La série des Clefs de Saint-Pierre ne cesse de se renouveler. Née en 2000 du désir des musiciens de l’Orchestre national du Capitole de s’investir dans la pratique de la musique de chambre, elle s’ouvre à tous les répertoires. Le 3 février prochain, quatre musiciens des pupitres de cordes proposent un programme varié et exigeant baptisé « Quatuors en contrastes ».
Edwige Farenc étant malheureusement indisponible pour raisons de santé, elle sera remplacée pour cette soirée par Jean-Louis Constant. Ce changement induit aussi une légère modification du programme, puisque c’est le Quatuor op.77 n°1 de Joseph Haydn qui sera joué à la place de celui de Béla Bartók.
La formation du quatuor à cordes constitue, en quelque sorte, un grand instrument à seize cordes, animé par quatre musiciens intensément liés par des conceptions communes. Ce 3 février prochain, les membres de cette entité sont des habitués des concerts symphoniques donnés à la Halle aux grains par l’Orchestre national du Capitole. Les violonistes Edwige Farenc et Jean-Baptiste Jourdin s’associent à l’altiste Samuel Joly et à la violoncelliste Fanny Spangaro.
Le programme musical imaginé par ces quatre artistes s’étend du début du XIXème siècle au milieu du XXème. De Ludwig van Beethoven à Anton Webern en passant par Béla Bartók, la magie du quatuor à cordes n’a cessé de s’exercer et d’évoluer.
Si l’ »invention » du quatuor à cordes est souvent attribuée à Joseph Haydn (il en a composé quelques 68 !) l’œuvre correspondante de Beethoven peut être considérée comme une sorte d’apothéose. Le corpus de ses seize quatuors est traditionnellement divisé en trois périodes bien distinctes qui reflètent les « trois manières » successives du compositeur. Le Quatuor à cordes n° 12 en mi bémol majeur, op. 127, inscrit au programme du concert du 3 février, a été composé entre 1823 et octobre 1824 et publié en 1826 avec une dédicace au prince Galitzine. Il ouvre la troisième période qualifiée de « Cinq derniers quatuors » de Beethoven. Sa composition est contemporaine de l’achèvement de la Neuvième Symphonie et il est créé sans succès le 6 mars 1825 par Schuppanzigh et son quatuor. Comme les autres quatuors de cette période, ce 12ème fut longtemps incompris du public. Il est considéré aujourd’hui comme l’une des plus grandes œuvres du compositeur.
Composés entre 1908 et 1939, les six quatuors à cordes de Béla Bartók témoignent de l’évolution des recherches du compositeur hongrois, et représentent un des sommets de son œuvre. Un septième quatuor est resté inachevé, interrompu par la mort du compositeur. Son Quatuor à cordes n° 1 en la mineur, op. 7, Sz. 40, BB 52, est au programme du concert. Composé à Budapest entre 1907 et 1909, il s’intéresse à la musique folklorique des Slovènes et des Roumains, mais aussi à la musique occidentale contemporaine, notamment aux créations de Claude Debussy. On peut déceler dans ce premier quatuor l’influence de Claude Debussy et de Ludwig van Beethoven.
Né en 1883 à Vienne, Anton Webern participe au bouillonnement intellectuel qui anime la capitale autrichienne. Il contribue à cette quête de renouvellement artistique au sein de L’Ecole de Vienne (la seconde du nom), sous l’égide d’Arnold Schoenberg dont il a été, avec Alban Berg, l’un des plus remarquables élèves. Son Langsamer Satz (en français, Mouvement Lent) pour quatuor à cordes qui sera joué, est écrit en 1905, à la fin de sa première période d’études aux côtés de Arnold Schoenberg.
Comme le note le musicologue Alain Poirier, l’écriture est déjà caractéristique du style de Webern, en particulier en qui concerne la superposition des voix avec un trois pour deux (utilisation du triolet) et la conclusion pianissimo. Bien que composée au début du siècle, l’œuvre n’est créée qu’en mai 1962 à Seattle, par le Quatuor de l’Université de Washington.
Un rendez-vous particulièrement prometteur !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse