Avec les trois remarquables expositions qui viennent de s’ouvrir à Toulouse, d’une part, Anatomie du Franquisme au Musée Départemental de la Résistance et de la Déportation, dont je me suis fait l’écho dans ma précédente chronique, et d’autre part, Cathares – Toulouse dans la Croisade au Musée Saint Raymond et à l’Ensemble Conventuel des Jacobins, plus Troubadours, langue d’oc et Jeux floraux à la Bibliothèque d’Études et du Patrimoine, on est en droit de se demander si cette ville ne devrait pas concourir de nouveau pour le titre de Capitale Européenne de la Culture de l’Unesco. En effet, dans trois lieux emblématiques de la ville, les visiteurs pourront découvrir l’ensemble des thèmes associés à la Croisade contre les Albigeois (1209-1229): chevaliers, troubadours, châteaux, batailles, hérétiques, inquisition, bûchers, Cours d’Amour et Jeux floraux…
Jusqu’au 5 janvier 2025
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Sous le commissariat éclairé de Madame Laure Barthet, Directrice du Musée Saint Raymond et Conservatrice en chef du Patrimoine, le Musée archéologique Saint-Raymond et le Couvent des Jacobins de Toulouse s’associent pour présenter la première grande exposition consacrée aux Cathares du Languedoc et à la Croisade qui obligea les Seigneurs dissidents du Midi à tomber sous le joug des rois de France. À travers près de 300 œuvres dont des prêts remarquables du British Museum, de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales, ainsi que des dispositifs numériques interactifs, le parcours fait la part belle sur les motivations politiques du conflit, et à la répression par l’Inquisition.
J’attendais avec une grande impatience cette première exposition de grande ampleur consacrée à ce sujet en France, distinguée par le Ministère de la Culture par le label “Exposition d’intérêt national” et déployée jusqu’au 5 janvier 2025, sur deux lieux emblématiques de Toulouse (avec un billet d’entrée unique).
Cathares, Croisade, Châteaux, Inquisition, bûchers… autant de termes et d’images qui sont associés à la Croisade contre les Albigeois (1209-1229). Cet épisode fameux de l’histoire de France a laissé une vision souvent dramatique du XIIIe siècle à Toulouse et en Occitanie: en résumé, vaincu par les croisés venus du Nord, le Languedoc a perdu son âme occitane et son indépendance en 1271 au profit des rois de France.
L’exposition aborde d’une part au Musée Saint-Raymond les événements et rebondissements qui ont émaillés la Croisade contre les Albigeois.
Ce sont donc plus de 300 objets (dont 96% viennent d’Occitanie) qui viennent illustrer le propos: des documents d’archives exceptionnels prêtés par des institutions prestigieuses, des objets archéologiques inédits, des œuvres sculptées ou peintes, du matériel de reconstitution historique de qualité scientifique (costumes, armement)…
Sont présentés bien sûr de nombreux objets militaires (bouclier, mors etc.), et surtout religieux comme le Nouveau Testament traduit en occitan suivi du Rituel cathare de Lyon, magnifiquement enluminé. (Bibliothèque municipale de Lyon):
ou richement décoré comme la chasse de Saint Exupère qui témoigne de la magnificence et de la foi des commanditaires (Cuivre et émail. XIIIe siècle. (Conservé au Musée des Arts Précieux-Paul Dupuy (Toulouse):
et aussi des objets populaires du quotidien tel ce simple pot à une anse en terre cuite qui faisait partie du vaisselier populaire toulousain et qui montre la maitrise des potiers de cette ville. (Conservé au Musée Saint-Raymond):
On ne peut que s’arrêter devant le portrait imaginaire de Simon de Montfort peint par François-Louis Dejuinne (1786-1844), – un prêt du Musée Clément Ader de Muret -, exécuté lorsque le roi Louis-Philippe décida de consacrer le château de Versailles « à toutes les gloires de la France (!), en rassemblant toutes les images peintes, sculptées, dessinées et gravées qui illustrent des personnages de l’histoire nationale depuis ses origines et en y aménageant « des galeries historiques. »
Mais il ne faut pas oublier que ce triste sire était un mercenaire, un sicaire, même si excellent stratège, chef de la Militia Christi, La chevalerie du Christ dont le métier était de trucider au nom de Dieu et de son Roi, qui s’agenouillait chaque matin en armes à la messe pour communier avec ferveur, avant d’aller l’accomplir avec zèle, un tortionnaire sadique, béni par des évêques romains en armure qui osèrent dire « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », – comme le légat pontifical Arnaud Amaury l’aurait prononcée lors du sac de Béziers, le 22 juillet 1209, ainsi que le rapporte la tradition populaire -. Ce qui est avéré en tout cas, c’est que Monfort laissa le 3 mai 1211 ses sbires dénuder, violer, jeter dans un puits où elle fut lapidée, Dame Guiraude de Lavaur, qu’il avait surnommée heretica pessima (pire des hérétiques), coupable non seulement d’hérésie mais aussi d’avoir résisté à son siège avec son frère. Et autres faits d’armes du même acabit.
