Le Far West de l’Or noir
Attention, chef d’œuvre ! Le dernier opus de Martin Scorsese, et juste avant son biopic sur Theodore Roosevelt, avec Leonardo DiCaprio, nous plonge dans les affres d’une nation en proie à ses pires tourments alors que balbutiante : les Etats Unis d’Amérique. Le réalisateur donne ici la parole à la mémoire du peuple Osage, spolié et en partie exterminé par les Blancs. Voici pourquoi.
Nous sommes à la fin du 19e siècle. Le peuple natif amérindien Osage est confiné sur des terres de l’Oklahoma qu’il a été, par ailleurs, obligé d’acheter… Surprise, à très peu de profondeur coule un véritable fleuve de pétrole. Et voilà les Osages riches comme Crésus, employant à leur service… des Blancs. Ces derniers, ivres de jalousie, vont fomenter une stratégie qui tient du génocide. Afin d’acquérir les droits sur les revenus du pétrole, ils vont se marier avec les indigènes et, la loi étant pour eux, se débarrasser de leurs épouses, beaux-frères, beaux-parents, voire enfants afin d’hériter des dividendes de l’or noir ! Ces meurtres bien camouflés, parfois par empoisonnement, vont être, dans les années 1920 du siècle dernier, portés à la connaissance des prémices du FBI. Un enquêteur de ce Bureau va mettre un terme à cette extermination. Les coupables seront, à peu près, jugés, et libérés rapidement pour bonne conduite. C’est cette histoire que nous raconte Martin Scorsese, avec le support des précieuses informations fournies par les témoins et les acteurs de cette tragédie. Où il est question du jeune Ernest, bas du plafond, revenant dans une petite ville de l’Oklahoma et pris immédiatement en charge par son oncle William, sorte de parrain local qui, sous des abords mielleux et puritains, cache un arriviste sans limites aucunes. Il ne va avoir de cesse que de mettre en relation Ernest et Mollie, une jeune Osage. Ils vont se marier…
La tragédie intime rejoint le drame national que va vivre cette tribu. Pour cela et avec une abondance de décors les uns plus époustouflants que les autres, Martin Scorsese nous immerge au cœur des rituels osages : mariage, baptême, enterrement… Les plus de trois heures que dure ce film passent comme un souffle, celui d’une tragique épopée, rythmée ici par un maître en la matière. Bon nombre d’Osages sont au casting ou à la figuration. Les stars pointent également sur cette production qui sera certainement parmi les favorites des prochains Oscars. Leonardo DiCaprio, Ernest inconscient et pleutre, Robert De Niro dans son emploi favori de canaille hyper toxique, deux habitués des castings scorsesiens sont éclipsés, et de quelle manière, par une ressuscitée du cinéma, l’Amérindienne Lily Gladstone. Elle incarne Mollie avec une grandeur qui fracasse les limites du romanesque pour rejoindre celles de la tragédie antique. Elle est superlative avec une économie de geste qui concentre le regard sur ses yeux, échos tour à tour joyeux, puis anxieux, et finalement désespérés des amours déçus et des réalités sordides.
Un très grand, un immense film, une sorte de western sublimé, à voir absolument !
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