La Symphonie “avec chœurs“ résonnera bien à trois reprises dans l’enceinte de la Halle pour le fameux Concert du Nouvel An. Ce sera, à 20h, les mardi 31 décembre et jeudi 2 janvier et à 17h le mercredi 1er janvier. Tarmo Peltokoski dirige les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse ainsi que le Chœur de l’Opéra national du Capitole de Toulouse doublé du Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie, les chefs de chœur étant respectivement, Gabriel Bourgoin et Noëlle Gény. Les solistes sont la soprano Elsa Dreisig, la mezzo-soprano Tuija Knihtlä, le ténor Tuomas Katajala et la basse Albert Dohmen.
« Je dois, avant mon départ (…) léguer ce que l’esprit m’inspire. » L. V. Beethoven
La 9e Symphonie en ré mineur, op. 125 est bien intitulé avec chœurs et pour soli, chœur et orchestre.
Elle est en quatre mouvements soit :
I Allegro ma non troppo, un poco maestoso
II Molto vivace
III Adagio molto e cantabile – Andante moderato
IV Presto – Allegro assai : le Finale
Durée moyenne des I, II et III : 43’
Durée totale : environ 70 à 75 minutes
Tel que Romain Rolland décrit cette Neuvième
« La Neuvième Symphonie est un confluent.
En elle, se sont rejoints et mêlés
De nombreux torrents
Venus de très loin,
Et des régions les plus diverses,
De rêves, de volontés,
D’hommes de tous les âges.
Et l’on pourrait dire aussi
Qu’à la différence des huit autres symphonies
Elle est un “Rückblick“,
Un regard en arrière, planant d’un sommet sur tout le passé. »
Faisons simple, la Neuvième Symphonie est bien une somme. Elle est œuvre de son temps : synthèse du sens religieux et des aspirations maçonniques, des espoirs dans le règne de l’Âge d’Or – l’Élysée de Friedrich Schiller – aboutissement idéal des immenses remous nés de la Révolution française : Joie égale Liberté ! L’Ode à la Joie fut composée en 1785 par un poète de 26 ans. Après des années amères et douloureuses, Schiller retrouve en cette fin d’année 1785, le goût de vivre dans un brûlant sursaut de joie et de jeunesse qu’il traduit dans cette ode, devenue le chant de ralliement de la jeunesse allemande dès sa parution en 1786. Elle est œuvre du temps : le premier projet de mettre en musique l’Ode de la Joie est de 1792 – soit de trente-deux ans antérieurs à la rédaction définitive, et la première apparition d’un élément du thème de l’Hymne à la Joie est de 1795. On compte seulement 36 vers utilisés sur 96. On remarque dans les trois premiers mouvements instrumentaux, les réminiscences d’ouvrages antérieurs ce qui fait de la Neuvième comme un résumé d’expériences accumulées qui prépare la vision d’avenir du Finale. Le point, paraît-il, sur lequel le compositeur aurait le plus hésité : à quel moment et comment faire entendre les voix, et quelle tessiture en premier ?
Lorsque le chœur mystérieux s’élève, plus que le sens du poème, c’est la sonorité des voix humaines qui nous émeut et nous incite à nous mêler à elles, pour magnifier l’idéal d’amour d’une humanité paisible et fraternelle, participant aux joies supérieures.
La Neuvième n’est pas une simple symphonie. C’est un monument aux résonances esthétiques, philosophiques et métaphysiques telles que des heures d’analyse et au-delà, n’en épuiseraient pas toute la vigueur. On ne va pas se lancer dans l’aventure et on laissera même aux Sherlock Holmes en nombre, le soin de se lancer dans la recherche de toutes les tribulations et manipulations d’une partition et des textes de l’Ode, l’ensemble voué à ce destin exceptionnel. On se contente de citer quelques opinions dignes d’être retenues.
Comme celle de Georges Bizet en 1867 : « Beethoven se hisse par-dessus les plus grands et les plus célèbres. Sa symphonie chorale est pour moi un sommet de notre art. ce n’est certes pas Mozart avec ses formes divines, ni Weber dans sa grande et colossale originalité. Il est inégalable. » Ou encore, Claude Debussy en mai1901, tellement d’actualités plus tard : « On a fini par changer cette œuvre si grande et si transparente en un épouvantail pour célébrations officielles. Supposons que cette symphonie possède réellement un secret, dans ce cas, pourrait-elle le trouver ? Mais cela servirait à qui ? Beethoven n’était pas littéraire pour deux sous, du moins pas dans le sens que nous donnons actuellement à ce terme. Il aimait la musique avec une fierté orgueilleuse, elle était pour lui, cette passion et cette joie que la vie lui refusait si cruellement. »
Sur la Neuvième de Beethoven, des dizaines de milliers de pages ont été recouvertes d’encre et maintenant sorties des imprimantes. Mais on peut se pencher sur un élément moins mis en avant comme par exemple, l’entrée en jeu de la voix. Et c’est bien là que le génie de Beethoven triomphe. Un autre compositeur aurait probablement attaqué carrément le récitatif, puis introduit le chœur. Là n’est pas le cas. Nécessité musicale oblige, d’abord l’adagio semble se prolonger à l’infini, comme si Ludwig n’arrivait pas à s’en détacher. L’entrée du finale en prendra d’autant plus de véhémence et de mordant, et les récitatifs des violoncelles et des contrebasses plus de relief, et d’éloquence. Dès ce départ, on sent que c’est parti pour le finale des finales… Et pour l’annoncer, on va rappeler un à un les morceaux précédents. Jusqu’ici, nous sommes encore purement dans l’instrumental ; cette introduction tend, comme vers un but, vers le Thème de la Joie. Cette Joie née de la solitude et de la nostalgie. Thème que voici enfin introduit aux basses et subissant moult variations pour introduire les voix, et le Récitatif resserré et le Thème de la Joie. La voix humaine n’est jamais qu’un instrument de plus, ajouté aux autres pour intensifier cette reprise.
La sixième section dans ce Finale se présente comme une conclusion libre, d’une allure de plus en plus animée. L’expression devient exubérante et dionysiaque, hormis quelques mesures “poco adagio“ ou la « douceur » de la réconciliation universelle est traduite en d’extatiques vocalises du quatuor soliste. Cette coda échevelée comporte la première strophe, “la Joie, fille de l’Élysée“, la plus importante pour Beethoven, qui sera chantée à quatre reprises.
« À aucun moment, aucune œuvre de Beethoven ne nous laisse hésitant sur ce que telle note “veut dire“ – ce qu’elle veut dire musicalement – ni sur la place qu’elle occupe dans l’ensemble de la forme – dans l’ensemble d’une forme musicale. C’est cela qu’il faut entendre. » Entretiens sur la musique. W. Furtwängler
Orchestre national du Capitole