La Cinémathèque de Toulouse rend hommage à Brian De Palma jusqu’au 2 juillet avec les projections de quinze de ses films.
Figure de proue – avec ses amis Steven Spielberg, George Lucas, Francis Ford Coppola ou Martin Scorsese – de ce que l’on appela « le Nouvel Hollywood », Brian De Palma occupe aujourd’hui une position paradoxale dans l’histoire du cinéma. Il a signé des films culte et d’immenses succès publics (Phantom of the Paradise, Scarface, Les Incorruptibles, Mission : Impossible) qui ne comptent pas parmi ses plus grandes réussites tandis que les années 2000 l’ont vu devenir un « has been » aux yeux du système. Cela ne rend pas moins passionnante l’œuvre du cinéaste dont on peut voir ou revoir quinze longs métrages à la Cinémathèque de Toulouse jusqu’au 2 juillet.
Le mensonge, la manipulation, les faux-semblants, le travestissement, le double, le voyeurisme sont au cœur des films de De Palma dans lesquels abondent miroirs, caméras et mises en abîme pour dessiner le plus souvent une métaphore du cinéma. Si nombre de cinéastes s’inspirent d’autres films et d’autres cinéastes, mettent en scène (à l’instar d’un Quentin Tarantino) des œuvres ultra-référencées, Brian De Palma représente un cas atypique puisque plusieurs de ses films (Sœurs de sang, Obsession, Pulsions, Blow Out ou Body Double), sans être des remakes, constituent des prolongements et des réinterprétations du cinéma d’Alfred Hitchcock (Sueurs froides en particulier, Fenêtre sur cour, Psychose…).
Sur le fil du rasoir
En outre, le cinéma de Brian De Palma – extrêmement stylisé, usant d’amples mouvements de caméra, faisant de la musique un élément narratif, jouant avec le split screen – est aussi baroque que lyrique, pousse le mélodrame à la frontière du kitsch et l’artifice à son extrême. Son art est sur le fil du rasoir, bascule parfois dans le ridicule et il faut en accepter à la fois la sophistication et le premier degré. Comme tout grand artiste, De Palma remâche ses thèmes et son univers visuel : faux-semblants, manipulation, masques, longs travellings et panoramiques, split-screens, culpabilité, impuissance, gémellité, schizophrénie…
Mêlant innocence et perversion, naïveté et ironie noire, les films de De Palma peuvent séduire et dérouter dans un même élan. Certains de ses fans tiennent Body Double ou Femme fatale pour ses pires réalisations, d’autres les classent parmi les plus belles pures expressions de son cinéma. Quant à Blow Out ou L’Impasse, ils s’imposent par leur évidence et comme la quintessence d’une mise en scène et d’un récit maîtrisés de bout en bout. De fait, au-delà d’incontestables chefs-d’œuvre (comme L’Impasse), chacun trouvera ses films de prédilection dans une riche filmographie touchant au fantastique (Carrie), au polar (Les Incorruptibles) au film de guerre (Outrages), à la science-fiction (Mission to Mars), au thriller (Blow Out et tant d’autres).
Nulle surprise à ce que cet homme, né en 1940 et pur produit de la contre-culture des années soixante, porte un regard désenchanté sur les temps présents. « Le grand problème aujourd’hui c’est que le monde entier s’est entiché de la culture de masse américaine, ce qui va nous conduire j’en suis sûr vers une uniformisation générale, tous les pays finiront par ressembler à des centres commerciaux américains avec le même magasin Gap, la même cafétéria… ajoutez à cela la télé, qui nivelle tout par le bas, c’est dramatique. Les Américains s’imaginent vivre dans le pays le plus fascinant du monde alors qu’il est ennuyeux à mourir », déclarait-il voici quelques années. De Palma, lui, a beaucoup voyagé, a vécu en France et surtout a grandi avec une certaine idée du cinéma, un cinéma « bigger than life ».