On aimerait le détester
En suivant les pas d’une ex-star du X, le réalisateur américain Sean Baker nous plonge au cœur de l’Amérique profonde pré-trumpiste et met en lumière les talents insoupçonnés d’un comédien exceptionnel : Simon Rex. Une révélation qui va faire du bruit !
Mickey (Simon Rex) a fait une glorieuse (?) carrière dans le X. Mais voilà que les affaires ont tourné mal pour le hardeur. Littéralement à la rue, il n’a d’autre solution que demander l’asile à Lexi (Bree Elrod), son ex-femme. La chose ne va pas être facile mais voilà, Mickey a un charme fou doublé d’un talent de bonimenteur hors norme. Résultat il arrive à s’incruster dans l’ex-nid conjugal. D’autant que si Lexi ne nourrit plus de sentiments envers Mickey, elle a des souvenirs assez éblouis de ses performances… Un seul impératif, payer son loyer. Comme d’habitude, Mickey va finir par trouver des jobs border line, genre vente de drogue à des ouvriers de l’usine voisine. Un soir, il s’arrête acheter des donuts dans une boutique improbable, non loin de son domicile. Et là, un flash, une jeune vendeuse, Strawberry (Suzanna Son), lui tape dans l’œil. Et comme le flash est mutuel, alors que cette dernière est encore pour quelques jours mineure, ils vont faire plus ample connaissance. C’est le tournant du film car le prédateur qui sommeille chez Mickey se réveille et voit dans la jeune fille l’occasion de se relancer dans le métier en en faisant une pornstar. Furtivement, des bouts d’affiches et de journaux télévisés annoncent le duel Trump/Clinton. Nous connaissons la suite. Le film se transforme alors en miroir conjuguant l’intime à l’universel.
Tourné durant la pandémie en 23 jours avec une équipe réduite de 10 personnes, le dernier opus de Sean Baker nous montre un homme en situation de survie prêt à tout pour avoir un lendemain. Dans cette Amérique dite profonde, ici au Texas, peuplée de déshérités pas vraiment sympathiques, Mickey va abattre tous ses atouts. Et le miracle de ce film, c’est qu’au bout d’un moment, alors que nous devrions le vomir, nous entrons en empathie avec lui. Son regard enfantin, son bagout, son humour, sa naïveté apparente, font de ce véritable parasite un être…lumineux. Sean Baker avoue qu’il a imaginé ce film en pensant directement à Simon Rex, lui-même ex-pornstar. Bingo ! Il nous fait découvrir ici toute l’étendue de son talent. Acteur formidablement dynamique, sculptural cela va sans dire, aux regards d’un bleu trop profond pour ne pas dissimuler des orages ténébreux, dire qu’il explose à l’écran est un doux euphémisme tant on est carrément scotché dès qu’il y apparaît. Ce cinéaste vient assurément de lui donner la chance de sa vie. Il n’est rien de dire qu’il s’en est emparé comme un affamé. Pour notre plus grand bonheur. Ce film a reçu le Prix du Jury et celui de la Critique au Festival de Deauville (2021).
Simon Rex – Fini la galère ?
Ce Californien de confession juive commence sa carrière dans le cinéma X gay en 1993. Il a 19 ans et, avoue-t-il, devait alors aussi payer son loyer… Rapidement, on peut le voir dans des séries tv telle qu’Alerte à Malibu. Mais le toujours jeune Simon finit par être repéré et casté pour la saga Scary Movie dans laquelle il apparaît quatre fois. Entre temps il aura enchaîné un nombre impressionnant de seconds rôles dans des longs métrages. Le voici, enfin, en haut d’une affiche qui devrait lui ouvrir les portes d’une seconde carrière propre cette fois à mettre en lumière un talent que l’on devine ici hors du commun. Good luck !