On se souvient peut-être de Lionel Dray dans Les Dimanches de Monsieur Dézert, spectacle pour un seul interprète (lui-même) présenté à Garonne en mars 2020. Conçue et jouée en binôme avec la compositrice Clémence Jeanguillaume, sa nouvelle création, Ainsi la bagarre, explore toujours le même univers poético-décalé.
Inscrivant la pièce dans la tradition littéraire de l’énigme, le duo s’est inspiré au départ de nouvelles et aphorismes de Franz Kafka. Divers autres éléments (textuels, visuels, sonores ou imaginaires) ont ensuite nourri le matériau durant le processus créatif, résolument prospectif et ouvert à l’imprévu.
Si le cinéma burlesque – de Buster Keaton à Jacques Tati – appose une vive empreinte, l’influence de David Lynch se perçoit également. Générée à partir de synthétiseurs et d’un thérémine, la composition musicale s’intègre à la scénographie et, très suggestive, contribue pleinement au développement de la fiction.
Minutieusement (dé)cousu, le récit suit par libres fragments deux personnages situés dans un monde parallèle (si loin, si proche du nôtre) et distille un taraudant suspense sans résolution, au bord de l’angoisse – que seul le rire, éclatant, parvient à conjurer. Des masques étonnants, dont deux dessinés par un facteur de masques, ajoutent encore à l’étrangeté lunaire de la pièce.
S’attachant à atteindre une « grande délicatesse dans un merdier sans nom », selon la très jolie formule de Lionel Dray, Ainsi la bagarre fait surgir un exaltant cabaret fantasmatique à l’intérieur duquel se transfigure superbement le réel.
Théâtre Garonne
Du mercredi 23 au samedi 26 mars 2022
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