public.
En ouverture, vous avez choisi Roméo et Juliette de Prokofiev, dans la version de Jean Christophe Maillot, pourquoi ce choix ?
K.B. : C’est pour moi la poursuite d’une mission, à savoir mettre en exergue des chorégraphes français qui font un travail remarquable et qui ont parfois du mal à le faire partager. J’ai choisi cette chorégraphie car j’aime beaucoup la vision originale du sujet qu’en a Jean Christophe Maillot, à savoir le regard sur le drame qu’y porte Frère Laurent. Sa version a été créée en décembre 1996 à l’Opéra de Monte-Carlo. Ce n’est dons pas un nouveau ballet, mais justement le temps apporte souvent la qualité, la « patine » qu’a acquise cette œuvre. Jean Christophe Maillot a d’ailleurs été très touché par ma demande, car malheureusement en France on ne programme pas souvent les chorégraphes français.
Les fêtes de Noël verront le retour de votre Don Quichotte.
K.B. : Et c’est là le grand ballet classique dont nous parlions, dans l’idée de transmission d’œuvres qui sont le socle de notre tradition, de notre histoire. C’est un ballet joyeux qui convient bien à ce moment de l’année et qui donne la possibilité aux danseurs de montrer toute l’étendue de leur technique.
La saison se poursuit dans un tout autre style avec Paysages Intérieurs, qui nous fait retrouver Thierry Malandain (qui termine la saison 2021-2022 avec sa création mondiale Daphnis et Chloé) avec son Nocturnes, et l’intemporelle Carolyn Carlson avec 2 ballets, If To Leave Is To Remenber et Wind Women.
K.B. : J’ai voulu réunir ces deux chorégraphes dans une soirée entre rêve et poésie, cette musique intérieure soulignée par les musiques de Philippe Glass, Chopin et Nicolas de Zorzi. Et lorsque nous donnerons ces ballets, nous aurons deux membres de l’Académie des Beaux Arts dans notre théâtre, puisque Thierry Malandain a déjà été reçu à l’Académie, et Carolyn Carlson le sera le 15 juin. C’est une belle reconnaissance pour ces deux chorégraphes majeurs de notre époque.
Pour le dernier spectacle de la saison vous avez choisi un programme résolument contemporain avec 3 œuvres : Entrelacs, votre chorégraphie remontée pour le Ballet du Capitole en 2007, et 2 entrées au répertoire : No More Play de Jiří Kylian et Tout un monde lointain de Michel Kelemenis.
K.B. : Pour Entrelacs, j’avais envie de le remettre en jeu, car quand on crée il y a un investissement pas seulement artistique mais aussi un investissement économique. Cela permet d’y jeter un nouveau regard, et également de réaliser des économies, et ça aussi c’est important ! Ce qui nous permet également d’inviter des grands chorégraphes contemporains comme Jiří Kylian et Michel Kelemenis. Jiří a accepté immédiatement, ce sont des retrouvailles. C’est un ballet qui n’est pas souvent donné et qui fait partie de la suite Black and White, ce qui correspond à la thématique choisie. Quant à Michel Kelemenis , j’avais vu il a fort longtemps ce ballet très réussi. Il va le reprendre pour en faire un ballet d’ensemble pour vingt danseurs. En effet, la chorégraphie de Kylian est pour cinq solistes seulement, et il est impératif que tous les membres de la Compagnie soient sur scène. Je suis un peu comme un sélectionneur de football qui ne doit laisser personne sur la touche !!
Cette présentation serait incomplète si nous ne parlions pas des tournées pour la saison prochaine. Vous partez avec Toulouse Lautrec.
K.B. : Ce qui est formidable c’est que quand un ballet est créé et qu’il est si bien accueilli aussi bien par le public que par la critique, les directeurs, les programmateurs s’y intéressent. La première chose est de rendre les honneurs à notre partenaire, la Scène Nationale d’Albi avec deux représentations les 28 et 29 septembre ; puis quatre spectacles au Théâtre des Champs Elysées. C’est le Capitole à la Capitale ! comme je le dis. Et ensuite, six spectacles dans un lieu important pour la danse internationale, la Maison de la Danse à Lyon. D’autres dates sont à travailler peut-être à l’étranger.
Etoiles et Toiles part également en tournée…
K.B. : Ce qui est formidable c’est la relation de fidélité avec l’Opéra de Massy, où nous sommes déjà allés à trois reprises. Il reste encore des projets lors de festivals, mais rien n’est concrétisé.
Un bilan pour ces dix ans ?
K.B. : Dix ans c’est un anniversaire, modeste peut-être, mais c’est aussi une manière de voir le chemin parcouru, de voir que le ballet s’est ouvert dans son répertoire. C’est important de dire aussi que si nous sommes Opéra National, le Ballet du Capitole participe à ce label ! C’est un honneur, mais c’est aussi une manière symbolique d’être reconnu, sur le marché international également. En ce qui me concerne je suis heureux de passer du Liceo de Barcelone à Castres, à Muret, à l’Opéra Royal de Versailles, d’inviter le Kiev City Ballet, de faire la création du ballet de Thierry Malandain. Il y a une vraie vitalité, une vraie activité, dans tous les styles, avec l’exigence et la qualité que l’on essaie de maintenir. Le meilleur exemple est peut-être celui de Bezons, où nous donnions trois représentations de Giselle, sur une scène résolument contemporaine qui a reçu les plus grands contemporains de la danse de Carlson a Preljocaj, où il n’avait jamais été donné de classique. Nous avons fait ces spectacles avec une pluralité de public : jeunes, vieux, jeunes en difficulté ; mai aussi des balletomanes, des professionnels, des écoles de danse aussi. Ça a été un vrai succès. Il y a eu aussi des master-class classiques, ce qui n’avait jamais été fait. Il était important que le public découvre aussi le classique.
Et plus classique que Giselle, c’est difficile à trouver ! Mais c’est super d’avoir pu donner ça sur une scène contemporaine !
K.B. : Exactement. Et là c’est pareil, on va terminer aux Chorégies d’Orange. J’y suis allé pour vérifier la scène. Une scène de 21 mètres sur 17 mètres, il n’y aura pas de décors, pas de toiles, donc je suis en train de travailler sur le réalisme du premier acte, nous sommes en train d’aménager quelque chose de plus grand. Ensuite, j’ai dit à Jean-Louis Grinda le directeur, que sur cette scène il me fallait les 24 Willis, et j’aurai donc huit danseuses supplémentaires ! Et par solidarité j’ai engagé aussi deux danseuses ukrainiennes qui seront parmi ces huit danseuses. Et je suis très heureux de terminer cette saison sous les étoiles d’Orange !
Voilà une magnifique fin de saison ! Rendez-vous auparavant pour Daphnis et Chloé, la création de Thierry Malandain, dès le 26 juin.
Propos recueillis par Annie Rodriguez
Ballet du Capitole / Opéra du Capitole
Saison 2022 / 2023
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