Le Fanfaron de Dino Risi
Sans la comédie italienne, le cinéma n’aurait pas eu la même saveur. Ce genre pourtant ancré dans des réalités sociales, culturelles, économiques et politiques singulières a accédé à l’universel. Dans cette foisonnante production dont l’âge d’or eut lieu entre 1950 et 1980, Le Fanfaron brille d’un éclat particulier. Un 15 août à Rome, ville déserte. A bord de sa Lancia Aurelia B24, Bruno Cortona cherche désespérément une cabine téléphonique et des cigarettes. Apercevant un jeune homme à la fenêtre de son appartement, le beau Bruno s’invite chez lui et embarque le sage Roberto afin de l’inviter à déjeuner. Débute alors, entre le quadragénaire sans manières et le timide étudiant en droit, une virée de quarante-huit heures en forme de voyage initiatique…
Le Fanfaron de Dino Risi, réalisé en 1962, est devenu un classique de la comédie italienne, mais il dépasse le genre pour poser des figures de style mille fois reprises depuis dont le buddy movie et le road movie. Pour interpréter le tandem, le cinéaste s’est appuyé sur deux comédiens d’exceptions : Jean-Louis Trintignant, parfait en complexé qui se libère peu à peu de ses inhibitions sous l’influence de son pygmalion, et Vittorio Gassman, absolument génial en mâle hâbleur, grossier, mythomane, terriblement charismatique.
Dolce vita au goût de Campari
Mené tambour battant, Le Fanfaron se permet des digressions qui font aussi le charme de ce récit d’apprentissage offrant parfois une vision quasi-documentaire de l’Italie du début des années soixante alors en pleine croissance. Mais c’est évidemment la force comique du film qui rend le spectacle aussi irrésistible que jubilatoire. Les dialogues crépitent, les insolences fusent. Au-delà de ses brefs accès de mélancolie chassés à coups de klaxon, revoir ce film aujourd’hui distille une nostalgie à couper au couteau. Dans son magnifique noir et blanc, il ressuscite l’insouciance du monde d’avant le principe de précaution et les interdictions.
La dérive se fait poétique et joyeuse en fredonnant des airs inoubliables comme le Guarda Come Dondolo d’Edoardo Vianello. Il y a aussi dans Le Fanfaron des éclats de rires, des regrets étouffés, des nuits d’ivresse, des amours ratées d’un rien, des enfants que l’on n’a pas vu grandir, des chansons, des belles que l’on fait danser, des déjeuners de soleil et des bains de mer. La dolce vita, quoi. Evidemment, tout cela a une fin. Celle-ci a le goût d’un Campari, amertume comprise.