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Jean-Louis Murat : le lien défait de Franck Vergeade

by Anthony del Puerto

Un an après la disparition de Jean-Louis Murat, le 25 mai 2023, à l’âge de 71 ans, un livre de Franck Vergeade, rédacteur en chef musique des Inrockuptibles, ancien directeur de la revue Magic, rend hommage à l’auteur, compositeur et interprète qui occupa une place si précieuse dans le paysage musical hexagonal.

Plus qu’une stricte biographie, le livre est un exercice d’admiration retraçant la longue et riche carrière de l’artiste depuis le groupe Clara, qu’il créa en 1977, à son dernier album, La Vraie Vie de Buck John, sorti en 2021. L’auteur ne néglige pas les projets singuliers, à l’instar de Madame Deshoulières, où il faisait interpréter à Isabelle Huppert des textes libertins de cette poétesse du XVIIème siècle sur de la musique baroque, et exhume des titres méconnus comme ceux remarquables du maxi CD Murat en plein air.

Murat
 Jean-Louis Murat

Musicalement, Vergeade recense les filiations, influences et modèles de Murat (parmi lesquels « Leonard Cohen, John Lee Hooker, João Gilberto, Frank Sinatra ou encore Robert Wyatt ») ainsi que ses engouements plus récents, de Frank Ocean à Kendrick Lamar. « C’est sans doute ma passion de la littérature qui explique mon besoin de laisser une trace discographique significative », confiait l’auvergnat à l’auteur.

On regrette de fait que cette dimension littéraire ne soit qu’évoquée marginalement quand le fervent admirateur de Flaubert, Baudelaire, Bloy ou Bernanos (pour ne citer quelques-uns de ses auteurs de prédilection) exprimait volontiers ses écrivains de cœur.

Antimoderne 

De même, on peut regretter que l’extraordinaire liberté d’esprit et d’expression de Jean-Louis Murat ne se réduise dans le livre qu’à quelques saillies, aussi drolatiques que cruelles, sur Johnny Hallyday ou PNL alors que cette manière d’anarchiste sans œillères et furieusement antimoderne dispersa façon puzzle des cibles plus significatives. En dépit de ses limites, l’ouvrage de Frank Vergeade reconstitue de façon scrupuleuse le parcours de celui dont quelques-uns de ses meilleurs albums (Cheyenne AutumnLe Manteau de pluieDolorès) virent le jour au sein d’une major (en l’occurrence Virgin).

Par la profusion et la permanence de ses inspirations (les sentiments amoureux, la mélancolie, la nostalgie…), la dimension cosmique et sensuelle de ses textes souvent liés à la terre, la nature, les animaux ; Jean-Louis Murat – qui considérait sa discographie comme un « journal intime chanté » – a construit une œuvre dont la qualité, l’originalité et l’intégrité forcent l’admiration. Ainsi, sa voix et ses mots continueront d’accompagner des âmes sensibles qui, de paradis perdus en anges déchus, ne cessent de traquer au milieu des ruines des raisons de ne pas désespérer jusqu’au bout.

Christian Authier

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