Après Bernard Plossu et Jean Dieuzaide, Christian Thorel, de la librairie Ombres Blanches, à Toulouse, poursuit son hommage aux grands photographes avec une exposition consacrée à Denis Brihat, jusqu’au 23 octobre.
On ne pouvait imaginer personnages aussi différents : l’un, hyperactif, entreprenant et mystique ; l’autre, contemplatif, solitaire et obsessionnel. Et pourtant, Jean Dieuzaide (1921-2003) et Denis Brihat (né en 1928) ont été les plus grands amis du monde. Le photographe toulousain a longtemps aidé son confrère retiré à Bonnieux, en Provence, quand le Luberon n’était pas encore le refuge chic de citadins aisés. Jean Dieuzaide nourrissait affection et fascination pour ce costaud jusqu’auboutiste qui avait quitté Paris à la fin des années 1950 pour reconstruire de ses mains une bergerie mal en point. Sa liberté, faite de rudesse et de quête d’absolu, Denis Brihat va la vivre dans un espace restreint, celui de son jardin et de la nature toute proche. L’artiste cueille ce que la caillasse veut bien laisser pousser. Il cultive aussi de quoi garnir sa gamelle. Et c’est ainsi que ses natures mortes font la part belle aux oignons, aux coquelicots ou aux chardons. Simples ingrédients d’une cuisine chimique sophistiquée où, dans son laboratoire de fortune, Denis Brihat substitue à l’argent d’un tirage noir et blanc des sels d’or, de fer, de sélénium… Ce qu’on appelle des virages font de lui un sorcier, qui prêchera longtemps dans le désert avant d’acquérir, par la grâce d’un Jean Dieuzaide opiniâtre et d’un autre ami commun, Jean-Pierre Sudre, une réputation internationale.
A l’initiative de Christian Thorel, avec le concours de Michel Dieuzaide, la galerie Ombres Blanches, à Toulouse, rend hommage au géant d’un univers en miniature. Sur les cimaises, fruits et légumes, roches, mousses et branchages s’affichent en majesté, entre douceur et tourments. A quelques mètres de là, l’espace rencontres de la librairie nous ramène à la première vie de Denis Brihat, reporter au long cours dans l’Inde du milieu des années 1950. Avant qu’au fracas du monde, le bourlingueur s’immerge dans une vie d’ermite – « photographe rural » résumant en deux phrases sa philosophie : « Je suis un homme de métier, c’est ma noblesse et j’y tiens. La belle ouvrage est de la poésie en soi ». Poésie inaltérable qui, des décennies plus tard, continue de capturer notre regard.
Exposition Denis Brihat, jusqu’au 23 octobre aux galerie et librairie Ombres Blanches (rue Mirepoix), Toulouse. En vente sur place, deux livres magnifiques : « Les métamorphoses de l’argentique » (Le Bec en l’Air, 258 pages, 58 euros) et « Les oignons de Denis Brihat » (Le Bec en l’Air, 124 pages, 42 euros) et le portfolio « Indes. 1955 » (édité par l’auteur).