La guerre est impitoyable. Nous le savons tous. Elle peut aussi avoir des effets pervers à long terme. C’est sur ce dernier thème que s’articule l’ultime opus de Katell Quillévéré, un opus qui brasse bien des sujets…
La séquence liminaire est une séquence d’archives. C’est le moment tant attendu de la libération en France. C’est le moment aussi des règlements de comptes rapides. Par exemple le sort d’une incroyable violence physique et mentale réservé aux femmes ayant eu de simples rapports amoureux avec des soldats allemands. Madeleine est l’une d’elles. Relâchée en place publique après avoir été tondue, elle s’enfuit, tenant son ventre gros des amours avec l’occupant. Nous la retrouvons quelques années après, serveuse dans un restaurant sur la côte normande. Daniel, le fruit de ses illégitimes amours, est un pré-adolescent ayant du mal à faire le deuil d’un père dont il ne connaît rien si ce n’est une photo volée qu’il garde précieusement. Sa mère ne l’aime pas. Il en est conscient et malheureux.
Celle-ci fait la connaissance de François, un jeune homme, riche héritier d’une entreprise dont il ne veut pas prendre la charge car il se destine au professorat en archéologie. Mais voilà, entre ces deux êtres que beaucoup de paramètres opposent, né une flamme qui va les mener devant Monsieur le Maire. Nos deux tourtereaux ouvrent un bar-dancing. Pendant ce temps-là Daniel grandit… Dans cet établissement les soldats américains sont encore présents et s’amusent comme des fous. Il y en a un en particulier, Jimmy, qui n’est pas insensible à Madeleine. Et vice versa. Une situation pour le moins ambiguë va mettre le feu aux poudres et révéler un secret… L’amour de l’un pour l’autre est-il authentique ou bien est-ce juste une échappatoire, mais alors, échapper à quoi ?
Alors que la vie de Madeleine et François bascule vers un vide épouvantable, Daniel continue de grandir. Engagé aujourd’hui dans l’armée, il va partir à la recherche de ses origines paternelles. On le voit bien, Katell Quillévéré embrasse ici de multiples thèmes. Celui concernant Daniel mérite un film entier car il est universel. En en faisant le fil rouge d’une fresque follement romanesque, elle nourrit son film de scènes d’une incroyable intensité et d’une puissance émotionnelle imparable. Anaïs Demoustier (Madeleine) trouve ici peut-être bien son plus grand rôle à ce jour, tout comme Vincent Lacoste, François d’une sidérante et bouleversante ambigüité. Morgan Bailey, le déclencheur du séisme, est incarné avec une franchise de ton époustouflante par Morgan Bailey. Soulignons Paul Beaurepaire (Daniel militaire) dans un personnage ultra-délicat qu’il endosse à la perfection.
C’est beau, bienfait en même temps qu’une vue sans concession de la société française post-libération…