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Exposition : Bernard Rousseau fend les flots dans la Vallée du Lot

by Ines Desnot

Bernard Rousseau honore ses origines avec l’exposition « Olt ! Alt ». Du 13 juillet au 25 août 2024, les esthètes de la Vallée du Lot pourront admirer sculptures et peintures sur le rocher de la Baume et dans la salle paroissiale de Calvignac. Une excursion dans les hauteurs, mais aussi sur les flots. Culture 31 a échangé avec l’artiste.

Bernard Rousseau Lot
Bernard Rousseau

Bernard Rousseau embrasse la puissance du Lot et les cirques de falaises de sa Vallée. Avec son exposition « Alt ! Olt », l’artiste s’empare du rocher de la Baume et de la salle paroissiale de Calvignac, où il est accueilli en résidence le temps de l’été. Le territoire de son enfance devient alors son atelier. Le public retrouvera, d’une part, des installations semblables à des barques flottant sur une rivière invisible, tandis que les flots du Lot danseront 100 mètres plus bas. Son art premier, la peinture, sera aussi de la partie. Les œuvres concernées seront, encore une fois, en lien avec le paysage environnant, le Lot tissant un fil aqueux entre les créations. Les visiteurs pourront admirer la ramification des pratiques artistiques et des sujets. Une épopée poétique dans la nature.

5 questions à Bernard Rousseau

Votre exposition est baptisée « Olt ! Alt ». Quelle est la signification de ce nom ?

« Olt », en occitan, c’est le Lot. En catalan, « Alt » signifie « haut ». J’ai donc fait un lien avec l’installation de barques. Elle sera sur un rocher ou en haut d’une falaise qui surplombe le Lot, qui, lui, coule en bas. « Alt » en catalan fait aussi un pont avec mon histoire personnelle, puisque je suis originaire de la Vallée du Lot, puis je suis parti faire mes études à Barcelone, en pays catalan, après être passé par Toulouse. Je vois aussi, par la rivière, ce moyen de relier une histoire avec la similarité des langues et des sonorités.

La question des lieux, de la géographie, est sous-tendue par la proposition. Ces barques évoquent tout autant l’histoire que le monde d’aujourd’hui et les géographies. J’avais envie de retrouver ces références dans le titre. Pour moi, ce projet d’installation est assez important, parce que je reviens en quelque sorte à mes origines. Je suis originaire du village en face de Calvignac, de l’autre côté du Lot. J’ai grandi là-bas. Ensuite, j’ai fait mes études aux Beaux Arts de Toulouse, puis à la faculté d’arts plastiques de Barcelone, etc. Donc j’ai exposé un peu partout, mais pas dans le Lot, pas chez moi. Il y a donc une envie de marquer un moment de ma vie par cette proposition.

« Proposition » fait ici office de mot valise puisque vous mélangez différentes pratiques artistiques.

J’ai essentiellement une pratique de peinture et de dessin. En fonction des projets, je peux réaliser des installations et des sculptures. Là, je me suis lancé à corps perdu dans une pratique sculpturale avec ces barques en bois de cagette. La cagette est importante car c’est un matériau pauvre, un matériau de récupération économique. Il ne me coûte rien. C’est aussi un matériau qui va pouvoir se transformer et « se dégrader ». Donc c’est également écologique. C’était important pour moi. La cagette est aussi un matériau propre à la ruralité, on le trouve sur les marchés. C’est la cagette qui transporte les fruits et légumes donc c’est vraiment une matière liée à la terre et à la culture. Le cageot permet aussi le déplacement, il a une forme très normée. Où qu’on soit, on va retrouver à peu près les mêmes dimensions, les mêmes formes et les mêmes pratiques de construction. Il y a une dimension assez universelle. Donc je trouve que ce matériau fait sens dans ce projet-là.

Venons-en à la peinture. Votre devise est « Peindre, parce que vivre n’est pas assez ». Que voulez-vous dire par là ?

J’en ai parlé avec mon fils quand il a lu ça. Il est féru de philosophie et m’a dit : « ce n’est pas vrai, vivre c’est assez ». Mais en fait, c’est vivre de façon enthousiasmante. Vivre avec l’enthousiasme, et l’art est enthousiasmant. C’est ça que j’exprime là. Vivre ce n’est pas assez, et peindre est une façon enthousiasmante d’aborder le monde et la vie. Quand je parle d’enthousiasme, je parle de résister. Il me semble que ça prend tout particulièrement sens aujourd’hui, dans la conjoncture actuelle. Une façon de résister à la fois aux drames, aux périls de tout ordre, et de garder espoir. L’art nous apporte ça.

Vous dites également penser votre peinture en marchant.

Oui. D’abord parce que c’est une expérience que j’ai depuis tout jeune, avec la randonnée et la marche en haute montagne. J’ai une longue expérience de l’alpinisme. Donc la marche, c’est quelque chose d’important. Le philosophe Michel Serres disait notamment penser avec les pieds. C’est une façon d’être en contact avec une certaine physicalité du monde. Je pense aussi ma peinture avec le corps. Il y a une corporalité du rapport aux choses.

Vous l’avez mentionné, les travaux présentés avec « Olt ! Alt » sont très inspirés de la Vallée du Lot. Quelle est la place de la nature dans votre vie ?

Autour de Saint-Cirq-Lapopie, la nature est omniprésente. Quand je sortais de la maison, j’avais des sangliers à côté. La nature était dans un rapport extrêmement ordinaire, un rapport au quotidien. Je trouve une attention permanente au monde qui nous entoure, dans ces formes les plus infimes comme les plus marquantes. Un rapport ordinaire qu’on a perdu. Aujourd’hui, il se veut assez extraordinaire, parfois spectaculaire. C’est ce rapport le plus simple possible avec la nature qui m’a éduqué. Le Lot, je l’ai connu et éprouvé tout petit. Par la pêche à la ligne, puis maintenant avec la pêche à la mouche. Il y a aussi un rapport contemplatif. C’est-à-dire la capacité qu’on peut avoir à penser par le corps, éprouver sensoriellement l’espace naturel dans lequel on est.

Avez-vous le même rapport avec la Garonne qu’avec le Lot ?

J’habite à 50 mètres de la Garonne ! Je crois qu’il ne se passe pas un jour sans que j’aille au bord de la Garonne. Je me souviens qu’avec Serge Pey, le poète toulousain, on projetait de se faire une remontée du fleuve à pied, en essaimant les berges de poèmes, quand j’étais à Toulouse. Du haut de l’ancien pont Saint-Pierre, on avait jeté des poèmes à la Garonne, des odes. J’aime les rivières, toutes les rivières.

Vernissage : samedi 13 juillet et dimanche 14 juillet à partir de 10 heures

Finissage : samedi 24 août à partir de 18 heures

Inès Desnot

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