Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
La Prisonnière du désert de John Ford
Sans doute le plus grand film de l’un des plus grands cinéastes au monde. Avec ce nouveau western sorti en 1956, John Ford retrouve l’acteur qu’il a notamment dirigé dans La Chevauchée fantastique, Le Massacre de Fort Apache, Le Fils du désert ou La Charge héroïque, pour lui confier un rôle sombre et complexe, à mille lieux des héros immaculés que John Wayne a pu interpréter. 1868, trois ans après la fin de la guerre de Sécession, Ethan Edwards, ancien soldat sudiste, retrouve le ranch de son frère Aaron et de la famille de celui-ci : son épouse Martha, leurs filles Lucy et Debbie, leurs fils Benjamin et Martin – ce dernier, jeune homme au sang indien, ayant été adopté. Le lendemain, Ethan et Martin sont enrôlés par le commandant des Texas Rangers afin de pourchasser des voleurs de bétail, mais cela s’avère une diversion des Comanches pour attaquer le ranch des Edwards. Les parents et leur fils sont tués tandis que leurs deux filles ont été enlevées…
Humanité retrouvée
La Prisonnière du désert retrace la recherche de Debbie (Lucy étant rapidement retrouvée morte) par Ethan et Martin. Ford et son scénariste, Frank S. Nugent, s’inspirent d’Homère et de l’Ancien Testament. Il y a pire influence. Dès la mythique scène d’ouverture (la caméra sortant de la maison des Edwards pour révéler Monument Valley), la mise en scène de John Ford impressionne. Composition et dynamique interne des plans, utilisation des ellipses et du hors champ : sans fioritures, sa caméra est au cœur du récit. On passe de paysages naturels époustouflants, magnifiés par une photographie sublime, à des scènes intimistes. La comédie a sa place dans cette histoire âpre, violente, rythmée par le passage des saisons. John Wayne joue un personnage aussi charismatique que répulsif. Ouvertement raciste, il profane des sépultures et scalpe ses victimes, tue des bisons pour affamer les Indiens… Ford porte un regard implacable sur la violence inhérente à la construction de la nation américaine. Au massacre de la famille Edwards répond celui d’un village indien, femmes et enfants compris. La Prisonnière du désert raconte l’humanité retrouvée d’un héros tragique condamné à la solitude. Ce n’est pas la moindre des beautés de ce chef-d’œuvre indémodable.