Si Huit et demi, sortie en 1963, n’est pas le premier film sur un film en train de se faire, il est devenu la référence ultime de cette mise en abîme. On y suit Guido Anselmi, un cinéaste en pleine crise existentielle et artistique, qui travaille sur son prochain projet tout en tentant de se ressourcer dans une station thermale.
Sans cesse sollicité par ses producteurs, ses collaborateurs, ses acteurs, ses amis, le réalisateur se réfugie dans ses rêves, ses souvenirs, ses visions, ses fantasmes… Il retrouve ses parents disparus, les femmes de sa vie s’invitent dans la ronde. A la pesanteur de la réalité, il répond en défiant les lois de l’apesanteur.
Trois ans après La dolce vita, Federico Fellini retrouve Marcello Mastroianni et en fait son double fictionnel dans cette méditation poétique et autobiographique. Ici, la logique, la raison, le réalisme sont congédiés au profit d’« une suite d’épisodes gratuits » (selon l’expression du personnage de critique cinématographique énonçant à l’avance les griefs que certains pourraient adresser à Huit et demi…).
A travers lui, Fellini se moque de l’intellectualisme et son film – en dépit des audaces tant formelles que narratives – incarne un cinéma des sens et de la mémoire
Esprit d’enfance
De fait, la beauté et la magie des plans, le somptueux noir et blanc, le charisme des comédiens, la bande originale de Nino Rota (l’une des plus belles et célèbres musiques de l’histoire du cinéma) distillent un envoûtement peu commun. On n’oublie pas les nombreuses figures féminines (Anouk Aimée, Claudia Cardinale, Sandra Milo, Barbara Steele…) accompagnant une promenade – tour à tour cocasse, émouvante, satirique – où les vivants côtoient les morts.
Avec ce vrai-faux autoportrait, le réalisateur italien créa un monde où tout est possible. Nulle surprise donc que son œuvre ait puissamment influencé Woody Allen (dont Stardust Memories est une déclinaison de Huit et demi) Emir Kusturica, Paolo Sorrentino et tant d’autres.
Voici une magnifique déclaration d’amour à la vie et au septième art témoignant d’une fidélité à l’esprit d’enfance qui constitue le cœur vibrant de l’univers fellinien.
> LES FILMS QU’IL FAUT AVOIR VUS