Toulouse, 1941, Ginette a 17 ans. Elle aime danser sur des airs de jazz, prendre des verres avec les copains aux « café des américains » place Wilson, aller au cinéma pour voir ses idoles, Michèle Morgan ou le beau gosse Louis Jourdan. Elle se fait friser les cheveux et coiffer chez les sœurs Carita. Elle travaille chez un fourreur de la place Wilson qui habille le gratin toulousain. La ville est en zone libre mais on entend le bruit des bottes qui se rapproche.
Un jour, sous la statue du poète occitan Pierre Goudouli, Ginette rencontre un jeune homme juif, Jean Oberman. Il est beau, il est séducteur. Il croque la vie avec gourmandise. Ginette tombe éperdument amoureuse. Jean l’aime gentiment.
Cette Ginette Gay, aux boucles virevoltantes, pleine de désirs, c’est la mère de Nicole Bacharan. L’élégante politologue, qui distille une parole experte sur le plateau des émissions politiques, lui a consacré un roman d’une extrême sensibilité, irradié de l’amour et de l’admiration qu’elle lui porte « La résistante de toutes » publié aux éditions Stock.
C’est vrai que sa mère a été, non seulement, comme elle dit, « la meilleure mère dont j’aurais pu rêver » mais aussi une vraie héroïne romantique d’un courage éblouissant, prête à affronter tous les dangers par amour.
Parce que Ginette, sensibilisée par Jean au sort des juifs dans la France occupée, va donner asile à des fugitifs dans son petit appartement du centre-ville. Elle va se battre pour faire libérer Jean, enfermé en prison pour un délit mineur. Et quand, en Novembre 1942, les allemands envahissent la zone libre et s’installent un peu partout dans la ville, elle va mettre à l’abri toute la famille de son amour dans un couvent, à Capdenac.
Mais Ginette va aller plus loin encore. « Pour elle, le but était simple et terrible : chasser l’occupant, désarmer ceux qui s’était mis à son service » dit Nicole Bacharan. Ginette va s’engager dans la résistance sous le nom de code de Marie -Claude. Elle devient agent de liaison. Elle sera arrêtée par la Gestapo à Marseille. La très jeune fille, de 20 ans à peine, va tenir tête au terrible Jean Delage, « la légende noire de la Gestapo ». Des sévices qu’elle a subi, Ginette ne dira rien à sa fille. Et Nicole Bacharan n’osera ou ne pourra rien lui demander. Elle dit « c’est une incapacité absolue, radicale, à entrevoir cet abîme. Je l’aimais trop »
Bien des années plus tard, Nicole Bacharan retrouvera, dans les archives un compte rendu d’interrogatoire de Ginette par Delage. C’est là qu’il écrit cette phrase qui donne son titre au livre « C’est la plus résistante de toutes »
Le livre de Nicole Bacharan est remarquable. Non seulement elle se glisse avec justesse dans la peau de sa propre mère à 17 ans, avec ses tourments amoureux, son désir d’absolu et son magnifique mépris du danger. Mais, elle reconstitue aussi avec une grande précision l’atmosphère de Toulouse sous le joug de l’occupant. La place du Capitole interdite aux juifs. Les courses poursuites avec la Gestapo rue Bayard. Ou les bombardements qui laisse la ville exsangue.
L’amour de Jean et Ginette ne survivra pas à la Libération. Mais ils voulaient écrire un livre ensemble pour raconter ce qu’ils avaient vécu. Il aurait eu pour titre « Il s’appelait Jean Oberman ».
Ce livre, c’est Nicole Bacharan qui l’a écrit. Il est magnifique et nécessaire pour célébrer le courage et l’engagement dans une époque qui en a bien besoin.
« La plus résistante de toutes » – éditions Stock