Le premier long de la réalisatrice suédoise Johanna Pyykkö est une longue immersion dans la psyché d’une jeune femme au talent de manipulatrice exceptionnel.
Elle s’appelle Ebba, fait des ménages un peu partout dans le port d’Oslo et vit au sous-sol d’une riche demeure dont les propriétaires, partant en vacances, lui confient les clés. Depuis la terrasse de la maison, elle peut ainsi voir les luxueux jardins alentours dans lesquels des jeunes de son âge font la fête…
Rentrant un soir de son travail, elle vient en aide à un homme d’une beauté fulgurante, blessé à la tête et quelque peu désorienté.
Réalisant rapidement quel jouet il peut devenir entre ses mains, Ebba l’emmène dans ladite demeure dont elle se déclare l’occupante. Le jeune homme en question est frappé d’amnésie. Elle lui dit qu’il s’appelle Julian et, surtout, qu’elle est sa petite amie.
Nous entrons alors dans un chassé-croisé vénéneux entre une manipulatrice dont les buts sont plus clairs que nets et un homme perdu qui tente de retrouver sa mémoire.
Creusant au passage les réalités de la fracture sociale de son pays, la réalisatrice scanne littéralement les états d’âme d’une jeune femme prête à tout pour satisfaire ses fantasmes.
Navigant sinueusement entre rêve et réalité, l’histoire, développant un vrai suspense en définitive, est portée par deux acteurs inconnus débutants, la Norvégienne Camilla Godo Krohn, Ebba d’une troublante toxicité, et par le Bulgare Radoslav Vladimirov, Julian sculptural cherchant désespérément une reconnexion à son passé. Quitte à le condamner…
Si ce film n’est pas totalement abouti, il n’en demeure pas moins un objet fascinant, aux mille interprétations (l’histoire n’est-elle pas un simple rêve éveillé ?) illustrant à merveille le cinéma nordique actuel, dans toute sa complexité et ses ambitions.