C’est grâce au Cycle Grands Interprètes qu’un tout Wolfgang Amadeus Mozart investit la Halle aux grains. Masato Suzuki est à la direction du Bach Collegium Japan, son Orchestre baroque et son Chœur pour un concert débutant par la Symphonie n° 40, pour suivre le Requiem, en ré mineur et pour clore le Motet en ré majeur, Ave verum Corpus. C’est pour le vendredi 24 janvier 2025 à 20h.
Première œuvre interprétée : la Symphonie n° 40 en sol mineur K 550. Elle est en quatre mouvements : I.- Allegro molto – II.- Andante – III.- Menuetto – Allegretto – IV.- Allegro assai. Elle dure vingt-six minutes environ. Sans effusion, ni fièvre, suffisant pour le Mozart d’alors, à faire sourdre une tension vers cette course finale car nous sommes à moins de trois ans de la fin, en cette année 1788 où tout se précipite pour le compositeur, comme dans un pathétique quitte ou double pour reconquérir Vienne, pour exorciser ses angoisses et ses ombres encore palpitantes dans le récent Don Giovanni. Et puis la crise de 1787 est passée par là, avec la mort qui tombe en pluie autour de lui, enfant, père, ami, elle se devait d’être surmontée. Alors Mozart se jette à corps perdu dans la composition et affronte à nouveau la forme symphonique.
n° 39, Sonatine, Trio, n° 40, n° 41 Jupiter, toutes ces œuvres sont composées à Vienne, et pour la première fois sans commande extérieure. Mozart se lance ainsi dans une trilogie symphonique destinée à la ville ingrate. Il espère secouer aussi l’indifférence et la solitude qui commence à le cerner et espère les faire jouer en public, et retrouver une forme de reconquête sociale. Il comprendra assez vite qu’elles n’intéressent plus personne et lui-même n’entendra finalement que la quarantième et cessera alors d’en écrire. Derniers feux avant la descente vers l’hiver de 1791et l’arrivée rampante de la misère, malgré toute la rage de triompher de cette Vienne-vampire.
Ni résignée, ni triomphante, cette n° 40 est conçue avec son effectif réduit soit le quatuor à cordes, 2 violons, 2 altos, violoncelle et contrebasse, une flûte, deux hautbois, deux bassons, deux cors et pas de timbales, ni de trompettes.
Avant d’aborder ici le Requiem, quelques mots sur l’œuvre de fin de concert, l’Ave Verum Corpus en ré majeur Kv 618, ce motet pour quatre voix, cordes et orgue. Il fut composé à Baden, près de Vienne où sa femme Constance était en cure, pour la procession de la Fête-Dieu, et ce, quelques six mois avant la mort de son époux. Le texte latin n’est pas liturgique et provient d’un manuscrit du monastère de Reichenau au XIVè siècle. Ce chef-d’œuvre est de 46 mesures seulement où se concentrent, adagio, une pensée et une vie. Il témoigne d’une intensité expressive exceptionnelle. Un certain Hector Berlioz a fait de cette page un modèle d’utilisation des tessitures et des registres dans son Traité d’orchestration. Il est dit que rarement on a mis tant de ferveur et de beauté classique en un si petit espace : « …sa beauté séraphique finit par nous rendre aveugles à la maîtrise dont il témoigne. ».
Arrive l’ouvrage que le public attend, disons avec grande impatience. Ce Requiem, cette messe des morts, ultime chef-d’œuvre inachevé et complété par, pour la version choisie, l’élève de Mozart, le dénommé Süssmayr. En effet, le devenir du manuscrit incomplet est absolument rocambolesque (voir plus loin). Cet article ne vous indiquera pas ce qui est véritablement de la plume d’oie tenue par Wolfgang ou par un de ses assistants proches du compositeur lors de ses derniers jours. Seule compte l’émotion provoquée par le résultat parvenu jusqu’à nous et qui enflamme l’auditoire de façon systématique.
Requiem en ré mineur K. 626 : œuvre religieuse liturgique chantée en latin qui suit l’ordonnance habituelle sur le texte (ou partie du) de la messe dite pour les défunts dans l’église catholique romaine.
Le quatuor vocal comprend la soprano (S) Carolyn Sampson, la mezzo-soprano (MS), Marianne Beate Kielland, le ténor (T) Shimon Yoshida et le baryton-basse (B) Dominik Wörner.
