Requiem pour un commissaire
En adaptant le roman de George Simenon paru en 1954 : Maigret et la jeune morte, Patrice Leconte s’attaque à une figure légendaire du Quai des Orfèvres, maintes et maintes fois incarnée à l’écran. Suffisait-il de faire appel pour cela à une autre figure légendaire du 7e art ?
Autant le dire de suite, l’adaptation du roman de George Simenon est plus que libre, de nombreux personnages ayant disparu. Patrice Leconte s’en explique volontiers. En fait et le titre même du film le montre, le réalisateur voulait faire un film sur Maigret. Comme envahi par un souci téméraire de coller au plus près de ce Paris glauque et crépusculaire des années 50 du siècle dernier, le cinéaste nous livre un opus d’une noirceur insondable. Noirceur de l’image, peu déchiffrable à vrai dire, noirceur du son avec des flots de paroles qui passent à la trappe, noirceur d’une intrigue à laquelle on peine à s’attacher sinon à s’intéresser.
Que s’est-il passé ? Le mythe aurait-il mal vieilli ? Notre Gégé national aurait-il pu mieux faire que déambuler de manière pachydermique sans la moindre once d’émotion ? Seul Patrice Leconte a la réponse. Mais n’aurait-il pas été écrasé par le passé de ce Maigret ? Par les nombreuses incarnations de ce commissaire, et non des moindres : Jean Richard, Bruno Crémer, Jean Gabin, pour ne citer que ceux-là ? Gérard Depardieu est-il facile à diriger sur un plateau… ? Une autre question m’obsède également : les enquêtes du célèbre commissaire sont-elles toujours d’actualité alors que le public fait un triomphe à Bac Nord ?
Le plan final nous montre Maigret de dos s’éloignant dans une rue sombre puis devenant invisible. N’est-ce pas aussi ce Paris-là qui a disparu de notre rétroviseur ?