Affronter un mythe de la taille, historique, de Napoléon 1er est une gageure dépassant la témérité. Ridley Scott cependant en rêvait. Le résultat, 200 millions de dollars après, laisse perplexe.
Si l’on en croit la littérature qui lui est consacrée, Napoléon est aussi célèbre que Jésus ! Que faire d’un sujet pareil installé confortablement dans tous les inconscients collectifs, français en particulier ? Ridley Scott nous le dévoile alors qu’il examine de près une Révolution française agonisante. Le chaos est tel que le Corse va avoir tôt fait de s’emparer du pouvoir et de sauter à pieds joints de son costume de Premier Consul à celui d’Empereur. Il ne lui en faudra pas plus pour s’inscrire dans l’Histoire comme un stratège militaire qui aura remporté d’écrasantes victoires et de non moins humiliantes défaites. Et tout cela pour élargir son territoire. A l’image d’Alexandre le Grand. Quitte à laisser dans son sillage plus de 3 millions de morts. Sans compter les blessés et les dégâts collatéraux. Beau palmarès !
Entre deux batailles, ici de vrais exercices virtuoses somptueusement filmés, tournés sur des plateaux de plusieurs centaines d’hectares par 11 caméras simultanément et des milliers de figurants, Ridley Scott glisse la relation entre Bonaparte et Joséphine de Beauharnais.
Une relation dont on retiendra hélas et avant tout quelques « étreintes » sauvages du plus mauvais goût et peu indispensables… Tout le monde attendait la scène du couronnement. Elle est bâclée en une minute chrono. Mais le plus désolant dans cette affaire est assurément une distribution qui laisse sur le flanc. Oublions charitablement ce pauvre Tahar Rahim en Paul Barras, pourtant homme-clé de la transition vers le Directoire, ainsi que tous les comédiens invités pour des apparitions plus ou moins furtives laissant leurs personnages dans un statut de silhouette. Arrivons-en à Joséphine, la star de The Crown (Princesse Margaret) : Vanessa Kirby et au Napoléon de Joaquin Phoenix, que l’on ne présente plus. Là, nous touchons le fond. Aveuglés certainement par le talent du maître installé derrière la caméra, ils n’ont aucune consistance, sont des fantômes qui « jouent » façon carte postale des rôles écrasants sans les habiter. C’est consternant !
Passons sur la campagne d’Egypte qui voit Napoléon tirer au canon sur la pyramide de Khéops (c’est un exemple…) pour simplement ajouter que ce film, qui au départ devait être réservé à la plateforme Apple, va faire sursauter voire plus les historiens. Alors, pourquoi un tel challenge ? Conscient des premières critiques, le réalisateur nous promet une version longue de 4h30 dans laquelle le personnage de Joséphine sera davantage mis en valeur. A la bonne vôtre !