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Pyrénées vagabondes de Jacques Verdier

by Anthony del Puerto

Beaucoup se souviennent de Jacques Verdier, décédé en 2018 à l’âge de soixante-et-un ans, comme un amoureux du rugby, sport qu’il honora en tant que directeur de Midi Olympique et à travers de nombreux ouvrages. Mais ce Toulousain d’adoption, natif de Saint-Gaudens et sudiste dans l’âme, ne se contenta pas d’écrire sur le ballon ovale.

Auteur de trois romans, il publia également, quelques mois avant sa disparition, un très beau récit, Pyrénées vagabondes, en forme de chant d’amour et d’évocation nostalgique.

Jacques Verdier

A travers sa « traversée des Pyrénées, du Pays basque à la Catalogne », il revisitait les lieux et les figures incontournables (Cauterets, Vignemale, Luchon, Canigou, Gavarnie… ) d’une géographie autant universelle qu’intime. Son terrain d’investigation et de promenade mêlant légendes, choses vues ou rêveries, Jacques Verdier excelle dans des portraits inspirés par ses rencontres avec des êtres – bergers, paysans, promeneurs, secouristes… – dont beaucoup sont de ces «gens de peu» salués par Pierre Sansot. Il saisit une humanité fragile, taiseuse, humble, sans doute blessée, mais avec discrétion. Les animaux (sangliers, vautours, isards, chouettes, brebis, ânes, ours ou chiens) ne sont évidemment pas absents dans cet album de mots et de sensations.

En passionné de montagne, Verdier en connaissait les dangers : orages, avalanches, chutes… Il pratiqua la randonnée avant qu’elle ne soit une mode, le ski avant qu’il ne devienne une industrie des loisirs. Son goût de la nature se nourrit entre les lignes de silence et de solitude plutôt que d’enthousiasmes grégaires et s’il salue les grands écrivains ayant évoqué les Pyrénées (Hugo, Flaubert, Sand), c’est plutôt du côté de Giono et de Genevoix que sa plume lorgne.

Mélancolie sans affectation

De fait, l’auteur ressuscite le « temps suspendu de l’enfance », le souvenir des braises que l’on glissait dans les lits pour les réchauffer, le souvenir des veillées : « Toutes les maisons de ce village du piémont pyrénéen avaient le même rituel. Et toutes les familles, amis, voisins, se retrouvaient le soir venu, l’été, sur le devant de la porte, l’hiver, dans ces cuisines immenses où flambait un feu de cheminée, à évoquer un quotidien sans prétention. On me dit que les deux grandes guerres du XXe siècle n’y changèrent rien. Le besoin de se retrouver et de se comprendre y était plus fort. La coutume durait depuis des siècles. La télévision seule, à la fin des années 1960, mit un terme à ces veillées d’autrefois. J’en fus le témoin désorienté, un peu nostalgique. En 2017, c’est à peine si les voisins se saluent dans la rue. Le wifi est entré au village et je connais des hommes qui se marient désormais via des sites de rencontres. »

La modernité est passée par là. Verdier déambule dans des villages fantômes où se côtoient toits crevés, éboulis de pierres et églises démolies. Un paysage de désolation comme si les habitants avaient fui une guerre ou une épidémie. D’où une mélancolie sans affectation qui fait aussi le prix de ce texte : « J’appartiens à une génération agonisante, dont les repères, les valeurs, les goûts même, disparaissent dans l’oubli et l’indifférence, par une nuit sans lune. Et il en va de ces montagnes comme de mes écrivains ou cinéastes préférés. Aucune fierté donc à rendre compte d’une terre aimée ! Tout cela sent la bouse de vaches, le repli chagrin, la monotonie du temps. Mais vous, qu’une minute d‘égarement, comme disait Blondin, met dans le cas d’avoir à me lire, vous que ce livre a peut-être tenté, vous qui aimez les Pyrénées, peut-être arriverez-vous à me comprendre ? »

Christian Authier

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Pyrénées vagabondes –  Privat

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