Mais Dieu paye tard, mais il paye large, dit un proverbe italien.
Pour la première fois, est exposé aussi l’unique manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France de la fameuse « Canso de la crozada », Chanson de la croisade albigeoise (1208-1219), attribuée à Guilhèm de Tudèla et un continuateur anonyme, long poème épique qui narre en occitan ladite Croisade et la fin bien méritée de Montfort sous les remparts de Toulouse, d’une pierre tirée d’une baliste manœuvrée, dit-on, par des femmes.
E venc tot dreit la peira lai on era mestiers
E feric si lo comte sobre l’elm qu’es d’acers,
Que’ls ols e la cervelas e’ls caichals estremiers
E’l front e las maichelas li partic a cartiers.
E’l com casiec en terra mortz e sagnens e niers…
E La pierre arriva tout droit où il fallait
La pierre arriva tout droit où il fallait,
Si bien frappa le comte Montfort à son heaume d’acier
Que les yeux, la cervelle, avec les dents du fond,
Le front et la mâchoire elle fit éclater.
A terre il tomba mort, livide, ensanglanté
Quand Tolosa l’aprenguèt
L’alegresa foguèt tala a travèrs la ciutat
Que de córrer a las glèisas i alucar de ciris
En cridar « Jòia ! Dieu pietadós !
Paratge resplendís e triomfa per totjorn !
Omicida e crudèl, lo comte sanguinari
Es mòrt sens sacrament, n’es aquí que justicia !
Quand Toulouse l’apprit,
L’allégresse fut telle à travers la cité
Qu’on courut aux églises y allumer des cierges,
En criant « Joie ! Dieu miséricordieux !
Paratge resplendit et triomphe à jamais !
Homicide et cruel, le comte sanguinaire
Est mort sans sacrement, ce n’est là que justice !
Alavetz trompas e còrs, campanas e trelhons
Tambors, timbalas e clarons
Sonèron a còps bèls e a brand,
La vila tota ne retronit.
Alors trompes et cors, cloches et carillons,
Tambours, timbales et clairons
Sonnèrent à grands coups et à toute volée,
Toute la ville en retentit…
La légende semble trop belle pour être vraie, mais une plaque immortalise la fin du mercenaire-tortionnaire à l’angle du Jardin des Plantes face au Théâtre Daniel Sorano:
On peut voir aussi le tristement célèbre Traité de Paris qui entérina la soumission des Comtes de Toulouse à la couronne capétienne.
La lutte armée pour éradiquer la « pestilentia detestabilis heretica » et « pacifier » le Languedoc se poursuivit dans le Midi tout au long du XIIIe siècle. Elle fut donc relayée par l’institution de l’Inquisition, créée en 1231 pour traquer la « dépravation hérétique. ». Les « Bonshommes » pourchassés furent l’un après l’autre arrêtés. Comme un Parfait ne pouvait être sacré que par un Parfait, que ce soit une tactique déterminée ou non, l’Inquisition, en faisant disparaître le Clergé cathare, fit aussi disparaître le culte. C’est à cet aspect qu’est consacrée la deuxième partie de l’exposition aux Jacobins.
Le parcours proposé permet, de revenir sur les grands mythes qui entourent les pseudos «châteaux cathares» ou les nombreux clichés qui persistent autour de l’histoire de l’Inquisition au Moyen Âge. Une vingtaine de dispositifs numériques et interactifs, ludiques et tout public, viennent agrémenter le propos, dont celui qui invite les visiteurs à composer leur propre chronique de la Croisade contre. Nul doute que les accros de l’informatique et des installations contemporaines seront aux anges.
