Cette saison marque le début d’une nouvelle ère au Théâtre du Pavé. Après une vingtaine d’années à tenir les rênes, Francis Azéma a quitté la direction, laissant la place à Lucie Roth. La jeune femme de 28 ans, davantage habituée au rôle de comédienne, a repris le flambeau, insufflant un vent de nouveauté, tout en conservant l’esprit du lieu culturel. Rencontre.
Culture 31 : En juin dernier, à seulement 28 ans, vous avez été nommée directrice artistique du Théâtre du Pavé. Un lieu dans lequel vous jouez depuis des années. Comment décririez-vous votre lien avec ce théâtre ?
Lucie Roth : C’est un très vieux lien, puisque je suis née dans le quartier. J’y suis allée avec l’école, le collège… C’était un peu le théâtre de quartier d’à côté. Puis j’ai toujours su que je voulais faire du théâtre, donc j’ai étudié au Conservatoire. Et tout en étudiant au Conservatoire, j’étais bénévole au Théâtre du Pavé. Par la force des choses, j’ai toujours tourné autour de ce théâtre. Après le Conservatoire, j’ai fait trois ans d’école supérieure en dehors de Toulouse, à Agen. En revenant, j’ai intégré la troupe du Pavé. À ce moment-là, on a monté «Marius» et «Fanny», qui ont super bien marché. Derrière, on a été motivés à faire plein de choses. En parallèle, comme je n’avais pas de structure, j’ai commencé à faire des formations à droite à gauche, et je les organisais avec le Pavé, donc je me suis de plus en plus impliquée dans la vie du théâtre.
Vous parlez de « Marius » et « Fanny » de Marcel Pagnol. Des spectacles locomotives que vous arrêtez cette saison. Quel a été le leitmotiv dans la mise en place de la programmation ? Le renouveau ?
En fait, il y a eu beaucoup de choses. Si on prend la saison dernière par exemple, il y avait une vingtaine de spectacles, et là, il y en a 49 au total, pour à peu près le même nombre de représentations. L’organisation change, c’est un test. L’idée est de faire jouer le spectacle moins longtemps pour voir si ça remplit. Il y a notamment des spectacles qui ne seront joués qu’un soir. Ça permet aussi de proposer une grande variété de pièces. On a aussi décidé de s’ouvrir à d’autres compagnies, d’autres artistes, d’autres disciplines, etc. Il reste tout de même beaucoup de théâtre et de spectacles à thème. Mais on essaye de s’en éloigner un peu pour emmener le public ailleurs.
Vous resterez tout de même fidèle à Pagnol cette saison en proposant, fin janvier, « L’eau des collines ».
En effet, cette saison est un peu hybride, parce que Francis avait déjà programmé une quinzaine de spectacles, avant son départ en février. Il y en a certains que je n’ai pas vu, et que je vais découvrir en même temps que les spectateurs. Je me suis dit que, ce n’est pas parce que j’arrive, que je dois enlever le travail qui a été fait. Donc j’ai gardé ce bout de la programmation, et «L’eau des collines» en fait partie. Je connais quand même la compagnie, qui est assez connue dans le monde de la marionnette et du théâtre d’objets. Et je trouve ça bien qu’il y ait encore du Pagnol pour les habitués.
Le changement de direction s’illustre davantage avec le début de saison, puisque vous avez accueilli le festival Les soirs bleus. Une entrée en matière qui tranche avec les habitudes du Pavé.
On voulait vraiment rendre le théâtre accessible. Par exemple, l’idée était que les gens qui appréhendent un peu le théâtre viennent pour le marché de créateurs organisé le premier jour, et découvrent le Pavé de cette manière. Une fois cette barrière passée, ils auront peut-être envie de revenir pour une pièce. Je voulais vraiment aller chercher d’autres publics et faire profiter de notre espace extérieur. On a quand même une guinguette en plein milieu d’un quartier où il n’y a pas beaucoup de bars, autant en profiter !
Vous avez également effectué votre première soirée de lancement de saison à travers ce rôle de directrice artistique. Comment s’est passé ce traditionnel rendez-vous de rentrée avec le public ?
C’était super bien ! C’était même complet de chez complet. Il y avait du monde sur les marches. J’avais envie de présenter la saison moi-même et non de proposer un temps long pendant lequel chaque artiste vient parler de son projet sur scène. Donc, avec l’équipe du Pavé, on était tous sur scène et on a pris en charge cette présentation. C’était un gros sprint étant donné qu’il y a 49 spectacles et que je ne voulais pas que ça dure plus d’une heure et demie ! J’étais assez contente de ce que ça a donné, de parler de ce que j’aimais, on était dans un rapport assez simple avec le public.
Au sein de cette riche programmation, tout au long du mois de mars, les spectateurs pourront découvrir une série de seules en scène. C’était important pour vous de mettre en lumière des spectacles écrits et interprétés par des femmes ?
Oui, c’est très important pour moi. Mais ce qui est amusant, c’est qu’il y a eu un hasard de programmation ! C’est lorsque l’on a mis toute la programmation à plat que l’on s’est rendu compte qu’il y avait cinq seules-en-scène. C’était une coïncidence. On les a regroupés pour leur donner plus de visibilité, etc. On est très contents qu’il y ait ce temps fort dans l’année. Il y en a qui parlent du métier de comédienne, d’autres du rapport au corps… C’est un éventail hyper large, avec, à chaque fois, une comédienne qui interprète un texte qu’elle a écrit.
Finalement, quel est le mot d’ordre de cette saison ?
L’ouverture, et surtout l’accessibilité.
Quel message aimeriez-vous faire passer au public, principalement composé d’habitués ?
Je les connais, on se connaît, et c’est chouette pour eux aussi. Sans changer de lieu, ils vont avoir un changement interne de programmation, ce qui va leur permettre de découvrir autre chose. Ce n’est pas non plus une rupture à 100%, ni même une continuité à 100%, c’est un entre-deux. C’est l’occasion pour eux de se laisser surprendre.
Propos recueillis par Inès Desnot