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Didon et Énée d’Henry Purcell • Opéra national du Capitole

by Bruno del Puerto

Didon et Énée ou mourir d’aimer

Une seule représentation au Théâtre du Capitole, en version concert, pour le premier et le seul, pratiquement, opéra anglais du XVIIè siècle, le Didon et Énée d’Henry Purcell. Ce sera le lundi 7 octobre à 20h, et sans entracte. Il est chanté en anglais et dirigé par Stefan Plewniak. Didon est interprété par Sonya Yoncheva et Orchestre et Chœur sont de l’Opéra Royal de Versailles auquel certains membres de la distribution appartiennent aussi.

Sonya Yoncheva © Gregor Hohenberg / Sony Classical

Le rôle-titre est chanté par la soprano bulgare Sonya Yoncheva, encensée depuis son apparition sur scène pour toutes les qualités de son timbre, sa virtuosité jusque dans l’extrême aigu, l’insolence d’une projection puissante. Si elle vous précisait au sujet de ses capacités, elle vous dirait : « Ma voix peut aller dans toutes les directions, de la musique baroque aux grands rôles tragiques de l’opéra romantique sans oublier le bel canto. » Mais encore, c’est une interprète qualifiée “de tempérament“, n’est-il pas ? « Je suis une grande amoureuse. Sur scène je chante avec ma vie, mes hormones, mon corps, mes cellules. Mais s’il faut choisir, je n’épouserai pas ma voix ! » C’est Didon, à coup sûr. On attend un “When I am laid “ d’anthologie !

Henry Purcell
Henry Purcell, vers 1680, peintre anonyme

Tiré du Livre IV de l’Éneide de Virgile, le livret de Nahum Tate n’a pas été traité en totalité par le musicien, d’où une certaine rapidité dans la progression dramatique ce qui n’empêche pas l’ouvrage d’être considéré comme l’un des opéras les plus parfaits dans le répertoire tout en demeurant aujourd’hui encore comme l’un des plus énigmatiques. Quand fut-il donc créé et où et pour qui ? dans quelles conditions ? En 1689 ? On parle toujours d’un pensionnat de jeunes filles de Chelsea, analogue à la maison de Saint-Cyr, créée en France par une certaine Madame de Maintenon. À y regarder de plus près, certains défendent le fait que l’écriture des airs, des parties de chœur, les partitions pour instruments, tout semble composé pour de jeunes musiciennes. Même Énée serait comme gommé ! N’était-ce pas plutôt à la cour de la reine Mary II et de son mari, William III d’Orange comme semble le suggérer le Prologue ?

Le manuscrit de Purcell ayant disparu et la partition la plus ancienne datée du milieu du XVIIIè (1740 ?) étant incomplète et ne mentionnant pas l’orchestration, toutes ces lacunes laissent le champ libre aux interprètes les plus inspirés et ce, avec une marge de manœuvre certaine. On n’oublie pas qu’au départ, Dido and Æneas est un masque. Et le masque à l’origine, au XVIè siècle, c’est un divertissement princier comprenant des danses, de la poésie et des chants exécutés par des amateurs de haut rang costumés et masqués. Il connut son apogée au XVIIè où s’introduisant au théâtre, il annonce à n’en pas douter l’opéra. Dans Didon et Énée, le chœur, à l’instar de la tragédie grecque, commente l’action et y prend part. Cette importance accordée au rôle dramatique du chœur, sans équivalent dans l’opéra français, montre combien Purcell et son librettiste Tate étaient fortement influencés par la tradition chorale du masque.

Didon Et Énée
Rencontre

Il n’empêche qu’en un plus d’une heure, le spectateur vit l’essentiel de la tragédie de Didon, son amour impossible la conduisant à rompre elle-même avec Énée. Et, ne voyant qu’une seule issue à sa passion, la mort. La présence des sorcières par exemple, que Virgile ignorait, répond sûrement davantage au goût pour les effets scéniques en usage à l’époque, avec les tonnerres et éclairs chassant les furies et, parmi les nuages, les amours veillant au repos de Didon. Le public anglais le découvrira en 1700 à Londres dans une interpolation musicale d’une œuvre de Shakespeare sous le titre The Loves of Dido and Æneas. Œuvre majeure après l’Armide de Lully (1686) et exacte contemporaine au théâtre de l’Esther de Racine, Didon et Énée est complètement adopté de nos jours et reconnu comme un des sommets du classicisme musical européen.