Il est même proposé une séance de torture (la fameuse Question) pour les amateurs de sensations fortes, – sur le lieu du crime même n’ais-je pu m’empêcher de penser… Il faut savoir que d’après les actes notariés d’une enquête de 231 jours concernant le seul Lauragais, menée par les Dominicains Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre, entre mai 1245 et août 1246, au moins 5 480 personnes, issues de plus d’une centaine de villages, ont déposé au sujet du «crime d’hérésie» et été soumis à ladite question…
En milieu de visite, une époustouflante vidéo réalisée par drones permet de découvrir les châteaux de l’Ouest de l’Occitanie que tout le monde appelle encore « cathares », nommées « citadelles du vertige » par Michel Roquebert; elle m’a donné le vertige justement: dommage qu’il n’y ait pas siège à cet endroit parce que m’y serais attardé.
Comme un symbole résumant les raccourcis que prend décidément parfois le récit historique et l’utilisation qui en est faite par le commerce touristique (Ariège Pays cathare, Vin Hérésie, ou Rôtisserie Le Cathare, comme je l’ai vu il y a quelques années dans l’Aude), loin d’être cathares, ces forteresses sont en fait l’œuvre du roi de France, signes de sa victoire finale et de sa mainmise sur ce territoire jadis désigné comme « hérétique ».
Espérons qu’il restera aux visiteurs la substantifique moëlle d’une pseudo-hérésie dont l’éradication entraina une répression si féroce qu’elle reste encore dans la mémoire de l’Occitanie et de Toulouse en particulier. Personne ne nie plus la réalité de ce groupe d’Hommes et de Femmes du Midi en révolte contre l’Église médiévale, qui voulaient vivre comme les Chrétiens du premier âge, pas plus que la réalité de leur persécution. Aujourd’hui heureusement, Historiens et Évêques sont d’accords sur deux points: « Le pouvoir religieux et le pouvoir politique doivent être impérativement séparés si l’on veut respecter la liberté, l’intégrité et la conscience de chacun »; et « On ne peut pas, on ne doit jamais, employer des moyens qui ne respectent pas la dignité des personnes. »
Ce n’est donc pas un hasard si la bibliothèque d’Études et du Patrimoine s’est associée à l’événement: avec Troubadours, langue d’oc et Jeux floraux, visible jusqu’au 13 juillet 2024. La Bibliothèque a naturellement choisi de développer les aspects linguistiques et culturels du sujet: la Croisade est en effet connue aussi pour avoir mis fin à l’âge d’or de la littérature en langue d’Oc (XIe-XIIe siècles), l’art lyrique des troubadours qui s’épanouissait à la cour des Comtes de Toulouse et dont l’Académie des Jeux floraux (célébrée en 2024 pour son 7e centenaire) a maintenu la tradition. Je vous en entretetiendrai dans ma prochaine chronique.
Le fin mot de l’histoire, et l’implication des Troubadours dans cette sombre histoire de colonisation camouflée dont ils ont été les témoins, je ne l’ai découvert adolescent qu’en lisant à la Bibliothèque d’Études et du Patrimoine, rue du Périgord à Toulouse justement, les ouvrages de René Nelli, Jean Duvernoy, Pierre Bec, Henri Gougaud, Anne Brenon, Michel Roquebert etc. Il est dommage que les ouvrages ces deux derniers, en particulier Femmes Cathares de celle-ci, dans la Collection Tempus et le dernier de celui-ci, posthume, Cathares: Encyclopédie d’une résistance occitane, achevée par Patrice Teisseire-Dufour (Editions Privat), ne soient pas disponibles dans la librairie des deux Musées…
Même si aujourd’hui, comme il est souvent de bon ton en Histoire, certain.e.s remettent en question tout leur travail: la polémique, évoquant une “légende pure et simple », et les « Cathares n’ayant été qu’une invention pour justifier la Croisade », a enflammé les médiévistes… L’exposition des Jacobins a le mérite de ne pas trancher et se contente de signaler cette divergence totale de points de vues sur un seul panneau.
Ce qui m’a personnellement toujours attiré, c’est que cette période de notre Histoire est en tout cas « fascinante » parce qu’elle mêle tous les ingrédients dont se sont d’ailleurs saisis artistes et auteurs, « notamment dans la pop culture », comme l’a justement souligné la Commissaire de l’exposition, Laure Barthet: « c’est l’histoire d’une croisade avec des rebondissements militaires dignes de Game of Thrones ».
Cette histoire tragique devenue légendaire a en effet inspiré de très nombreux artistes au cours des siècles. Plus de 500 romans, y compris graphiques, des films, des reconstitutions historiques, des pièces de théâtre et même des opéras.
