L’écrivain toulousain, dont on pourra découvrir le 21 août prochain le nouveau roman, Les grandes patries étranges, se singularise notamment par sa faculté à ne pas se répéter, à changer de motifs et d’univers.
Ainsi, dans Réelle paru en 2018, il se glissait dans la peau d’une jeune fille ordinaire au début des années 1990. Johanna Tapiro a treize ans et a grandi dans une famille de Français moyens à la périphérie d’une ville de province. Avec sa meilleure amie Jennifer, elle va connaître les premières soirées, les premiers garçons. Elles aiment les chanteuses, les actrices, les gens qui passent à la télévision. Elles voudraient approcher, partager ce mode de vie enviable.
Que ne donneraient-elles pas pour rencontrer Ophélie Winter, participer aux concerts des Enfoirés, avoir leurs photos dans la presse people ?
Les deux copines postulent pour participer à l’émission de télévision « Graines de star » en envoyant leurs candidatures par Minitel. Seule celle de Johanna est retenue, mais elle ne franchira pas les sélections suivantes. Retour au réel. Il faut être vendeuse ou caissière, enchaîner les petits boulots, en attendant de « trouver mieux ». Cependant, huit ans après l’échec à « Graines de star », Johanna est contactée par une société de production pour participer à une émission de télévision d’un genre nouveau : seize candidats seront enfermés dans un loft et filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre…
La vie est une fête
Réelle n’est pas un roman à thèse sur la téléréalité, mais cerne l’époque où la célébrité va devenir l’une des valeurs premières tout en paraissant être accessible à tous. Or, ce nouveau monde est sans pitié. L’envie, la jalousie, l’humiliation, la bêtise, la vulgarité sont les carburants de spectacles sacrificiels sur fond de ricanements. Dans ce commerce de représentations falsifiées, de nouveaux profils naissent, tel l’animateur Lestrada propulsé au rang de vedette absolue : « Au début, ce fut difficile. L’emploi consistait à relever des défis pour une émission du câble, être en string, tomber d’une échelle et une fois par semaine se promener nue dans les rues de Paris en répétant : « La vie est une fête ! La vie est une fête ! » ». Johanna, manière de Cendrillon moderne, obéit à un profil plus ancien, voire éternel. Celui d’une jeune fille confrontée à ses illusions perdues sans que celles-ci ne cèdent la place à la rancœur ou au cynisme. La vie continue. Plus simple. Et plus digne.
Réelle • éditions de l’Observatoire