Alors que le nouveau roman d’Arturo Pérez-Reverte, L’Italien, retraçant brillamment un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, est paru lors de cette rentrée littéraire, on peut se plonger avec bonheur dans la riche bibliographie de l’auteur des aventures du capitaine Alatriste, vaste saga de plusieurs volumes renouant avec le souffle du roman feuilleton.
Du Club Dumas au Cimetière des bateaux sans nom en passant par la trilogie Falcó, le grand écrivain espagnol déploie ses talents de façon impressionnante. Un Jour de colère, sorti en 2008, occupe une place à part dans son œuvre.
Ni fiction ni livre d’Histoire, le livre est la reconstitution minutieuse du soulèvement de Madrid contre les troupes napoléoniennes le 2 mai 1808, soulèvement marquant le début d’une guerre qui durera six ans et qui constitue l’un des épisodes fondateurs de l’Espagne moderne.
Voici donc d’heure en heure la révolte du petit peuple madrilène rejoint par une poignée de militaires parmi lesquels les capitaines Luis Daioz et Pedro Valerde – les plus hauts gradés du soulèvement et héroïques défenseurs du parc d’artillerie. Sur 350 pages, on embroche, on éviscère, on décapite, on éventre, façon puzzle.
Le courage de ceux qui n’ont rien à perdre
Pour autant, Pérez-Reverte ne force pas sur l’épouvante et la beauté d’Un Jour de colère tient d’abord dans la peinture sans grandiloquence de ces gens de peu – hommes, femmes et enfants mêlés – portés par la soif d’en découdre et de venger l’orgueil bafoué. Ils se battent pour « Dieu, le roi et la patrie » et possèdent le courage de ceux qui n’ont rien à perdre « sauf nos familles, le peu que nous gagnons et l’honneur ».
Et ils perdront tout, sauf l’honneur. Ce livre n’a d’autre ambition que de « réunir dans une histoire collective un demi-millier d’histoires particulières consignées dans les archives et les livres », précise l’auteur dans un avant-propos en soulignant que la part de l’imaginaire se réduit « donc à l’humble tâche de cimenter entre elles les pièces du dossier ».
Mais cette précision de greffier dont il fait preuve ne gâche jamais le crépitement romanesque d’un récit dans lequel on croise anonymes et personnages que l’Histoire retiendra – tel Goya observant depuis son balcon les combats qu’il immortalisera. Enfin, on savoure le romantisme du dernier carré qui rend souvent des défaites plus belles que des victoires.