Le génie et son modèle
Vraisemblablement le postimpressionniste le plus célèbre de l’Histoire de la peinture hexagonale, ayant participé au groupe des Nabis, Pierre Bonnard (1867-1947) eut pour muse l’un de ses modèles : Marthe. Elle fut d’ailleurs bien plus qu’un modèle, puisqu’ils finirent, après plusieurs années de fréquentation et d’orages divers, par se marier. Il demeura à ses côtés jusqu’à sa disparition en 1942, alors qu’elle n’avait plus tout à fait sa raison.
Martin Provost, à qui l’on doit le fantastique et formidablement émouvant Séraphine (2008), revient s’emparer ici d’un autre artiste peintre, à la demande de la petite-nièce de Marthe Bonnard. Ce dernier opus nous fait donc avant tout approcher le couple Bonnard bien plus que l’œuvre du peintre. Il nous le montre dans la vibrante exaltation de leur amour de la nature, se baignant nus ou se poursuivant en tenue légère dans les champs. Les deux ne sont pas issus du même milieu et n’ont pas la même éducation. Pierre s’en accommode malgré leurs amis prestigieux : Claude Monet (André Marcon), Edouard Vuillard (Grégoire Leprince-Ringuet), etc. Qu’à cela ne tienne, malgré quelques infidélités, Marthe restera sa muse, occupant le tiers de ses toiles, des toiles qui célèbrent le nu, la femme mais aussi la couleur, le rythme, la lumière, la vie en quelque sorte.
Vincent Macaigne (Pierre) et Cécile de France (Marthe) forment un duo irréprochable de ton, se partageant l’écran avec une belle justesse de présence. La photo est magnifique sans chercher à reproduire l’esthétique des toiles du peintre. Les intérieurs sentent bon le bois des planchers et du mobilier d’antan. On ne voit que très peu Bonnard à l’œuvre tout en devinant son souci du détail. Mais là n’était pas le sujet. Il fallait remettre Marthe à sa place, celle de ces femmes qui, sans le savoir, inspirent et font les grands hommes.