Déjà à l’époque de nombreux Troubadours, témoins directs, n’ont pas hésité à s’engager aux côtés des persécuté.e.s, non-violent.e.s, même au péril même de leurs vies, il ne faut jamais l’oublier; certains les ont accompagnés dans leurs fuites en Italie ou en Espagne.
Peire Cardenal dans un sirventès virulent Contre Les Jacobins prêcheurs, se moque de ces « bons apôtres » pourchassant les « hérétiques » et les soumettant à la question, dont on sait qu’elle ne fut que tortures… « en mangeant des mets raffinés et en portant des vêtements luxueux »:
(…) La première communauté religieuse fut instituée
Par des gens qui n’auraient pas voulu tracas ni bruit,
Mais les Jacobins, après le repas, ne gardent pas le silence,
Au contraire ils disputent sur le vin quel est le meilleur,
Et ils ont établi une cour pour juger les procès
Et il est « vaudois » celui qui les en détourne;
Et ils veulent savoir les secrets de tout homme
De telle manière qu’ils puissent mieux se faire craindre (…).
(traduction de René Lavaud)
Par ailleurs, parmi les peintres qu’a inspiré cette période, le plus connu à Toulouse est sans doute Jean-Paul Laurens (1838-1921) qui a trouvé là un sujet de prédilection pour sa « peinture historique »: Le Tribunal, Après la torture… On peut voir dans l’exposition aux Jacobins l’un ses tableaux les plus célèbres « L’Agitateur du Languedoc » représentant Bernard Délicieux, un moine franciscain né en 1260, qui fut l’un des plus virulents opposants à l’Inquisition, et condamné à la prison à perpétuité, mourut en 1319 au cachot à Carcassonne.
L’Agitateur du Languedoc, par Jean-Paul Laurens. Huile sur toile. 1887. Conservé au Musée des Augustins (Toulouse).
Au Capitole de Toulouse, au fond à droite dans la Salle des Illustres, derrière le bureau des Édiles qui célèbrent les mariages, je restais sidéré enfant devant La Défense de Toulouse, dite aussi La Muraille, une fresque gigantesque du même Laurens qui représente un rempart de Toulouse lors du siège par les Croisés et une machine qui pourrait-être celle qui l’a tué. Et il ne faut pas oublier de lever la tête, car au plafond, son Toulouse contre Montfort, daté de 1899, dépeint « l’apothéose de la Toulousaine qui a sauvé sa ville en plaçant la pierre meurtrière dans la baliste. »
Plus près de nous, la douce Mady de la Giraudière (1922-2018) à qui j’ai consacré une précédente chronique, a peint le pog de Montségur, lieu emblématique de la fin de la Croisade des Albigeois dans un monstrueux bûcher, aux différentes saisons:
Montségur l’hiver
Mon ami le peintre Eric Théron, venu de Provence, pour s’installer à Serrelongues juste en face du château de Montségur, a peint de nombreuses toiles abstraites sur celui-ci, dont celle qu’il m’a dédiée, Montségur en flammes, et que j’ai choisie pour illustrer le disque de l’enregistrement de notre concert poétique, avec Eva Fogelgesang, chant, harpe médiévale, rebec, Christophe Deslignes, organetto, flûte, et Caroline Dufau, chant, tun-tun (tambour pyrénéen), Le Chant des Brûlés, Lo Cant dels Cremats, créé au Champ des Cramés le 21 juin 1983.
Le pog en flammes (peinture d’Eric Théron)
Après notre concert poétique dans l’église (quelle hérésie !) de Montségur le 15 août 2018, une très vieille dame du village m’a rapporté que « ces cochons de Français ont pissé et dansé sur les cendres encore brûlantes de Dame Corba de Pereille, des Parfaites et des Parfaits. » Elle m’a aussi raconté ceci: « un concert d’un célèbre pianiste « parisien » avait été prévu le 6 mars 1974 dans la cour du château pour le 730° anniversaire du bûcher, mais son piano à queue transporté par un hélicoptère a pris du ballant et s’est fracassé contre les murs d’enceinte ». Elle avait conclu dans un grand éclat de rire: « encore un coup des Cathares ». Comme disent les Italiens « se non è vero, è ben trovato, si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé », mais on voit là que le bouche à oreille de la tradition orale a joué aussi un grand rôle.
