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Les Promesses, un film de Thomas Kruithof

by Administrateur

Sous les tapis de la politique

En cette période électorale, il y a de quoi se poser des questions, si ce n’est déjà fait, en voyant le second opus de ce réalisateur français. Soit le portrait glaçant et sans échappatoire, ou presque, d’une maire de la banlieue parisienne en butte avec la techno-politique hexagonale. Plus aucun doute, si tant est que, quant à la morale politique.

Thomas Kruithof nous avait déjà pas mal interpellé en 2017 avec l’histoire de cet homme réduit par nécessité à transcrire des écoutes téléphoniques pour le compte des Services Secrets (La Mécanique de l’Ombre), un autre monde finalement pas si éloigné certainement que celui du film sous rubrique.  Le cinéaste nous plonge ici au cœur d’une cité de la banlieue parisienne.  Et plus précisément il nous attache aux pas de la maire, Clémence, et de son bras droit, dircab en l’occurrence, Yazid. Clémence a décidé de ne pas se représenter et de laisser la place à Nadra, jeune femme issue, comme on dit, de l’immigration. Mais avant cela elle souhaite boucler un dossier urgent de subvention afin de restaurer une barre d’immeuble totalement insalubre, de plus entre les mains de marchands de sommeil.  Le budget est énorme, 68 millions d’euros ! Faisant jouer ses appuis politiques, elle et son adjoint se battent. C’est ainsi que petit à petit, nous voilà dans les plus hautes sphères du pouvoir, là où se distribue la manne budgétaire.  De promesses non tenues en trahison pure et simple sans oublier une désillusion amère, Clémence ne sait plus vers qui se tourner. Désillusion personnelle car Clémence attend l’appel promis du Premier Ministre pour entrer dans son gouvernement. L’appel viendra mais elle rencontrera une seconde gâchette qui aura tôt fait de la discréditer à Matignon. 

En parallèle à cette histoire somme toute assez banale sous les ors de la République, nous suivons la problématique de la barre d‘immeuble, avec ses réunions de locataires et de copropriétaires, les discutions vaseuses avec le Syndic, et celles plus musclées avec le représentant de l’Association de défense des résidants. Un problème reste majeur, lassés de voir les travaux promis non réalisés malgré les charges qui tombent tous les mois, les occupants ont décidé de ne plus les payer.  Casus belli donc qui est suffisant pour que la subvention ne soit jamais prise en compte par le responsable du développement du Grands Paris.  Mais Yazid en fait une affaire personnelle, lui qui a grandi dans cet environnement.  En une nuit et à la barbe des élus, y compris la maire, il va récupérer lesdites charges… Cela suffira-t-il alors que le Comité d’attribution se tient le lendemain ?  Un véritable suspense se conjugue donc au tableau d’un univers politique en proie à des querelles sibyllines dont peu de personnes connaissent les tenants et encore moins les aboutissants.  Effrayante peinture d’un monde dans lequel cependant, c’est le sujet du film, des bonnes volontés parviennent à faire valoir le droit et la raison. La distribution est littéralement écrasée par le Yazid de Reda Kateb, pugnace jusqu’au-delà des limites, engagé dans une épreuve, celle d’une mairie au plus près de ses administrés, courageux jusqu’à se mettre en danger.  Il accapare l’écran avec une justesse de ton éblouissante, laissant dans l’ombre le pâle reflet d’Isabelle Huppert, Clémence glaciale sans charisme aucun, sorte de mécanique politicienne à laquelle on ne croît pas une seconde.

Pour le suspense et Reda Kateb, un film sans coloration politique à voir absolument

Robert Pénavayre


Reda Kateb – A quand un grand César ?

Le tout jeune Reda a 8 ans lorsqu’il monte pour la première fois sur scène. Plus tard, il jouera les grands classiques aussi bien que le théâtre contemporain.  C’est la petite lucarne (Engrenages en 2008) qui va le révéler à Jacques Audiard ! Dans la foulée il fait ses débuts au cinéma aux côtés de Tahar Rahim dans Le Prophète. C’est le départ d’une foisonnante carrière cinématographique et télévisuelle. César du meilleur acteur dans un second rôle (Hippocrate en 2015), il a alors 38 ans, Reda Kateb développe une carrière remarquable de choix pertinents avec lesquels il peut déployer un talent d’une rare sensibilité.

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