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Les paradis latins • Fondation Bemberg

by Bruno del Puerto

« Le tango-image du chilien Paz Errázuriz, né en 1944, sans parole, ni musique, ni mouvement, comme congelé {…}, affirme l’authenticité de la représentation d’une représentation. » Enrique Lihn . Cette photo fera le tour du monde.

Tango 1987 Paz Errázuriz
Tango – 1987. Paz Errázuriz

Pour sa première exposition temporaire depuis la réouverture après travaux, la Fondation Bemberg, son Président Alfred Pacquement et sa directrice Ana Debenedetti présentent Les paradis latins : étoiles sud-américaines jusqu’au 3 novembre 2024. C’est aussi une Première dans le choix d’une expo-photo de deux cents œuvres photographiques puisées dans une collection privée, celle du Prince Stanislas et de la Princesse Leticia Poniatowski. Une collection démarrée à partir d’une poignée de tirages de Martín Chambi (1891-1973), légendaire photographe péruvien et adepte du pictorialisme. Ce choix embrasse plus d’un siècle de photographies latino-américaines, de 1910 à 2023. Axé sur toutes les contrées de cette partie du continent, du Mexique à la Terre de Feu, ce fonds est élaboré par Alexis Fabry, commissaire de l’exposition. C’est au long des vingt dernières années qu’au cours de nombreux voyages, il le constitue et dans lequel se pressent célébrités glamoureuses et flamboyantes anonymes, personnages de l’histoire, de la religion et de la bande dessinée, mêlant étoiles de cinéma, starlettes, divas. On se concentre ici sur la vie festive et la marginalité des individus.

Facundo De Zuviría
Facundo de Zuviría

C’est l’une des collections les plus exposées, les plus célébrées au monde témoignant de la réalité baroque et mouvante d’un continent. Pour l’apprécier à sa juste valeur artistique d’abord, il vous faudra de l’attention, beaucoup d’attention portée à chaque œuvre, à la limite de l’auscultation, car les formats ne sont pas de ceux d’un tableau du genre Les Noces de Cana du Véronèse.

Dans le choix des sujets, foin de la vie politique mais aussi des ruines précolombiennes, des paysages avec volcans et des portraits des “picos mexicanos“, d’agaves et de cactus. On sait cependant que, dans le cas du Mexique, une intense circulation photographique a lieu dans la période choisie, un véritable foisonnement dû à la rencontre de la production d’images pendant la révolution mexicaine et une presse illustrée en plein essor, notamment grâce au progrès technologique qui permet entre autres, depuis la fin du XIXe siècle d’imprimer simultanément texte et image sur une même page.

Transformimas Flavia Gandolfo 1990 Pérou
Transformimas Flavia Gandolfo 1990 Pérou

Les artistes, au nombre de 83, sont plutôt des inconnus en France même si le panorama est plus focalisé sur les décennies 1970 et 1980, périodes de libération effrénée à rapprocher, plus proche de nous, de la movida espagnole. On peut remarquer au fil des salles et des œuvres accrochées que nous sommes loin des rafales de photos faites avec les instruments actuels.  Et, pour qui voudra bien être plus attentif, il pourra découvrir un travail actuellement très à la mode, celui des tirages noir et blanc que l’on rehausse de couleurs au pinceau, au crayon et pour les plus récents à la bombe comme le mexicain Felipe Ehrenberg décédé en 2017 à 74 ans. On en profite pour saluer la scénographie remarquable de l’exposition qui n’a pas dû être particulièrement aisée, au vu de certains formats choisis.

Felipe Ehrenberg
Felipe Ehrenberg

Nos artistes actuels n’ont rien inventé. Il suffit de s’attarder sur les photomontages. Certains artistes très impliqués, collectent des coupures d’une presse en pleine effervescence, glanent des photos anonymes, ou pas, pour les détourner, les inciser, les froisser, les peindre, les lacérer et les brûler en partie. Un moyen de lutte contre certains régimes dictatoriaux, mais pas que. Les tirages Polaroïd ont eu leur heure de gloire aussi et sont à rapprocher par leur immédiateté de certains appareils actuels.

Flechine
Simón Flechine

Le tirage gélatino-argentique d’époque soit 1950, rehaussé par l’artiste mexicain Simón Flechine et intitulé Las manos de Pita Amor est…sublime !  

Michel Grialou

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