Depuis 2018, Inès Pech travaille sur un solo à la fois personnel et universel. Avec « Neiges rouges », présenté prochainement au Grenier Théâtre et au Théâtre du Pavé, la comédienne toulousaine a trouvé cet équilibre. À travers trois personnages qui racontent des étapes différentes de sa vie, elle met en exergue les contradictions de l’humain. Rencontre.
Trois personnages, trois corps, trois âges. Tel est le point de départ de « Neiges rouges », spectacle écrit et interprété par Inès Pech. Ce projet, ficelé par la compagnie Les Doulargots et co-mis en scène avec Lise Laffont, présente une enfant, une adolescente et une femme enceinte. Ces différents personnages féminins sont des bribes de l’histoire d’Inès Pech elle-même. Chacun d’eux représente une étape charnière de la vie. « En 2018, j’avais cette envie de faire un seule en scène. J’avais plein de fragments de souvenirs de quand j’étais petite. Je suis aussi passée par l’anorexie quand j’étais ado, et j’ai pensé à cette confrontation de regards sur soi. Après, le hasard de la vie a fait que je suis tombée enceinte. Je cherchais une triangulaire là-dedans », relate la comédienne toulousaine.
Le corps, un élément central
Ce récit initiatique prend le corps pour appui, et plus particulièrement ses transformations au fil du temps. « La petite fille a envie de dévorer la vie, elle idéalise le fait de grandir. Du côté de l’adolescente, il y a ce refus de grandir, ce bras de fer avec le corps. Ensuite, quand on est enceinte, on porte la vie, et le corps devient un sanctuaire », détaille Inès Pech. De la même manière, « Neiges rouges » narre l’évolution de notre perception du monde tandis que les personnages se heurtent à des petits riens qui peuvent faire beaucoup. Ce cheminement inéluctable à travers la vie est le fil rouge du spectacle. Grandir, et tout ce qui va avec, est le fondement.
Poésie et cruauté
Le spectacle est donc un essaim de contrastes et de contradictions. Le bruit, le silence. Des réflexions tendres, des pensées amères. Mettre au monde un enfant, en être un… « Neiges rouges » promène le spectateur d’une extrémité à une autre, à travers des expériences de vie universelles. « Les contradictions définissent beaucoup ce que l’on est. En plus de ça, dans l’écriture, j’aime beaucoup la confrontation entre poésie et cruauté. Grâce à ça, on peut s’éclater en tant qu’autrice mais aussi en temps que comédienne, parce que la vie, c’est ça », confie Inès Pech.
Des sons ultra-immersifs
Ces confrontations ainsi que l’aspect très corporel du récit se ressentent dans les différents choix artistiques de la compagnie. « Les premières années, j’ai pensé à 15.000 mises en scène, ça partait dans tous les sens dans ma tête. Par contre, j’avais des idées précises de scénographie et d’ambiance musicale. On a bossé avec Élodie Milo, qui est une super musicienne et comédienne qui habite à Paris », mentionne Inès Pech. L’aspect sonore détient en effet une place centrale. Par moment, le public se retrouve presque à l’intérieur d’un corps. Pour créer de telles immersions, Élodie Milo a enregistré des choses comme des mastications ou son flux sanguin.
Au fil de l’eau
Au-delà du son, « Neiges rouges » regorge de métaphores visuelles et métaphysiques. Il y a d’ailleurs un flux continu autour de l’eau. « La petite fille est associée à la goutte, l’ado à la neige qui craque, et la femme enceinte à cette idée qu’elle va perdre ses eaux. Tandis que l’ado voudrait perdre ses os. Il y a toute cette chose autour du liquide, qui est très intime et reliée au féminin », explique Inès Pech. Ces éléments se retrouvent dans le décor, composés de tubes, fabriqués avec Hugo Sagot. Cet environnement scénique a été pensé à mi-chemin entre une cage à poules et un circuit de plomberie. Ainsi, l’équipe a créé une cohérence avec le texte et la musique.
Pourquoi « Neiges rouges » ?
Le côté aqueux transparaît une fois de plus dans le titre de la pièce, avec cette référence directe à la neige. Pourtant, au début, le titre était « Prêtes », parce que la femme enceinte se demande continuellement « Quand est-ce qu’on est prête ? ». La seconde option était « Le fracas des eaux », mais Inès Pech trouvait cette option trop sombre. La troisième idée fut la bonne, avec « Neiges rouges ». Et cette idée enneigée ne sort pas de nulle part.
« La pièce commence par cette petite fille qui regarde la neige tomber dehors et on revient sur cette image à la fin de la pièce, car sa mère lui dit que la neige ne tiendra pas. Une cassure intérieure naît très progressivement après avoir entendu cette phrase, un peu comme de la neige qui gèle à l’intérieur de son corps », développe la comédienne. La couleur rouge évoque quant à elle la violence et les confrontations mentionnées précédemment.
Une démarche jusqu’au-boutiste
La jeune compagnie Les Doublargots présentera ce projet du 26 au 28 septembre au Grenier Théâtre ainsi que les 15 et 16 mars au Théâtre du Pavé. Un « accouchement » pour Inès Pech. L’aboutissement idéal de cette aventure avec « Neiges rouges » serait, selon la comédienne, de pouvoir organiser des ateliers avec des adolescents. Et plus particulièrement de permettre à des jeunes de s’exprimer. Globalement, Les Doublargots ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. La compagnie devrait s’inscrire avec pérennité dans le paysage théâtral toulousain.