Avec Masato Suzuki à la direction, la version interprétée devrait se distinguer par sa vivacité, son mouvement allant mais non précipité, sa légèreté, un côté lumineux et surtout, refléter l’espoir. On est impatient de “voir“ comment un chef de réputation dit “baroqueux“ livre cette œuvre écrite pour les quatre voix, le chœur (Ch), les deux cors de basset, deux bassons, trois trombones, deux trompettes, timbales, cordes et orgue.
I. Introitus
Requiem æternam (Ch, S)
II. Kyrie (Ch)
III. Sequentia
Dies iræ (Ch) / Tuba mirum (S, MS, T, B) / Rex tremendæ (Ch)
Recordare (S,MS, T, B)/ Confutatis (Ch) / Lacrimosa (Ch)
(Amen)
IV. Offertorium
Domine Jesu (Ch, S, MS, T, B)
Hostias, (Ch)
V. Sanctus (Ch)
Osanna
VI. Benedictus (Ch, S, MS, T, B)
Osanna
VII. Agnus Dei (Ch)
VIII. Communio
Lux æterna (Ch, S)
Cum sanctis tuis
Durée, moins de cinquante minutes
Suscitant la plus profonde admiration chez son contemporain Joseph Haydn, le Requiem de Mozart frappe par sa couleur propre : couleurs de ténèbres des cors de basset et des bassons, solo déchirant du trombone-ténor, traitement des voix solistes et du chœur excluant la caresse habituelle à sa musique. Ni suavité, ni sourire, cette musique veut nous parler d’invisible. La tonalité est de ré mineur, celle dite de l’inquiétude et du doute. Elle est à rapprocher de Don Juan et du Concerto pour piano n°20. Mais ce Requiem, œuvre énigmatique et dérangeante, n’est pas là pour édifier les foules, ni pour mettre en scène la propre mort du compositeur : il ouvre infiniment et simplement une fenêtre d’où une lumière de consolation peut nous parvenir. Chanter éperdument l’absence et l’invisible dans un lumineuse consolation musicale, tel est peut-être l’objet de ce Requiem.
Le Bach Collegium Japan a été fondé en 1990 par Masaaki Suzuki, son directeur musical inspirant, dans le but de faire découvrir au public japonais des interprétations des grandes œuvres de la période baroque.
Le Bach Collegium Japan a été fondé en 1990 par Masaaki Suzuki, son directeur musical inspirant, dans le but de faire découvrir au public japonais des interprétations des grandes œuvres de la période baroque. Composé à la fois d’un orchestre d’instruments d’époque et d’un chœur, ses activités comprennent une série de concerts annuelle des cantates de Bach et plusieurs programmes instrumentaux. Cet ensemble largement primé explore désormais le répertoire classique, ayant publié un enregistrement du Requiem de Mozart en novembre 2014, suivi de disques de la Grande Messe en ut mineur de Mozart, qui a remporté le prix dans la catégorie chorale des Gramophone Awards 2017, puis de la Missa Solemnis et de la Symphonie n° 9 de Beethoven.
Le Bach Collegium Japan a acquis une réputation internationale reconnue grâce à ses enregistrements acclamés sous le label BIS des principales œuvres chorales de Johann Sebastian Bach.
Masato Suzuki a obtenu une licence et une maîtrise de l’Université nationale des beaux-arts et de la musique de Tokyo, aujourd’hui-Université des arts de Tokyo, et a suivi des cours au Conservatoire royal de La Haye.
Masato Suzuki a obtenu une licence et une maîtrise de l’Université nationale des beaux-arts et de la musique de Tokyo, aujourd’hui-Université des arts de Tokyo, et a suivi des cours au Conservatoire royal de La Haye. Il a reçu le 20e Prix d’encouragement artistique pour les nouveaux artistes du ministère japonais de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, le 18e Prix commémoratif Hideo Saito et le 18e Prix de musique de l’Hôtel Okura.
Suzuki est le chef principal du Bach Collegium Japan (BCJ), chef d’orchestre et partenaire de l’Orchestre symphonique Yomiuri Nippon et directeur musical de l’Ensemble Genesis. Il est également le chef principal désigné de l’Orchestre philharmonique de Kansai depuis avril 2023. Il a dirigé des orchestres tels que l’Orchestre symphonique NHK et l’Orchestre symphonique Yomiuri Nippon. En 2017 et 2020, il a produit et présenté la série d’opéras « Masato Suzuki Produces BCJ Opera Series » : L’ Incoronazione di Poppea de Monteverdi (2017) et Rinaldo de Haendel (2020) ont été unanimement accueillis .
Les derniers jours du compositeur et la gestation difficile du Requiem : cliquez ici