Entre rose et noir, la police à Toulouse
Pour son troisième long métrage, ce réalisateur nous entraîne dans une journée ordinaire de la Police, mais non pas celle célébrée au travers des films à grand spectacle mettant en scène la BAC ou la Brigade des Stups. Non, la Police de Frédéric Videau est celle que nous croisons à chaque instant, c’est celle de la rue, plus discrète mais plus près de nous. Intense et bouleversant.
La première image se situe, comme beaucoup d’autres dans ce film d’ailleurs, dans les toilettes d’un commissariat toulousain. Celui qu’on appelle gentiment Ping Pong, flic de rue en fin de carrière, désabusé jusqu’à l’os, brûle sa carte professionnelle. Estimé de tous ses collègues, il part une dernière fois pour une de ces journées d’enfer qu’il refuse de vivre plus longtemps. Il ne le sait pas encore mais il file tout droit vers son destin…
Pendant 24h le cinéaste va s’attacher également à tous ces personnages de bleu vêtus essayant tant bien que mal de rendre notre société plus viable, moins dangereuse. Frédéric Videau, cela dit, ne fait aucune économie sur leur vie, sur l’adrénaline qui les envahit au point d’aller, en pleine nuit, sortir un jeune dealer d’une « cage » pour le tabasser en cachette. En fait, le scénario s’apparente à une tragédie. Sauf qu’une jeune stagiaire, Zineb, décide, contre vents et marées et le machisme ambiant, de faire carrière dans ce milieu. Son cheminement va croiser la course à l’abîme de Ping Pong…Des deux côtés de la barrière sociale, entre représentants de l’ordre et délinquants, la frontière devient floue et d’émouvants profils christiques apparaissent (le rôle de Fouad est sublime, je vous le laisse découvrir), comme annonciateurs d’une apocalypse sociétale. Les plus curieux pourront déceler des références religieuses, volontaires…ou pas (?), dont…le titre du film, énorme clin d’œil aux Evangiles !
Entre la brique rose chère à Toulouse et le noir d’une nuit pluvieuse, toute une galerie de portraits nous est dévoilée avec une rigueur quasi documentaire. Ping Pong n’est autre que le grand comédien de théâtre Patrick d’Assunçao. D’une intense et lumineuse minéralité, il porte sur lui, dans ses silences, ses regards et ses gestes, tous les malheurs du monde avec une empathie bouleversante pour son prochain. Une immense incarnation. A ses côtés, Sofia Lesaffre (Zineb) est la seule lumière clignotante encore à la fin du film. Il faut y croire, sinon…