En revanche, le 1er février 1985 a bien eu lieu à la Halle aux Grains de Toulouse, la création de Montségur, un opéra « cathare » de Marcel Landowski, que l’on trouve référencé sur Google à la rubrique Opéra français (quelle ironie !) d’après un roman de 1924 du duc de Lévis-Mirepoix, auteur reconnu en son temps et académicien. Ce duc, descendait d’une branche cadette de la Maison de Lévis depuis l’attribution de la seigneurie de Mirepoix par… Simon IV de Montfort à Guy 1er de Lévis-Mirepoix à la suite de « sa brillante participation à la Croisade des Albigeois » au XIIIe siècle.
Selon le dossier de presse, Monsieur Landowski, en charge de la Musique du Ministère Malraux, utilisait l’orchestre de Maître Plasson, (comme il se faisait appeler), « dans sa formation « romantique » et le Chœur du Capitole, comme un instrument à part entière, ses seules « concessions » au modernisme étant les ondes Martenot et un synthétiseur… »
Je n’ai pas pu assister cette création étant à l’époque en tournée, mais je sais que j’aurai eu du mal à supporter le livret de cet opéra qui narre les amours de Gautier des Ormes, jeune croisé catholique, et de Jordane de Montaure, suzeraine du fief hérité de son père, devenue secrètement « Cathare », et qui montait au bûcher « malgré l’amour de son beau français prêt à la déconsoler », à lui faire renier sa foi. Assimilant un peu plus les vaincus de l’Histoire occitane.
« Pourquoi faut-il, se demandait Zoé Oldenbourg, à propos de la tragédie « cathare », que l’amour de Dieu prenne si souvent le visage de la mort ? «
Francis Cabrel avec sa jolie chanson Les chevaliers cathares a produit un tube qui a le mérite de faire connaître aux jeunes générations l’histoire des Faydits, ces chevaliers errants maudits pour avoir défendu les mystiques persécutés.
Je préfère de loin Le Royaume oublié (La Croisade contre les Albigeois et la tragédie cathare) de Jordi Savall et son Ensemble Hespérion XXI et La Capella reial de Catalunya.
Mais aussi les créations de Gérard Zuchetto et de son Troubadour Art Ensemble, par exemple Òda a Montsegur, une ode à la liberté, œuvre poétique majeure de René Nelli, que Zuchetto et son ensemble ont mise en musique de façon vive et colorée.
Celui qui organise le Festival Les Troubadours chantent l’Art Roman officie depuis plus de 40 ans dans un registre beaucoup plus respectueux de la tradition occitane.
Comme on peut l’entendre ici à l’Abbaye de Fontfroide le 24 octobre 2020, avec Sandra Hurtado Ròs, Denyse Macnamara, Gérard Zuchetto, André Rochard, Patrice Villaumé, Antoni Madueño Ranchal, Christos Barbas, Peppe Frana, Euripides Dikaios.
Et j’ai une prédilection particulière pour le beau disque Joy, Chants de Troubadours et Danses de Jongleurs (wwww.outhere-music.com) par l’Ensemble Millénarium du grand organettiste et flutiste Christophe Deslignes, avec Carole Matras (voix et harpe) et Thierry Gomar (percussions).
René Nelli, Conservateur honoraire du Musée des Beaux-Arts de Carcassonne, Poète, est aussi l’auteur de nombreux ouvrages sur les Troubadours, les Cathares et l’Occitanie. En 1969, il reconnaissait lui-même qu’il ne « s’intéressait pas seulement au passé historique du catharisme, mais aussi à la vie secrète de Montségur » dont il a fréquenté le site pendant plusieurs décennies.
Et Michel Roquebert, professeur de philosophie puis journaliste (il dirigea longtemps la rubrique Culture de la Dépêche du Midi, quand il y en avait une), est devenu historien par passion pour cette période de notre Histoire au point de s’installer dans le village de Montségur-le-Château; après un énorme travail de recherches dans les Archives, il y a consacré plusieurs ouvrages, dont Les citadelles du vertige avec le photographe Christian Soula, chez Privat, qui a eu un retentissement international, et donc le dernier Cathares-Encyclopédie d’une Résistance occitane (posthume) qui vient de sortir chez Privat, dont je vous entretiendrai dans ma prochaine chronique.
En littérature proprement dite, on ne compte plus les occurrences du terme cathare sur internet (environ 1 940 000), y compris en Bande dessinée, telle Aymeric et les Cathares, de Michel Roquebert bien sûr et Gérard Forton, aux Editions Loubatières que mes fils ont usées à force de les lire.