Sachons qu’Henry Purcell fut un compositeur prolifique, dont on ignore la véritable date de naissance, 1658 ? qu’il mourut un 21 novembre 1695, d’où une vie relativement courte, soit comme Mozart, 36-37 ans ? Il meurt alors que sa renommée a à peine franchi la Manche. Le musicien n’est pas voyageur. Mais on peut remarquer que le jeune homme n’a pas encore vingt ans alors qu’il a déjà exercé au moins cinq métiers de la musique : choriste, instrumentiste, copiste, conservateur des instruments royaux et compositeur, ce dernier dont il sera le plus illustre représentant de l’histoire musicale anglaise. En quelques années, il fournira à l’église d’Angleterre assez de richesses pour l’élever jusqu’aux cieux.

Manetti
Manetti

Quelques éléments sur le livret, sans garantie par rapport à celui que vous pourrez suivre le 7 octobre pour ce véritable “opéra de chambre“.

Prologue (il peut ne pas être donné) : allusion allégorique au couronnement de William III et de Mary II. Il met en scène Phoebus et Vénus adorés par des divinités marines. Les nymphes et le Printemps se joignent à cet hommage tandis que des bergers chantent les tourments de l’amour. La musique originale ne nous est pas parvenue.

Acte I – Le palais. Belinda, sœur et confidente de Didon, chanté par la soprano Sarah Charles et le chœur tentent de persuader Didon chanté par la soprano Sonya Yoncheva de son bonheur et de celui de Carthage dont elle est reine. La reine, alors veuve, ne peut s’associer à leur enthousiasme : elle souffre d’un amour qu’elle n’ose révéler, craignant qu’il ne soit pas accepté. Belinda loue les origines, les hauts faits et les mérites d’Énée, réfugié dans leur palais, puis, aidée de la Deuxième Dame ou Suivante chanté par la soprano Lili Aymonino et du chœur, essaie de convaincre Didon qu’il l’aime.  Énée chanté par le ténor Halidou Nombre survient et déclare son amour pour Didon. Tous célèbrent le triomphe de l’amour.

Acte II. Scène 1. La caverne. Avec les sorcières qu’elle a fait apparaître, et chantées par les sopranos Pauline Gaillard et Yara Kasti, l’Enchanteresse, chantée par le jeune ténor hongrois Attila Varga -Tóth dit sa haine pour Didon et trame un horrible complot. Les sinistres créatures provoquent d’abord un orage afin de gâcher la partie de chasse des deux héros.

Scène 2. Le bosquet. Les sombres projets de l’Enchanteresse deviennent réalité. Sous l’apparence de Mercure, elle ordonne à Énée de quitter Carthage au plus tôt. Les ordres de Jupiter sont péremptoires et l’Esprit (Arnaud Gluck) lui intime de suivre les ordres jupitériens. Énée rebâtira en Italie la Troie déjà détruite (la Rome en devenir). Ce dernier, toutefois, déclare préférer mourir que l’abandon de Didon.

Acte III. Les bateaux. C’est le sommet de l’œuvre. Encouragés par les sorcières, et par l’Enchanteresse qui souhaite le naufrage d’Énée et la ruine de Carthage, les marins préparent le départ. Didon pleure sur son malheur. Elle reproche à Énée son hypocrisie alors qu’il envisage une deuxième fois de renoncer au voyage que Jupiter lui impose. Énée parti, la reine désespérée se résout à mourir.

Roi et Reine
Roi et Reine

Créée en 2023, l’Académie de l’Opéra Royal a pour but de former et d’accompagner de jeunes interprètes, chanteurs et instrumentistes, spécialistes de musique baroque et notamment du style spécifique de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles. Des masterclass et des expériences professionnelles sont proposées, encadrées par les meilleurs artistes intervenants régulièrement à Versailles. Pour cette première promotion, c’est une version « royale » de la célèbre Didon et Enée de Purcell qui sera mise en espace dans la Galerie des Glaces, permettant d’entendre ces jeunes artistes à leur meilleur, mais aussi d’en retrouver certains sur la scène de l’illustrissime scène du Théâtre du Capitole pour ce même Didon et Énée.

Michel Grialou

Opéra national du Capitole
lundi 07 octobre 2024
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