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Orchestre national du Capitole • Requiem de Fauré

by Bruno del Puerto

Au vu du programme de ce concert, fort judicieusement pensé, il faudra bien trois dates pour assouvir la demande. Ce sera le 9, le 10 et le 11 octobre, attention, à 20h 30 pour s’imprégner de l’œuvre maîtresse de la Musique Religieuse Française, ce sommet que constitue le Requiem de Gabriel Fauré, dans cet écrin exceptionnel que constitue la Basilique. Sans oublier la création mondiale de Thierry Escaich intitulé Towards the Light.

Orgue de la Basilique Saint-Sernin © Toulouse Tourisme
Orgue de la Basilique Saint-Sernin © Toulouse Tourisme

Le chef, familier des concerts de l’Orchestre national du Capitole est le japonais Kazuki Yamada qu’on ne présente plus, si souvent applaudi à la Halle. Le Chœur de l’Opéra national du Capitole étant submergé en ce moment, nous écouterons le Chœur Philharmonique de Tokyo. La version choisie pour le Requiem exige une soprano, ce sera la japonaise Maki Mori, et le baryton, Florian Sempey.

Le concert débutera avec une pièce de Claude Debussy intitulé Petite Suite. Au départ, c’est une œuvre pour piano à quatre mains qui a fait l’objet avec deux autres d’une transcription orchestrale, une œuvre de jeunesse, datée de 1889 et dont la transcription fut réalisée par Henri Büsser en 1907. Elle apparaît comme une suite chorégraphique en quatre épisodes brefs. Œuvre charmante, très riche de sonorités dans l’écriture pianistique où sans cesse on évoque la flûte, le cor, la harpe, les pizzicati, …d’où l’évidente transcription.

Thierry Escaich © Marie Rolland
Thierry Escaich © Marie Rolland

Viendra le Requiem pour soprano baryton, chœur, orchestre et orgue mais avant, quelques mots sur la création mondiale qui va clore le concert. Son écriture par le compositeur, organiste et pédagogue Thierry Escaich a demandé une étude, évidemment pas étrangère à celle de la transcription d’Henri Büsser mais plus encore de l’effectif orchestral de la version choisie pour le Requiem. Et, et ce n’est pas anecdotique, si le Lux Aeterna est absent dans l’ouvrage de Fauré, c’est justement la pièce centrale de Thierry Escaich : Towards the Light (Vers la lumière), sorte de grande arche en trois mouvements. Des textes seront chantés en trois langues, soit le latin d’abord mais aussi en français et en anglais. En un mot, tout se tient !

Gabriel Fauré
Gabriel Fauré vers 1889 : huile de Sir John Singer Sargent © Musée de la Musique Paris

Né à Pamiers, le 12 mai 1845, petit-fils de boucher et fils de fonctionnaire du ministère de l’Instruction, Gabriel Fauré obtient une bourse pour partir à Paris, à 9 ans, intégrer l’École Niedermeyer, École de musique classique et religieuse qui forme chef de chœur et maître de chapelle. Il la quitte en 1865 après avoir obtenu les prix de piano, d’orgue, d’harmonie et de composition. Il s’en va avec quelques œuvres vocales, notamment le réputé Cantique de Jean Racine que les connaisseurs rapprochent de Pénélope, ouvrage entendu il y a peu au Théâtre du Capitole. Un Cantique bientôt suivi du grandiose Psaume 136 Super Flumina Babylonis écrit pour chœur mixte et orchestre par un Fauré de 18 ans en 1863. Et Nabucco de Verdi a été créé à Paris en 1845! D’autres compositions vocales pour musiques de scène ou non vont suivre comme les Djinns (œuvre orchestrale avec chœur, première page orchestrale de sa jeunesse), le Ruisseau, la Naissance de Vénus, les chœurs de Caligula et des œuvres religieuses comme Messe brève, Tantum ergo, Ave Maria, Tu es Petrus, ….

La Tribune des chantres - Luca della Robbia (détail) 1435
La Tribune des chantres – Luca della Robbia (détail) 1435

Dès sa sortie de l’École, il sera nommé organiste dans des lieux de plus en plus importants et prestigieux pour arriver en 1877, Maître de chapelle de l’Église de la Madeleine. En même temps, il se passionne pour la musique de chambre. C’est en 1886, peu après la mort de son père qu’il écrit sa Messe de Requiem, qui deviendra un des sommets de sa production, à l’aspect rigoureusement liturgique. C’est en 1888, le 16 janvier, la première audition à la Madeleine sous sa propre direction pour les cinq premiers numéros. Cette première version ne comportait qu’un effectif orchestral plutôt réduit : altos, violoncelles, contrebasses, un violon solo, une harpe, l’orgue et trois trombones. La version mise en avant maintenant est plus étoffée et ne fut transcrite par Fauré qu’en 1899-1900. On la date au 21 janvier 1893.

« Mon Requiem, on a dit qu’il n’exprimait pas l’effroi de la mort. Quelqu’un l’a appelé une berceuse de la mort, mais c’est ainsi que je sens la mort, comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur d’au-delà plutôt que comme un passage douloureux. » – Gabriel Fauré

Kazuki Yamada © Zuzanna Specjal
Kazuki Yamada © Zuzanna Specjal

Se succèderont : Introït et Kyrie – Offertoire – Sanctus – Pie Jesu – Agnus Dei – Libera me – In Paradisum.

Ce Requiem, « doux comme moi-même » dixit Fauré, affecte la forme d’un cheminement. Il parcourt en quelque sorte toute la semaine des Sept Repons des Ténèbres. Il n’est qu’intimité, profonde intériorité et pureté. Il se divise d’ailleurs en sept parties. L’Introït et le Kyrie, précédés d’une Introduction pour l’ensemble vocal, et dont le thème sera réentendu plusieurs fois dans le courant de l’œuvre, nous conduisent à un Offertoire expressif et très développé. Surveillez l’imploration O Domine, amorcée par les alti et les ténors, puis reprises par les alti et les basses, s’élève chaque fois d’un ton, pour être ensuite traitée en « canon ».

Après la transition de l’Hostias (offrande pour les défunts) le thème de l’O Domine est repris en « imitation » par les différentes voix. Puis, un Sanctus, sans déchaînement aucun mais plutôt une tendre atmosphère, comme une vision éthérée du paradis.

Maki Mori ©Yuji Hori
Maki Mori ©Yuji Hori

L’émouvant et expressif appel du Piu Jesu précède les trois invocations successives du doux Agnus Dei. Revient le requiem æternam de l’Introït, qui sera suivi du Libera me, clamé par le baryton solo et où s’insinue le verset : Tremens factus sum ego, confié à l’ensemble vocal.

Florian Sempey
Florian Sempey

L’In Paradisum de conclusion est bien l’une des plus parfaites traductions sonores de l’envol d’une âme. Un Requiem d’une remarquable densité de forme et de fond composé par un musicien agnostique ! « Une œuvre absolument unique en son genre. Le grand mérite philosophique de cet admirable adieu à la vie réside dans sa sensibilité et sa modestie. Fauré a su regarder la mort en face, en prenant le recul nécessaire pour assigner à notre dernier soupir la modeste place qu’il doit occuper dans l’impitoyable harmonie de l’univers. » Émile Vuillermoz.

Le concert sera diffusé prochainement sur Mezzo, medici.tv et NHK. L’œuvre de Thierry Escaich est une co-commande de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, de l’Orchestre de Paris et de The Svetlanov Legacy Charity

Michel Grialou

Orchestre national du Capitole
09 – 10 – 11 octobre 2024
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