Je ne retiendrai que la série des romans vrais d’Anne Brenon, « L’hiver du Catharisme » en 4 volumes, L’impénitente, Les filles du malheur, Les cités sarrasines, et surtout le dernier Le déconsolé, consacré au Bon Homme « cathare » de la Montagne Noire, Guilhem Rafart, qui a réellement existé.
Richement documentés (et pour cause, Madame Anne Brenon, Conservateur des Archives de France, diplômée de l’École des Hautes Études en Sciences, est considérée internationalement comme l’une des grandes références en catharisme occitan), ces livres se lisent comme des romans d’aventures qui devraient ravir les amateurs d’Héroïc Fantasy tant ils sont palpitants. Ils sont disponibles aux Éditions La Louve.
Personnellement, à mon petit niveau de poète, j’ai voulu raconter sur scène cet épisode tragique de notre histoire par la voix d’un Troubadour, en créant, comme je l’ai dit plus haut, en 1983 le Chant des Brûlés, Lo Cant dels Cremats avec mes amis musiciens, et ce fut une aventure homérique. Mais c’est une autre histoire que je vous narrerai dans une prochaine chronique.
Contre « la force brutale au front de taureau » dénoncée en son temps par Antonio Machado, l’Amour et la Poésie ne peuvent presque rien. Mais « dans ce « presque » est le jardin des Troubadours, et dans ce jardin, le germe même, invulnérable, de toute espérance et de toute vie. », comme l’a si bien écrit Henri Gougaud.
Ils sont toujours en fleurs, comme des arbres qui ne connaitraient pas l’automne et l’hiver, ni l’été: mais toujours le printemps.
Je vous invite, au sortir de ces expositions, à fréquenter les vergers poétiques de ces hommes et de ces femmes animé.e.s de cette joie d’amour, de cet élan qui fait l’éternelle jeunesse des Poètes, comme dirait encore Henri Gougaud.
Tel mon préféré, Bernart de Ventadorn (c.1125-c.1200) qui a si magnifiquement chanté le Printemps et la Joie d’Amour:
J’ai le cœur si plein de joie,
Qu’il transmute Nature :
C’est fleur blanche, vermeille et jaune
Qu’est pour moi frimas;
Avec le vent et la pluie
S’accroît mon bonheur.
Aussi mon Prix grandit, monte;
Et mon chant s’épure.
J’ai tant d’amour au cœur
De joie et de douceur,
Que gelée me semble fleur,
Et neige, verdure.
Je puis aller sans habits,
Nu dans ma chemise,
Car pur amour me protège
De la froide bise. (…)
(In René Nelli et René Lavaud, Les troubadours, Desclée De Brouwer, (Bibliothèque européenne 1966).
Pour en savoir plus :
Musée d’Archéologie Saint-Raymond
1 ter Pl. Saint-Sernin – 31000 Toulouse
Tel. : 05 61 22 31 44
Site Internet
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Ensemble Conventuel des Jacobins
Place des Jacobins – 31000 Toulouse
Tel. : 05 61 22 23 82
Site Internet
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Bibliothèque d’Études et du Patrimoine
1 rue du Périgord – 31000 Toulouse
Tel. : 05 62 27 66 66
Site Internet
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Bibliographie succincte disponible à la BEP :
> Anne Brenon Petit précis du Catharisme chez Loubatières
> Anne Brenon Les Cathares (Albin Michel Spiritualités vivantes 2007) etc.
> Jean Duvernoy Le registre d’inquisition de Jacques Fournier 1965 (transcription latine) et 1968 (traduction) – Éditions Privat (Toulouse) – ré-édition 2006 etc.
> Zoé Oldenbourg Le bûcher de Montségur (Gallimard 1989)
> Michel Roquebert Les citadelles du vertige (Privat 1995) etc.
> René Nelli L’érotique des Troubadours (Hachette 1979) etc.
> Henri Gougaud Poésie des troubadours (Points)
> Pierre Bec Nouvelle anthologie de la lyrique occitane du Moyen-Âge (Classiques d’Oc), Chants d’amour des femmes-troubadours: trobairitz et chansons de Femmes (Paris: Stock, 1995) etc. …
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Contacts utiles:
L’Association d’Études Cathares / René Nelli, fondée par celui-ci, a pour objet de recueillir, diffuser, partager et vulgariser les connaissances scientifiques multidisciplinaires sur le Catharisme et les dissidences médiévales.
L’Association des Amis du château de Bouisse et la commune de Bouisse, faisant vivre sa mémoire et celle de René Nelli, vous accueillent chaque année à Bouisse dans les Corbières (11) à l’occasion de conférences, concerts, expositions…